De l'angoisse de mourir à la confiance retrouvée:Les mots vrais d'un théologien qui regarde la mort en face

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De l'angoisse de mourir à la confiance retrouvée:Les mots vrais d'un théologien qui regarde la mort en face

28 novembre 2001
Dans la paix de sa retraite du Jura bernois, le théologien Robert Grimm apprend à vivre avec l’évidence de la mort devant lui : il affronte peurs et doutes et analyse les parades mises au point par les hommes pour esquiver l’insoutenable dans un ouvrage pétri d’humanité et d’intelligence, « Un temps pour mourir »
Animé d’un revigorant scepticisme critique, il y livre son testament théologique. Au terme de sa quête, il conclut qu’il sait qu’il ne sait rien, hormis sa certitude d’être aimé de Dieu, ce qui lui apporte l’apaisement. Un livre de maturité qui aide à vivre. Rencontre.Originaire de St-Ursanne, Robert Grimm fut l’élève de Karl Barth à Bâle et d’Emile Brunner à Zurich. Il a fait ses premiers pas de pasteur dans la banlieue de Lyon, puis à Douala au Cameroun, enfin comme aumônier de l’Université de Neuchâtel. Habité par la passion de la réflexion théologique, il s’est particulièrement intéressé aux questions éthiques touchant au couple, a publié dans les années quatre-vingt « L’institution du mariage », « Les couples non mariés » et tout récemment un ouvrage sur Luther, son maître à penser.

§Libres et responsables Le problème de la mort, il y avait souvent pensé, mais de loin. Jusqu’au jour où il l’a frôlée lors d’une tempête de neige qui l’a surpris sur une arête en pleine course de montagne. Il s’est aperçu que le réflexe de survie avait été plus fort que celui de la prière. « Je m’étais refusé à appeler Dieu à la rescousse, parce que j’avais réalisé que j’étais entièrement responsable de ce qui m’arrivait. Une des causes de athéismes contemporains, constate le théologien, c’est la croyance en un Dieu tout puissant qui ne nous laisse pas d’espace. Or c’est faux, il nous a laissé libres et responsables. »

Avec l’âge, la question de la mort, mais aussi les peurs et les révoltes se précisent: « Devoir mourir, quelle monstruosité ! » reconnaît-il dans « Un temps pour mourir » qui vient de sortir en librairie. Cette perspective le pousse à aborder de façon intime et urgente les questions essentielles sur la vie.

§"Sans Dieu, je ne m'en sors pas" Parallèlement, il accompagne des personnes en fin de vie, les serre dans ses bras au moment ultime du trépas. «Ces moments-là m’impressionnaient toujours beaucoup », se rappelle-t-il. Lors des services funèbres qu’il conduit, jamais il ne souscrit aux discours lisses de circonstance. On l’entend affirmer dans un souci de vérité :« La résurrection, je ne sais pas ce que c’est ! », tout en prenant soin d’ajouter : «Je sais seulement que Dieu m’aide, que sans lui, je ne m’en sors pas. »

Peu à peu, il élabore une réflexion sur ce qu’il appelle sa « docte ignorance » à l’ombre du doute: « Je ne peux pas interdire à ma pensée de connaître les tenants et les aboutissants de ma vie, de m’interroger sur ma présence sur cette terre, sur le Mal, sur la mort, métaphore radicale de notre finitude, mais aussi sur Dieu. »

Il compare la mort de Socrate et de Jésus. L’un révère Apollon, croit à l’immortalité de l’âme et meurt sans angoisse. L’autre vit pour son Dieu, se soumet à sa volonté et meurt dans l’effroi. « A partir de la mort de Jésus dans la vulnérabilité et l’angoisse, je peux comprendre qu’il me sera permis à moi d’avoir peur de mourir, écrit le théologien qui voit dans la résurrection un « rattrapage du destin historique manqué et négatif du Nazaréen ». Et le théologien de préciser :« La résurrection me permet une nouvelle approche de mon destin de mortel, m’invite à vivre au présent, là où se joue mon éternité, en prenant conscience de l’importance définitive du temps qui m’est imparti pour vivre ma foi en Jésus et l’amour qui donne sens à la vie. »

Croire, pour Robert Grimm, c’est refuser l’inconscience, c’est un acte de liberté, une mise en perspective de son aventure terrestre. "La foi est une confiance en Dieu : j’admets que Dieu me fonde, me précède et m’attend ".

Et la réincarnation ? D’un geste, Robert Grimm balaie la notion empruntée à l’Orient et très prisée de nos jours en Occident. « C’est un alibi pour escamoter nos actes irrévocables ». Une fois pour toutes, Le théologien a fait sienne les paroles de Karl Barth : « Dieu est mon au-delà ».

§Robert Grimm, Un temps pour mourir, 214 pages, novembre 2001, éd. Labor et Fides.