Cinéma: un road-movie documentaire sur l'apôtre Paul
11 septembre 2000
Sortie le 21 septembre prochain sur les écrans romands du film d'Abraham Ségal, "Le Mystère Paul"
Le cinéaste français part à la recherche de l'apôtre dans les lieux où il a fondé les premières communautés chrétiennes (Jérusalem, Ephèse, Corinthe,Chypre, Tarse) et tente de cerner cette figure mythique en interrogeant vingt-six personnalités, historiens, professeurs, pasteurs, prêtres, rabbin, psychanalyste, journaliste ou simples croyants. Qui est Paul? Quel est son message? En quoi est-il actuel? Comment sa mémoire s'est-elle transmise? C'est l'excellent comédien Didier Sandre, fils d'un pasteur protestant, qui mène l'enquête. Loin des reconstitutions historiques, ce road-movie documentaire fait ressortir le pouvoir d'interpellation de Paul pour notre temps, mais aussi les obstacles que ses écrits, souvent compris comme anti-juifs et sa conversion en disciple du Christ ont dressés entre juifs et chrétiens. Interview d'un cinéaste non conventionnel qui a le goût des entreprises audacieuses, déjà auteur d'un long-métrage du même type, "Enquête sur Abraham".
§"Le Mystère Paul" sort le 21 septembre à Lausanne, et fin octobre à Genève
Photos d'Abraham Ségal disponibles à ProtestInfo, 021/312 89 54.§ §Comment votre film a-t-il été accueilli dans la communauté juive?Il a été mal reçu par les juifs traditionnalistes qui restent fondamentalement opposés à Paul. Mais le film a été projeté dans des centres culturels juifs en France et aux Etats-Unis où il a donné lieu à des débats ouverts et passionnants. J'ai pu constater que les juifs libéraux s'intéressent à Paul et ont envie de parler du christianisme d'une façon renouvelée.
§La figure de Paul reste néanmoins problématique pour beaucoup de Juifs. Pourquoi?Principalement à cause de sa conversion en disciple du Christ et de certaines attaques contre les juifs. Paul affirmait que Jésus représente le vrai Israël, qu'il englobait tout l'héritage d'Israël. Avec le recul de l'histoire, on s'aperçoit que Paul s'est trompé. Le christianisme est devenu autre chose que le judaïsme. Ce sont deux religions distinctes. D'autre part, Paul contestait la nécessité d'être né Juif et d'observer la Torah pour gagner son salut. Pour lui, le salut était promis à tous ceux qui croyaient en Jésus-Christ. Ce qui remet radicalement en cause la notion de peuple élu au centre de la doctrine juive.
§Cela peut d'ailleurs surprendre que vous fassiez un film sur Paul, alors que vous êtes juif.Bien que Juif de naissance et d'appartenance, je ne suis pas croyant. Je ne me rattache pas à la religion juive, ni à aucune autre. Je suis agnostique. Et je crois qu'il faut parler des ruptures et des crises pour nouer un véritable dialogue. C'est ce que je m'efforce de faire à travers le film.
§Comment expliquer le pouvoir de fascination de Paul?Paul était à la fois aventurier, organisateur et penseur. Il a parcouru tout le monde méditerranéen pour convertir les païens en même temps qu'il concevait les premiers dogmes chrétiens. Le fait qu'il théorisait à partir de sa propre expérience fait écho aux temps que nous vivons où l'on ne cesse de dire qu'il faut allier pensée et pratique. C'est dans ses lettres que la religion chrétienne a puisé sa force et a pu fonder plus tard une Eglise. Ni Jésus, ni ses premiers disciples n'avait accompli une telle tâche.
§On est aussi frappé, à l'heure de la mondialisation, par sa volonté d'abolir les frontières entre les gens.Il est vrai que l'épître aux Galates recèle un fort pouvoir d'interpellation pour le temps présent: "Il n'y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme, vous n'êtes tous qu'un en Jésus Christ". On voit ici en germe le début de l'universalisme occidental. Avec néanmoins un bémol. Paul s'adresse uniquement aux chrétiens, pas aux autres religions. On est tous égaux, dit-il, dans la mesure où l'on est du côté du Christ.
§On a aussi le sentiment, en voyant votre film, que Paul est un peu fou.Paul n'est certainement pas quelqu'un de raisonnable. Il y a chez lui de la démesure et beaucoup de contradictions. Il proclame l'égalité de tous les chrétiens, mais décrète que les femmes sont subordonnées aux hommes et qu'il faut se soumettre à l'autorité. Il se décrit comme un bon Juif, mais estime qu'il n'est pas nécessaire de respecter les commandements de la Torah pour gagner son salut. Il pose les fondements de l'Eglise, alors que sa personnalité est trop riche et diverse pour tenir dans les limites d'une institution. J'aime les propos de Didier Sandre qui dit dans le film que Paul est un espace de liberté dont on est loin d'avoir épuisé toutes les ressources.
