Recherche en paternité:Y a–t-il une éthique pour les tests génétiques ?

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Recherche en paternité:Y a–t-il une éthique pour les tests génétiques ?

18 mars 2002
Le projet de vente d’un test de paternité dans les pharmacies discount provoque beaucoup d’embarras, tant sur le plan juridique que commercial
Et sur le plan moral ? L’éthique peut-elle nous permettre d’y voir plus clair ? Deux éthiciens romands, un protestant et un catholique, font le point sur la question.En annonçant au début de l’année, l’arrivée d’un test de paternité accessible en pharmacies à un prix cassé, l’entreprise Eatech basée à Sion et Genève a suscité de nombreuses questions sur l’usage du test génétique.

Ce n’est pas tant l’existence du test de paternité qui fait problème –les instituts de médecine légale le pratiquent, souvent à la demande de la justice- que son libre accès en pharmacie, au même titre que n’importe quel autre produit de consommation. Peut-on vendre un test de paternité comme une aspirine, sans ordonnance, ni avis médical ? Alberto Bondolfi, éthicien d’obédience catholique et professeur aux Facultés de Zürich et Lausanne, fait d’emblée remarquer que le doute sur la paternité surgit bien souvent à l’intérieur d’un conflit conjugal : « Un test de paternité, seul le juge devrait l’autoriser » affirme-t-il. De son côté, Denis Müller, éthicien, théologien protestant et professeur à l’Université de Lausanne, est attentif au paradoxe que crée le test génétique : « Il donne une réponse qui est de l’ordre de la certitude biologique, mais ne dit rien sur la vérité morale, sur le fait d’être un bon ou un mauvais père. » Dans le même sens, Alberto Bondolfi suggère que l’on regarde de plus près le droit suisse. « La définition de la paternité repose non pas sur la continuité biologique, mais sur les fonctions et les devoirs qu’un homme remplit en tant que père. C’est pourquoi le fait de reconnaître un enfant à l’Etat civil, ajoute-t-il, établit la filiation ». L’aspect social de la paternité prime sur l’aspect biologique, une nuance qui a toute son importance selon le théologien catholique.

§Clarifier les motivationsSur le terrain, les réponses des conseillers conjugaux rejoignent sensiblement les avis émis par les éthiciens. À Genève, Philippe Lechenne, le directeur de l’Office protestant de consultation conjugale, et ses collaborateurs insistent sur la nécessité de l’encadrement, lors d’un test de paternité, surtout pour le bien de l’enfant. « En cas de conflit, ajoute Gabrielle Pilet, thérapeute de famille, le lien biologique peut être utilisé pour alimenter les tensions entre des couples ou des familles. Il vaudrait la peine qu’un entretien préalable avec un médecin ou un conseiller permette de clarifier les motivations qui sous-tendent le besoin de faire ce test, il faut éviter que la personne reste isolée avec sa demande ».

§Réguler l’usage des tests génétiquesDenis Müller se dit frappé par l’apparente naïveté avec laquelle on entend régler des problèmes humains par des tests génétiques. « Ce n’est pas un test qui permettra de résoudre des problèmes d’adultes responsables » précise-t-il.

Pour Alberto Bondolfi, il convient d’abandonner les craintes devant la technique. « Mieux vaut se pencher sur les réglementations, propose-t-il, afin de distinguer, par exemple, qui a le droit de savoir le résultat d’un diagnostic génétique, conformément à la protection des données, ou quel aspect non-médical il faut exclure, afin d’éviter tout dérapage. J’espère qu’un test sur l’ADN servira à autre chose qu’à déterminer la couleur de peau d’un enfant » conclut-il. Un projet de texte de loi sur les tests génétiques est d’ailleurs pendant, il devrait passer devant le Parlement cette année encore.