Mennonites: une tradition de non-violence et de tolérance dans le Jura

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Mennonites: une tradition de non-violence et de tolérance dans le Jura

10 mai 2000
Les mennonites ont toujours refusé de porter les armes, de baptiser les enfants et de prêter serment
Enracinés dans une tradition qui remonte au 16e siècle, persécutés tant par les catholiques que les Réformateurs, les premiers anabaptistes trouvèrent la mort ou furent contraints à l'exil. Tolérés au-dessus de 1000 mètres d'altitude par les princes-évêques de Bâle, nombreux furent ceux qui s'exilèrent sur les hauteurs jurassiennes. Leurs descendants forment aujourd'hui une communauté résolument tournée vers l'ouverture et la modernité. Portrait de la communauté de Sonnenberg dans la région de Tramelan."Nous avons l'habitude d'être considérés comme des gens spéciaux", explique Michel Ummel, ancien (pasteur) de la Communauté mennonite du Sonnenberg et enseignant à Berne, qui sait trop bien de quel œil bizarre on le considère parfois quand il dit qu'il est mennonite.

La singularité des mennonites (ou anabaptistes, les deux termes sont équivalents) remonte au début du 16e siècle: A Zurich, trois amis très proches de Zwingli, Felix Manz, Konrad Grebel et Georges Blaurock, veulent revenir à l'Eglise primitive d'avant l'empereur Constantin et créent un mouvement religieux dissident qui se distingue par la pratique du baptême des adultes, la condamnation du port des armes et le refus de prêter serment.

Prôner la séparation de l'Eglise et de l'Etat et refuser de s'enrôler dans l'armée sont tout à fait inacceptables à l'époque, ce qui vaut aux anabaptistes d'être persécutés tant par les catholiques que les réformés. Ils sont traqués, bannis, dépossédés, emprisonnés, poursuivis, condamnés à mort, assassinés pour leurs convictions religieuses. Felix Manz est noyé dans la Limmat, le même sort est réservé à sa femme.

§L'empreinte du passéSous l'effet de la répression, le mouvement, né à Zurich dans les milieux intellectuels, va rapidement s'étendre en Suisse, puis en Alsace, en Allemagne et en Hollande, mais aussi en Amérique, où il est à l'origine de la communauté amish.

Traités d'anabaptistes par leurs adversaires, ce qui veut dire re-baptiseurs, ces réformés radicaux choisirent de prendre le nom de mennonites, du nom de Menno Simons, curé catholique hollandais converti au mouvement anabaptiste. C'est à ce Hollandais devenu pasteur anabaptiste que les mennonites doivent leur pacifisme.

Ce douloureux passé a façonné l'identité des mennonites. L'exil forcé a poussé la minorité religieuse à conserver en terres francophones sa langue d'origine, l'allemand qui les reliait à leurs racines. Disséminés de force loin des villages, dans les montagnes jurassiennes, les mennonites se mirent à l'agriculture, construisirent des écoles à côté des fermes et transformèrent leurs granges en chapelles. Chaque dimanche, les culte était célébré dans l'une des quatre chapelles de la région, disséminées dans les pâturages, ce qui faisait faire bien du chemin aux familles mennonites. Le culte se terminait par un goûter autour de plantureuses tresses.

Aujourd'hui encore dans la région du Mont Soleil (Sonnenberg) qui englobe les communes de Tavannes, Tramelan, Sonceboz et Corgémont, les cultes sont célébrés en allemand et en français dans les quatre chapelles des origines.

Les écoles mennonites de la région, elles, se sont aujourd'hui toutes mises au français mais l'importance donnée à l'éducation des enfants est toujours aussi grande et la communauté encadre les jeunes avec beaucoup d'attention.

§Eduquer les enfants à la non-violence "J'ai voulu éduquer mes enfants à l'espérance et à la non-violence", témoigne Nelly Gerber de Tramelan. Née dans une famille paysanne mennonite de Tavannes, elle a pris ses distances à l'adolescence, le temps de rompre avec un milieu patriarcal qui lui pesait et de suivre sa formation d'institutrice. Elle est revenue à la communauté mennonite pour assurer à ses enfants une éducation religieuse mais surtout pour l'accueil chaleureux du groupe, - "on y est bien comme dans un nid"- et son esprit de tolérance. Elle y défend activement la cause des femmes, fait partie d'un comité de paix, s'occupe de la boutique de Magasins du Monde du village et enseigne le catéchisme. Moderne, elle représente le courant d'ouverture du mouvement qui bouleverse les habitudes des aînés.

§Diversité et tolérance"Les journalistes veulent nous voir comme une communauté rurale repliée sur soi, vivant en autarcie à l'ancienne, un peu comme les Amish, cette image fait partie du passé, elle n'a plus cours aujourd'hui. De plus en plus de membres vivent et travaillent en ville. Notre communauté, qui fait partie des treize Eglises mennonites de Suisse, a presque autant de points de vue théologiques que de membres. Nous vivons dans une grande diversité, avec un souci constant de pertinence. Nous n'avons pas de liturgie. Nous avons l'habitude de chercher ensemble le sens des textes de l'Evangile, personne ne détient la vérité, pas même les anciens. Le baptême est pour nous l'expression extérieure d'une conviction intérieure. "

"Chacun a sa liberté de pensée", estime pour sa part Olivier Bühler, 20 ans, de Mont Tramelan, qui a effectué 450 jours de service pour objection de conscience, au cours desquels il a eu un grave accident qui lui a laissé des séquelles.

"Le rapport à l'histoire des mennonites les a rendus humbles, tolérants et accueillants", analyse Joël Guy, pasteur et président de la Conférence des Eglises protestante de Suisse romande (CER), qui a fait une partie de ses études de théologie à l'Ecole mennonite internationale de Bienenberg à Liestal.(BL)

§Centre d'accueil pour ceux qui veulent se mettre au vertPour améliorer leur accueil et s'ouvrir à l'extérieur, les mennonites du Sonnenberg projettent d'agrandir leur centre de rencontres des Mottes en plein cœur des pâturages francs-montagnards. Ce projet ambitieux offrira deux dortoirs de 18 et 24 places, des espaces pour donner des cours, un séjour, une salle manger, des cuisines, tout cela accessible en chaise roulante. Il correspond au désir de la communauté de dépasser les frontières confessionnelles, culturelles, linguistique et sociale, et d'accueillir des groupes, des écoles, des familles, des orchestres, des hôtes de tous horizons qui ont envie de se mettre au vert.

§Voir aussi l'album de photographies de Xavier Voirol," Sonnenberg, une communauté mennonite des hauteurs jurassiennes", éd. Labor et Fides, 1999.§