Une nonne s’attaque à un décret papal datant du XVe siècle
Photo: Sœur Maureen Fiedler
RNS/Protestinter
Sœur Maureen Fiedler a remis une lettre, en main propre, à l’ambassadeur du pape François, à Washington D.C., en novembre 2013. Elle y exhortait le souverain pontife de renoncer à une série de documents ecclésiaux datant du XVe siècle qui justifient la colonisation et l’oppression des peuples autochtones.
Sœur Maureen Fiedler ne sait pas si la lettre est arrivée jusqu’au Vatican. Néamoins, elle espère qu’une récente résolution de la Leadership Conference of Women Religious (LCWR), une association qui représente 80% des nonnes américaines, amènera le pape à abandonner ce concept séculaire connu sous le nom de «Doctrine de la découverte».
«Quand j’ai découvert ce concept, j’ai été horrifiée», se rappelle Sœur Maureen. En tant que membre de la Communauté Loretto, une congrégation de femmes religieuses et de personnes laïques, la Sœur a entendu parler de ces documents, pour la première fois, lors du 200e anniversaire de sa communauté qui justement profitait de cet événement pour remettre en cause «la consécration papale de l’esclavage par les chrétiens et du pouvoir sur les non-chrétiens».
Un droit pour tuerLa «Doctrine de la découverte» est constituée d’une série de décrets qui a donné le droit aux explorateurs chrétiens de prendre possession de n’importe quelle terre qui n’était pas habitée par des chrétiens et qui était «disponible» pour être découverte. Si les habitants pouvaient être convertis, ils étaient épargnés. Mais s’ils ne le «pouvaient» pas, ils étaient réduits en esclavage ou tués.
«L’influence qu’a eue cette doctrine est réapparue récemment dans un débat autour du racisme», précise Sœur Maureen Fiedler. Cette doctrine a justifié l’élimination des langues, des pratiques et de la vision du monde des autochtones. Elle affecte le traité conclu avec les Amérindiens qui fait partie de la loi américaine depuis 1823. En 2005, la juge Ruth Bader Ginsburg de la Cour suprême a cité la «Doctrine de la découverte» dans une décision par rapport à une requête territoriale contre les Oneidas, une des six communautés iroquoises.
La Communauté Loretto a collaboré avec un membre de la communauté des Osages, des Amérindiens qui vivent principalement dans le comté d’Osage en Oklaoma, pour créer une résolution en 2012. En automne 2013, la Communauté Loretto a rejoint douze groupes catholiques qui demandent également au pape d’annuler les décrets. Les signataires ont écrit qu'en révoquant ces décrets papaux, «chaque personne prendrait conscience que le monde d’aujourd’hui est différent de celui du XVe siècle et que nous nous sommes éloignés des schémas de domination et de déshumanisation».
Les Eglises s’opposentL’année passée, la Communauté Loretto a franchi une étape supérieure en s’approchant de la LCWR, lui demandant de signer une résolution similaire. Au mois d’août dernier, les membres de la LCWR ont massivement approuvé cette résolution, lors de leur conférence annuelle à Nashville, au Tenneessee. Avant le vote, la Soeur Pearl McGivney, présidente de la Communauté Loretto, qui est basée à Nerinx dans le Kentucky, a parlé de l’injustice de cette doctrine. «Nous venions de chanter un hymne dont les paroles sont: «Qui parlera si vous ne le faites pas?...Parlez de sorte que leurs voix soient entendues», raconte la Sœur Maureen Fiedler. «Dans ce cas précis, nous parlions de la voix des Amérindiens, qui est si rarement entendue».
Des groupes d’autochtones ont cherché à abolir la doctrine depuis 1984. Dans leur Déclaration pour les droits des populations indigènes, les Nations Unies ont critiqué certains règlements comme la «Doctrine de la découverte», considérée comme «raciste, scientifiquement fausse, juridiquement sans valeur, moralement condamnable et socialement injuste». Depuis 2007, de nombreuses communautés religieuses ont appelé à l’abrogation, parmi elles, l’Eglise méthodiste unie, l’Association unitarienne universelle, l’Eglise épiscopale, le Conseil œcuménique des Eglises, plusieurs groupes quakers et l’Eglise unie du Christ.
Le pape doit abolir la doctrineLa résolution de la LCWR invite le pape à reconnaître publiquement la souffrance endurée par les populations autochtones; à clarifier et abandonner le statut juridique de la doctrine; à dialoguer avec ces populations et collaborer à la planification d’une cérémonie sacrée de réconciliation ainsi qu’à remettre une déclaration aux tribunaux des pays colonisateurs, les exhortant de changer les lois dérivées de la doctrine.
Le Vatican a déclaré que de nouveaux décrets ainsi que les excuses papales montrent que l’Eglise ne soutient plus cette doctrine. «Les torts causés aux populations autochtones doivent être honnêtement reconnus», avait déclaré Jean-Paul II, en 1998. Il avait aussi prononcé des excuses généralisées pour tous les mauvais traitements infligés par l’Eglise, y compris ce qu’elle a fait aux populations autochtones.
«Mais le pape devrait agir, de façon décisive également», souligne Philip Arnold, un professeur d’études religieuses de l’Université de Syracuse, dans l’Etat de New York, qui a travaillé avec un groupe d’étude sur la doctrine. «Ce serait utile pour l’Eglise de se défaire de son péché de colonisateur. Une certaine reconnaissance de la douleur du passé serait bienvenue». (lv)