«Allez, tu m’en files un morceau…»
Ces derniers jours, c’est Fred, un de ses camarades, qui lui tient compagnie. Ils ont le droit de jouer calmement dans la classe lorsque Mme Pétronille est de service pour surveiller la cour de récréation. Depuis une salle juste à côté, une enseignante jette un œil sur eux régulièrement pour vérifier que tout se passe bien.
La fin de la récréation a sonné. Mme Pétronille rentre en classe avec ses élèves. Pierrot semble silencieux.
Le lendemain, Mme Pétronille reste dans sa classe avec les deux élèves. Une collègue vient la chercher: elle doit s’absenter quelques minutes pour répondre à un coup de fil. Elle sort et l’institutrice d’à côté reste de surveillance dehors.
Lorsqu’elle revient, il lui semble entendre courir dans sa classe. Elle perçoit des bribes de conversation dont elle ne comprend pas totalement le sens: «Fais gaffe, tu as intérêt de ne rien…» En entrant, elle retrouve les deux élèves attablés en train de jouer, mais Pierrot semble au bord des larmes.
Tout le reste de la journée, Pierrot parait inquiet. Fred, lui, a le même comportement que d’habitude.
En fin d’après-midi, la maîtresse écrit un mot dans l’agenda de Pierrot pour inviter ses parents à se montrer attentifs à un quelconque changement dans le comportement de leur fils.
Le lendemain, dans l’agenda, les parents de Pierrot ont indiqué n’avoir rien remarqué. Mme Pétronille est de nouveau de service de surveillance, mais cette fois elle a demandé à une collègue de la remplacer. Elle sort avec ses élèves, laissant Fred et Pierrot en classe, puis revient discrètement et finit par comprendre la situation lorsque, depuis le couloir, elle entend la voix de Fred: «On fait comme d’habitude, tu me files ton goûter et tu ne dis rien à personne, sinon je te tape dans le ventre là où cela te fera super mal. Tu n’as pas intérêt à en parler à la maîtresse ou à tes parents!»
La maîtresse entre alors dans la classe, trouvant Fred le poing serré face à Pierrot. Fred rougit jusqu’aux oreilles. «Pierrot, peux-tu aller dans la classe de Mlle Anne, juste à côté, manger ton goûter tranquillement? Quant à toi, Fred, tu vas m’accompagner en salle des maîtres: je vais appeler le doyen et mettre au courant la direction de ton comportement. Il semble que ce ne soit pas la première fois que tu menaces Pierrot!»
Fred n’a pas le choix, il suit la maîtresse jusqu’en salle des maîtres. Le doyen arrive et le prend en charge, puis appelle ses parents pour leur expliquer la situation. Mme Pétronille a récupéré ses élèves à la fin de la récréation et prend un moment pour leur expliquer l’absence de Fred. Elle parle de situations d’abus, de menaces que chacun ou chacune peut un jour devoir subir de la part d’un camarade, d’un autre enfant plus âgé ou d’un adulte. Elle leur explique que des menaces de ce genre sont punissables, que se taire par peur ne fait que rendre plus fort celui ou celle qui veut abuser de sa force, de sa position sociale ou de sa fonction pour obtenir ce qu’il ou elle veut. La maîtresse évoque la situation qui s’est produite en classe, c’est un racket: on commence par demander un petit quelque chose, puis de plus en plus, et la menace laisse la place à la violence qui intimide les victimes.
A la pause de midi, Mme Pétronille informe par téléphone les parents de Pierrot de la situation. Ils avaient reçu peu de temps auparavant un appel du doyen. Même s’ils ont compris que la maîtresse est intervenue au bon moment, ils sont cependant inquiets pour leur fils. Ils espèrent qu’il n’y aura pas de représailles de la part de Fred et, surtout, que Pierrot ne rencontrera plus cette situation à l’avenir…