Culte: des pasteurs osent de nouvelles formes de célébration pour se rapprocher des gens
Cernée par les bruits de la circulation, la chapelle de la Maladière à Lausanne, minuscule et chaleureuse avec tous ses cierges allumés qui éclairent des icônes, accueille chaque dimanche soir une assemblée hétéroclite de marginaux, d'éclopés de la vie et d'accompagnants solidaires qui se serrent sur quatre bancs ou à même le sol. La sacristaine des lieux, Marie-Laure Ivanov, assure un accueil bienveillant à la porte de l'église, avant de sonner la cloche.
Ce jour-là, c'est Simone Imobersteg, diacre responsable de l'aumônerie de rue de l'ouest lausannois, qui assure le service. La prière est le temps fort de cette célébration très simple et sans prédication. Chacun est invité à consigner dans un registre le prénom de celle ou de celui qu'il tient à recommander tout particulièrement à Dieu. La veille, un jeune s'est suicidé. Sa famille est au centre de la prière. L'émotion étreint les cœurs.
"Quand on n'a que l'amour" de Jacques Brel résonne alors dans la chapelle recueillie. Jamais les mots du poète n'ont paru si denses. Pour la Sainte Cène, chacun se donne la main. "Là où deux ou trois personnes se trouvent réunies en mon nom, je suis au milieu d'elles". (Matthieu 18/20) Les mots du Christ prennent ce soir-là tout leur sens.
§Spiritualité à bas seuil d'exigenceC'est en 1993 que la chapelle de la Maladière a été réouverte par Mère Sofia et Jan de Haas, qui travaillaient tous deux aux côtés des gens de la rue, pour un "service spirituel à bas seuil d'exigence" à l'intention d'un public qui n'a aucune culture religieuse et mélange volontiers Bouddha, Jésus et pratiques new-age. "L'important, explique Jan de Haas, c'est de coller à la réalité thématique de la semaine. L'autre jour, un gars est sorti de taule, le cœur était à la fête. Pour l'occasion, je choisis de lire le récit des noces de Cana".
Après avoir été la chapelle des lépreux et des pestiférés, puis des condamnés à mort comme le major Davel qui s'y recueillit avant d'être exécuté, après avoir accueilli les saisonniers pendant le chantier de l'autoroute, être restée ouverte aux quatre vents et aux amoureux, puis fermée à clé, le sanctuaire a renoué avec sa vocation première, au service des exclus et des plus fragiles.
§Un temps de silence au cœur de la villeAvec l''Espace de prière de Champel", Francine Carillo et Madeleine Reverdin ont également voulu toucher un public différent et offrir un temps de silence au cœur de la ville, "pour se reposer en Dieu", comme l'explique l'une des initiatrices du projet. Le vendredi soir depuis quatre ans, entre 18 h15 et 19 heures, elles proposent un office de type monastique qui privilégie la méditation et la lecture d'un psaume psalmodié à plusieurs voix. "On essaie de faire le vide à l'aide des exercices préconisés par Saint Ignace, poursuit Francine Carillo, on lit un texte biblique et on se laisse imprégner par lui pendant un silence de vingt minutes. Le texte sert d'appui à la méditation. Une vingtaine de personnes qu'on ne voit habituellement pas au culte dominical, se trouvent ainsi rassemblées."
§Culte cantate comme au temps de BachA Genève toujours, le pasteur Didier Halter a inauguré un culte-cantate le dimanche soir au temple de St-Gervais (18h30) pour redonner aux cantates de Bach leur destination première, le service du culte et reconstituer d'une certaine façon le culte de Leipzig : "Nous partons de la musique de Bach, interprétée par l'ensemble musical Henri Dunant sous la direction de Gérard Lutz, organiste, et des paroles de la cantate pour retrouver l'intention théologique du texte biblique. Nous faisons en quelque sorte un travail de mémoire qui va s'étaler sur quatre ans, à raison d'une cantate par semaine. Nous drainons entre cinquante et cent personnes qui viennent écouter la musique et qui, à cette occasion, (re)découvrent le message biblique qu'elle sert." Pour pouvoir défrayer la dizaine de musiciens professionnels qui participent au service, Didier Halter a cherché des sponsors pour financer l'opération qui s'élève à 55 000 francs pour une année. "Avec le culte-cantate, reprend Didier Halter, nous allions les émotions et l'intelligence de la foi" .
§Certains l'aiment showDans le canton de Neuchâtel, une approche plus populaire de la foi a été inaugurée par Fabrice Demarle, Jean-Pierre Roth et Simon Weber sous la forme d'un culte-show pour marquer la fin de catéchisme. "Les gens attendent toujours du culte de fin de catéchisme qu'il soit un rite de passage, constate Fabrice Demarle, nous avons voulu répondre à leur demande et donner à la cérémonie un maximum de sens que les jeunes puissent comprendre et retenir. Ce printemps, nous avons travaillé avec les jeunes sur le thème du cinéma. La cérémonie s'est déroulée dans une salle de spectacle. On a commencé par chauffer la salle avant l'entrée des artistes, se souvient Fabrice Demarle, il y a eu ensuite une remise des prix à chaque jeune, un peu comme lors de la cérémonie des Oscars, parce que pour Dieu, nous sommes tous des stars. Dans ce contexte très show, avec un langage branché, lié à la terminologie du cinéma, les catécumènes se sentent à l'aise et concernés.
"Il faut prendre les gens là où ils sont explique encore le jeune pasteur de Cortaillod. L'important est que l'Evangile soit entendu et non seulement lu. Il faut le dire avec des mots qui puissent être compris de tous. Trois des cultes-shows des Neuchâtelois ont été retransmis à la Radio suisse romande, qui ont suscité de nombreuses réactions passionnées et contrastées, des plus enthousiastes aux plus choquées.