Dialogue interreligieux après le 11 septembre :Shafique Keshavjee prône un débat sans naïveté avec les musulmans
7 mars 2002
Les maisons d'édition parisiennes multiplient les ouvrages autour du 11 septembre
En Suisse romande aussi 6 mois après la tragédie, ce séisme continue de bouleverser l'opinion publique. Après une lettre ouverte au président de la Confédération en septembre dernier, le pasteur Shafique Keshavjee poursuit sa réflexion. Connu pour son engagement dans le dialogue interreligieux, il invite à un regard lucide, nourri de sa connaissance du paysage religieux romand.
§Une photo de Shafique Keshavjee est disponible auprès de l'agence photographique CIRIC à Lausanne, tél. 021/ 613 23 83.§6 mois après les attentats terroristes du 11 septembre, sociologues, politologues, analystes des réseaux financiers, spécialistes des religions continuent de faire paraître leurs analyses de ce qui a représenté un véritable séisme dans la conscience occidentale. Shafique Keshavjee parcourt le paysage des religions en Suisse romande depuis de nombreuses années. Pour ce pasteur protestant, spécialiste du dialogue interreligieux, le 11 septembre a permis un renforcement d'intuitions fondamentales qui l'habitaient déjà auparavant dans le cadre de ses activités à la direction de la Maison de l'Arzillier à Lausanne.
"Aujourd'hui, il y a un double combat à mener, confie-t-il sereinement. Celui du refus de toute hostilité primaire à l'endroit des musulmans et celui de la confrontation avec un discours peu respectueux d'autrui de certains musulmans pratiquants.
§Relents xénophobes" Selon ce pasteur d'origine indienne, la tragédie des Tours jumelles du World Trade Center a entraîné deux sortes de réactions à l'égard desquelles il aimerait se démarquer. "Tout d'abord, celle qui, de manière sommaire, consistait à réduire le monde musulman à un seul bloc et à afficher une hostilité forte à l'endroit de l'islam." Pour le pasteur Keshavjee, cette attitude renferme de nombreux relents xénophobes. De plus, elle est très réductrice parce que le monde musulman est pluriel. "Face à de tels propos, les Eglises chrétiennes doivent maintenir un discours engagé d'ouverture et d'hospitalité de notre société à l'endroit des musulmans".
§Non à une ouverture naïve et molle!Shafique Keshavjee prend aussi ses distances par rapport à une ouverture généreuse mais naïve. "Je souhaite, explique-t-il, qu'il y ait plus de résistance face à ce qui dans l'islam s'oppose à un certain nombre de valeurs fondamentales de nos sociétés."
Aux yeux de l'auteur du best-seller "Le roi, le sage et le bouffon", un roman qui retrace un tournoi des religions, il existe dans l'islam, comme dans toutes les traditions religieuses, des dérives dont les Suisses doivent être conscients. "Ainsi dans nos cantons, certains musulmans très pratiquants développent un discours peu respectueux des autres et peu soucieux de réciprocité en matière de liberté religieuse. Leur propos est en contradiction avec des valeurs que nos sociétés ont mis beaucoup de temps à développer et à assimiler."
§Couples mixtes et lieux de culteLe pasteur Keshavjee souhaite ainsi alerter l'opinion publique sur la question des couples mixtes. "Il n'est pas juste, selon lui, que dans de tels couples le conjoint d'origine chrétienne soit poussé à la conversion à l'islam parce qu'il épouse une musulmane et que, systématiquement, les enfants soient forcés à devenir musulmans." Cette attitude, affichée dans la plupart des mosquées et des centres islamiques de Suisse romande, doit inviter les couples concernés à la vigilance.
L'ouverture de nouveaux lieux de culte musulman en Suisse constitue aussi une occasion de débats à saisir. D'après Shafique Keshavjee, permettre à des musulmans de se rassembler dans des lieux adaptés pour pratiquer leur religion est important et positif. "Néanmoins, il faut constamment rappeler que la réciproque pour les croyants d'autres religions en terre d'islam n'existe pratiquement pas." Dans ce processus d'ouverture progressive, les Occidentaux devraient rappeler sans cesse la situation des non-musulmans en terre d'islam et voir comment l'exercice plein et entier de leur liberté religieuse peut être amélioré dans ces pays. "Si nous n'entrons pas dans un débat clair et viril avec le monde musulman sur ces questions, ajoute le directeur de la Maison de l'Arzillier, je crains, à moyen terme et du côté occidental, des réactions violentes qui pourraient même se révéler dangereuses voire meurtrières Or, c'est maintenant que nous devons prévenir ces violences."