§Propos recueillis par Jacques-Olivier Pidoux§Première du "Mystère Paul" aux Galeries du Cinéma à Lausanne le 20 septembre, en présence du réalisateur, à 20h30. Dès le 21 septembre, séance quotidienne
Sortie à Genève fin octobre au CAC-Voltaire.§
§"Le Mystère Paul" sort le 21 septembre à Lausanne, et fin octobre à Genève
Photos d'Abraham Ségal disponibles à ProtestInfo, 021/312 89 54.§ §Comment votre film a-t-il été accueilli dans la communauté juive?Il a été mal reçu par les juifs traditionnalistes qui restent fondamentalement opposés à Paul. Mais le film a été projeté dans des centres culturels juifs en France et aux Etats-Unis où il a donné lieu à des débats ouverts et passionnants. J'ai pu constater que les juifs libéraux s'intéressent à Paul et ont envie de parler du christianisme d'une façon renouvelée.
§La figure de Paul reste néanmoins problématique pour beaucoup de Juifs. Pourquoi?Principalement à cause de sa conversion en disciple du Christ et de certaines attaques contre les juifs. Paul affirmait que Jésus représente le vrai Israël, qu'il englobait tout l'héritage d'Israël. Avec le recul de l'histoire, on s'aperçoit que Paul s'est trompé. Le christianisme est devenu autre chose que le judaïsme. Ce sont deux religions distinctes. D'autre part, Paul contestait la nécessité d'être né Juif et d'observer la Torah pour gagner son salut. Pour lui, le salut était promis à tous ceux qui croyaient en Jésus-Christ. Ce qui remet radicalement en cause la notion de peuple élu au centre de la doctrine juive.
§Cela peut d'ailleurs surprendre que vous fassiez un film sur Paul, alors que vous êtes juif.Bien que Juif de naissance et d'appartenance, je ne suis pas croyant. Je ne me rattache pas à la religion juive, ni à aucune autre. Je suis agnostique. Et je crois qu'il faut parler des ruptures et des crises pour nouer un véritable dialogue. C'est ce que je m'efforce de faire à travers le film.
§Comment expliquer le pouvoir de fascination de Paul?Paul était à la fois aventurier, organisateur et penseur. Il a parcouru tout le monde méditerranéen pour convertir les païens en même temps qu'il concevait les premiers dogmes chrétiens. Le fait qu'il théorisait à partir de sa propre expérience fait écho aux temps que nous vivons où l'on ne cesse de dire qu'il faut allier pensée et pratique. C'est dans ses lettres que la religion chrétienne a puisé sa force et a pu fonder plus tard une Eglise. Ni Jésus, ni ses premiers disciples n'avait accompli une telle tâche.
§On est aussi frappé, à l'heure de la mondialisation, par sa volonté d'abolir les frontières entre les gens.Il est vrai que l'épître aux Galates recèle un fort pouvoir d'interpellation pour le temps présent: "Il n'y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme, vous n'êtes tous qu'un en Jésus Christ". On voit ici en germe le début de l'universalisme occidental. Avec néanmoins un bémol. Paul s'adresse uniquement aux chrétiens, pas aux autres religions. On est tous égaux, dit-il, dans la mesure où l'on est du côté du Christ.
§On a aussi le sentiment, en voyant votre film, que Paul est un peu fou.Paul n'est certainement pas quelqu'un de raisonnable. Il y a chez lui de la démesure et beaucoup de contradictions. Il proclame l'égalité de tous les chrétiens, mais décrète que les femmes sont subordonnées aux hommes et qu'il faut se soumettre à l'autorité. Il se décrit comme un bon Juif, mais estime qu'il n'est pas nécessaire de respecter les commandements de la Torah pour gagner son salut. Il pose les fondements de l'Eglise, alors que sa personnalité est trop riche et diverse pour tenir dans les limites d'une institution. J'aime les propos de Didier Sandre qui dit dans le film que Paul est un espace de liberté dont on est loin d'avoir épuisé toutes les ressources.
§Propos recueillis par Jacques-Olivier Pidoux§Première du "Mystère Paul" aux Galeries du Cinéma à Lausanne le 20 septembre, en présence du réalisateur, à 20h30. Dès le 21 septembre, séance quotidienne
Sortie à Genève fin octobre au CAC-Voltaire.§