L’apôtre Paul essayerait de résoudre des problèmes relationnels

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Marie Duruz
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L’apôtre Paul essayerait de résoudre des problèmes relationnels

Relationnel
Dans une thèse à paraître en 2027, Marie Duruz analyse la rhétorique de l’apôtre Paul concernant la prostitution, questionnant les implications de ces textes sur les plans théologiques, voire relationnels.

Comment vous êtes-vous orientée vers ce sujet?

Un travail de mémoire sur les relations hommes-femmes dans la première épître de Paul aux Corinthiens m’a confrontée à un questionnement existentiel: était-il compatible, dans ma vie de foi, d’être chrétienne et féministe? Toutes ces affirmations violentes (silence imposé aux femmes, hiérarchie entre les sexes) ont servi d’appui – parfois davantage que les Évangiles – pour justifier le conservatisme social. J’avais le sentiment qu’en Église on avait dépassé l’idée de la soumission des femmes, mais pas celle de «l’égalité dans la différence». Cette perspective, selon laquelle il existerait des essences féminines et masculines complémentaires, a été développée et érigée en modèle relationnel par le catholicisme, en réaction aux premières idées féministes. Elle contribue à essentialiser les rôles masculin et féminin… et à maintenir des stéréotypes.

Notre société est imprégnée de la réception du christianisme

N’existe-t-il pas déjà quantité de lectures féministes de Paul?

La question de la porneía – prostitution et sexualité – chez Paul a déjà été traitée, mais pas de manière systématique. Et ce travail a beaucoup été fait dans le monde anglo-saxon, pas francophone. Ici, l’idée qu’une approche «neutre et objective» doit passer par l’effacement de tous les aspects militants est très ancrée. De l’autre côté de l’Atlantique, les chercheurs ont plus de facilités pour introduire des éléments de sociologie contemporaine dans leurs analyses de textes, tout en résistant à l’accusation d’anachronisme ou de relecture biaisée des textes.

Notre société est imprégnée par la réception du christianisme, donc il existe des enjeux de société dans la lecture d’un texte biblique. Il ne s’agit pas que d’être un homme ou une femme au sein d’une communauté ecclésiale, mais bien de l’influence du contexte judéo-chrétien sur la construction de relations sociales entre humains hors des Églises.

Quelle est votre méthode de travail?

La méthode historico-critique: je mêle analyse de texte et historique pour replacer le texte dans son contexte particulier de production. Je crois que toutes les lectures sont influencées par les contextes des chercheurs, la question c’est de savoir à quel point on l’exprime ou on le conscientise. J’essaie d’apporter des éléments issus des luttes féministes contemporaines pour proposer des éclairages différents, en reconnaissant que les textes ont leurs limites et sont produits dans des contextes sexistes. Ce qui n’empêche pas de les lire de manière libératrice. 

A voir au festival BREF

Marie Duruz sera présente à BREF le samedi 2 novembre, à 17h, pour une conférence gratuite intitulée «Oser déconstruire» sur le genre aujourd’hui, dans la Bible et dans l’Antiquité. Plus d’informations sur battement.ch.

Quelles sont vos découvertes jusquà maintenant?

Pour le moment, au milieu de ma recherche, je tends vers l’idée que Paul, dans toute sa manière d’évoquer la porneía, essaye de résoudre dans la ville de Corinthe des problèmes relationnels. La notion de porneía apparaît à Corinthe, où il devait sans doute exister des divisions entre croyants vivant leur foi au Christ mais qui continuaient à avoir des comportements issus de leur socialisation gréco-romaine. Après la conversion, l’adhésion sociale à des coutumes «païennes» pouvait s’avérer incompatible avec la foi en Christ.

Si, effectivement, ce sont des questions relationnelles qui poussent Paul à mobiliser tout vocabulaire de la sexualité, cela permettrait d’ouvrir des pistes. Ses textes n’évoqueraient pas tant ce que l’on a le droit de faire dans le registre sexuel, mais comment entrer en relation de manière adéquate. Cela permettrait de déconstruire des visions enfermantes de la sexualité et d’ouvrir des pistes pour construire des relations basées sur la réciprocité plutôt que sur la domination.

La recherche

«La re-sémantisation de la porneía dans les épîtres proto-pauliniennes», Faculté de théologie et sciences des religions, UNIL.

Direction: Simon Butticaz