§Pour une éthique qui change la face du mondePour Shafique Keshavjee, le séisme du 11 septembre a montré aussi avec vigueur les limites d'une approche uniquement religieuse d'un événement. Le dialogue interreligieux, c'est bien! Mais sans une prise en compte des réalités économiques, géo-politiques ou culturelles qui déterminent la vie des sociétés, une telle approche peut se révéler "totalement inefficace".
"Nous devons tenir compte de cette multiplicité de facteurs, soutient Shafique Keshavjee, et essayer d'entrer en dialogue avec les différents acteurs sociaux pour faire avancer une dynamique de paix entre peuples". Le directeur de la Maison de l'Arzillier appréhende très positivement la rencontre des religions à Assise mise sur pied par Jean-Paul II. "Mieux vaut effectivement que nous entendions des discours pacifiants et hostiles à la violence, explique-t-il. Mais si ces discours ne touchent pas les lieux qui génèrent de l'injustice et de la violence, ils sont totalement inopérants et inefficaces." Il lui paraît tout à fait justifié de critiquer la violence qui sévit dans le monde musulman au travers de l'islamisme radical financé notamment par l'Arabie Saoudite, mais il faut aussi cerner de près la violence générée par nos sociétés occidentales. Celle qu'entraînent les ventes d'armes massives des grandes puissances occidentales, les grandes multinationales, plus soucieuses de rentabilité que de justice sociale, ou celle qu'entraînent des réseaux bancaires avides de l'argent de dirigeants corrompus et exploiteurs.
A l'avenir, le pasteur Shafique Keshavjee souhaite développer une réflexion éthique qui mette en réseau des décideurs religieux, économiques ou politiques afin que les valeurs de justice et de paix qui traversent la tradition chrétienne s'inscrivent dans la réalité concrète des rapports entre le Nord et le Sud, entre l'Orient et l'Occident. Une première réflexion autour de ces enjeux complexes paraîtra dans son prochain roman. Il traitera de mondialisation.
§Une photo de Shafique Keshavjee est disponible auprès de l'agence photographique CIRIC à Lausanne, tél. 021/ 613 23 83.§6 mois après les attentats terroristes du 11 septembre, sociologues, politologues, analystes des réseaux financiers, spécialistes des religions continuent de faire paraître leurs analyses de ce qui a représenté un véritable séisme dans la conscience occidentale. Shafique Keshavjee parcourt le paysage des religions en Suisse romande depuis de nombreuses années. Pour ce pasteur protestant, spécialiste du dialogue interreligieux, le 11 septembre a permis un renforcement d'intuitions fondamentales qui l'habitaient déjà auparavant dans le cadre de ses activités à la direction de la Maison de l'Arzillier à Lausanne.
"Aujourd'hui, il y a un double combat à mener, confie-t-il sereinement. Celui du refus de toute hostilité primaire à l'endroit des musulmans et celui de la confrontation avec un discours peu respectueux d'autrui de certains musulmans pratiquants.
§Relents xénophobes" Selon ce pasteur d'origine indienne, la tragédie des Tours jumelles du World Trade Center a entraîné deux sortes de réactions à l'égard desquelles il aimerait se démarquer. "Tout d'abord, celle qui, de manière sommaire, consistait à réduire le monde musulman à un seul bloc et à afficher une hostilité forte à l'endroit de l'islam." Pour le pasteur Keshavjee, cette attitude renferme de nombreux relents xénophobes. De plus, elle est très réductrice parce que le monde musulman est pluriel. "Face à de tels propos, les Eglises chrétiennes doivent maintenir un discours engagé d'ouverture et d'hospitalité de notre société à l'endroit des musulmans".
