La Bible au milieux des cahiers :Le succès inattendu des écoles chrétiennes
« Encourager l’enfant à une relation vivante avec Jésus-Christ, en particulier par la prière et la connaissance de la Bible. » Cette citation est extraite de la charte de l’Amicale des écoles et garderies chrétiennes (AGEC). Huit établissements, tous vaudois, accueillent quelques poignées d’enfants soit en enfantine soit en primaire, le plus souvent jusqu’en 4e année.
A l’instar des Jésuites, les Adventistes ont ouvert des écoles dans le monde entier. Une tradition qui renaît après des années d’arrêt, comme en témoigne du côté de Collonges le campus adventiste du Salève. A Gland, aux «Tourn’sols » , ils accueillent dix-sept élèves entre six et douze ans. « C’est seulement la seconde année que le canton nous reconnaît, explique Christine Mayer, enseignante. Le nombre de demandes augmente, mais pour des raisons de structure comme d’encadrement, nous n’irons pas au delà de vingt-quatre inscrits. »
Ici l’aventure a débuté comme ailleurs. Des parents commencent à dispenser des cours à la maison. Puis, avec d’autres, ils prennent la décision de concrétiser ce qu’ils nomment une « vision chrétienne de l’enseignement. »
§Déclic françaisComme d’autres écoles, les Tourn’sols ont profité d’une prise de conscience du milieu évangélique en matière d’éducation. Au milieu des années 90, le Français Luc Bussière, pasteur évangélique, vient donner une série de conférences. Elles servent de déclic. « Directeur d’un lycée en France, j’aide à la création de ce genre d’écoles. Il s’agit de retrouver l’héritage de la Réforme et de Calvin qui disait qu’une Eglise n’a jamais fleuri sans école. Au lieu de diviser le monde, nous croyons à la possibilité de le voir avec des «lunettes bibliques » .
Bien sûr, reconnaît Luc Bussière, le danger du légalisme plane autour de cette démarche. « Voilà pourquoi il faut insister sur de nécessaires contacts entre les différents établissements et accorder une importance primordiale à la formation des enseignants. Les lois et règlements scolaires font office de garde-fous. En Alsace (la région de France qui compte un nombre important d’écoles chrétiennes, ndlr.), nous ne recevons pas de subvention d’Etat et nous sommes régulièrement inspectés. »
Une vie changée qui change d’autres vies. Telle est la définition que Luc Bussière donne des écoles chrétiennes. Plus prosaïquement, Giuliana Vallotton, directrice de « la Bergerie » à l’Isle, souligne qu’il s’agit d’éviter de confronter l’enfant à un double langage. « Un ou deux élèves présentent des difficultés scolaires. Mais la grande majorité des parents qui s’adressent à nous sont chrétiens. Ils tiennent à ce que leur fils ou leur fille entendent un discours identique en classe et à la maison », précise-t-elle. Bref, éviter que la maîtresse ne se moque d’un petit qui affirmerait que « nous sommes tous enfants de Dieu ».
Côté programmes scolaires, pas de différence avec l’école publique. L’originalité de ces établissements se trouve donc ailleurs, dans une volonté de partager avec l’enfant un engagement chrétien solidement enraciné. « Chaque jour, raconte Christine Mayer, nous vivons un moment de partage biblique. Dans la classe des petits dont je m’occupe, je raconte une histoire sur les animaux. Je lis en parallèle un passage de la Bible. »
§Réticences encore vivacesDirecteur d'Aquarelle à Yverdon-les-Bains, Henri Brocard précise qu’il a entendu Luc Bussière pour la première fois en 1992 à Bordeaux. « Sa vision a trouvé une grande résonance en moi ; il mettait des mots sur ce que je pensais depuis plusieurs années ». Douze mois plus tard, une dizaine de couples forment le premier comité de l’école. Aujourd’hui, l’école Aquarelle scolarise une cinquantaine d’enfants des classes enfantines à la 4e primaire. « Sans sectarisme. Il y a chez nous des catholiques et des protestants, explique son directeur. En revanche, nous tenons à conserver une nette majorité de familles chrétiennes pour que nos valeurs ne se diluent pas comme dans tant d’autres établissements confessionnels. »
Un seul chemin : Jésus-Christ. Une seule vérité : la Bible, inspirée de Dieu et acceptée dans son intégralité. Henri Brocard explique: « Littéralement, autonomie signifie une loi pour soi-même. Nous voulons vivre notre dépendance envers la loi d’amour du Christ». Comme ses consoeurs, l’école n’est pas reconnue mais autorisée par le Département. La nuance rappelle des réticences encore vivaces. Une partie des communautés évangéliques gardent leurs distances. Avec l’Eglise réformée, les divergences prennent parfois des allures de gouffre. « A Yverdon-les-Bains, on ne peut pas dire qu’on nous ménage. Des membres de notre conseil qui figuraient aussi dans celui de la paroisse réformée ont dû démissionner. Ils avaient été durement remis à l’ordre. » Des tensions qui, visiblement, ne découragent pas les parents.