§Non à une ouverture naïve et molle!Shafique Keshavjee prend aussi ses distances par rapport à une ouverture généreuse mais naïve. "Je souhaite, explique-t-il, qu'il y ait plus de résistance face à ce qui dans l'islam s'oppose à un certain nombre de valeurs fondamentales de nos sociétés."
Aux yeux de l'auteur du best-seller "Le roi, le sage et le bouffon", un roman qui retrace un tournoi des religions, il existe dans l'islam, comme dans toutes les traditions religieuses, des dérives dont les Suisses doivent être conscients. "Ainsi dans nos cantons, certains musulmans très pratiquants développent un discours peu respectueux des autres et peu soucieux de réciprocité en matière de liberté religieuse. Leur propos est en contradiction avec des valeurs que nos sociétés ont mis beaucoup de temps à développer et à assimiler."
§Couples mixtes et lieux de culteLe pasteur Keshavjee souhaite ainsi alerter l'opinion publique sur la question des couples mixtes. "Il n'est pas juste, selon lui, que dans de tels couples le conjoint d'origine chrétienne soit poussé à la conversion à l'islam parce qu'il épouse une musulmane et que, systématiquement, les enfants soient forcés à devenir musulmans." Cette attitude, affichée dans la plupart des mosquées et des centres islamiques de Suisse romande, doit inviter les couples concernés à la vigilance.
L'ouverture de nouveaux lieux de culte musulman en Suisse constitue aussi une occasion de débats à saisir. D'après Shafique Keshavjee, permettre à des musulmans de se rassembler dans des lieux adaptés pour pratiquer leur religion est important et positif. "Néanmoins, il faut constamment rappeler que la réciproque pour les croyants d'autres religions en terre d'islam n'existe pratiquement pas." Dans ce processus d'ouverture progressive, les Occidentaux devraient rappeler sans cesse la situation des non-musulmans en terre d'islam et voir comment l'exercice plein et entier de leur liberté religieuse peut être amélioré dans ces pays. "Si nous n'entrons pas dans un débat clair et viril avec le monde musulman sur ces questions, ajoute le directeur de la Maison de l'Arzillier, je crains, à moyen terme et du côté occidental, des réactions violentes qui pourraient même se révéler dangereuses voire meurtrières Or, c'est maintenant que nous devons prévenir ces violences."
§Pour une éthique qui change la face du mondePour Shafique Keshavjee, le séisme du 11 septembre a montré aussi avec vigueur les limites d'une approche uniquement religieuse d'un événement. Le dialogue interreligieux, c'est bien! Mais sans une prise en compte des réalités économiques, géo-politiques ou culturelles qui déterminent la vie des sociétés, une telle approche peut se révéler "totalement inefficace".
"Nous devons tenir compte de cette multiplicité de facteurs, soutient Shafique Keshavjee, et essayer d'entrer en dialogue avec les différents acteurs sociaux pour faire avancer une dynamique de paix entre peuples". Le directeur de la Maison de l'Arzillier appréhende très positivement la rencontre des religions à Assise mise sur pied par Jean-Paul II. "Mieux vaut effectivement que nous entendions des discours pacifiants et hostiles à la violence, explique-t-il. Mais si ces discours ne touchent pas les lieux qui génèrent de l'injustice et de la violence, ils sont totalement inopérants et inefficaces." Il lui paraît tout à fait justifié de critiquer la violence qui sévit dans le monde musulman au travers de l'islamisme radical financé notamment par l'Arabie Saoudite, mais il faut aussi cerner de près la violence générée par nos sociétés occidentales. Celle qu'entraînent les ventes d'armes massives des grandes puissances occidentales, les grandes multinationales, plus soucieuses de rentabilité que de justice sociale, ou celle qu'entraînent des réseaux bancaires avides de l'argent de dirigeants corrompus et exploiteurs.
A l'avenir, le pasteur Shafique Keshavjee souhaite développer une réflexion éthique qui mette en réseau des décideurs religieux, économiques ou politiques afin que les valeurs de justice et de paix qui traversent la tradition chrétienne s'inscrivent dans la réalité concrète des rapports entre le Nord et le Sud, entre l'Orient et l'Occident. Une première réflexion autour de ces enjeux complexes paraîtra dans son prochain roman. Il traitera de mondialisation.