Travail, famille: Marshall Rosenberg fait échec à la violence par les mots

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Travail, famille: Marshall Rosenberg fait échec à la violence par les mots

12 mai 2000
Marshall Rosenberg est l'inventeur d'un langage non violent performant dans les écoles, couples et familles
Il l'enseigne dans le monde entier, et à de fréquentes reprises en Suisse où il vit. Gros plan sur un homme qui chemine depuis 30 ans sur les traces de Gandhi et Martin Luther King."Ma fille de 17 ans refuse de m'aider dans le ménage. Pourtant, l'unique chose que je lui demande, c'est de faire le repassage. C'est vraiment peu!" dit Francine lors du stage de communication non violente donné en février dernier au Centre du Louverain (NE) par Marshall Rosenberg. Celui-ci demande: "Vous tenez vraiment à ce qu'elle fasse le repassage?", "Oui" répond la maman. "Et bien c'est pour ça qu'elle ne le fera pas". Par cette situation concrète, Marshall Rosenberg a mis le doigt sur les impasses de notre mode spontané de communication.

Qu'est-ce qui cloche? La mère ne se préoccupe pas des besoins de sa fille. Elle veut qu'elle repasse coûte que coûte. Sentant cela, la fille s'oppose, quand bien même elle a le temps de repasser et souhaite sincèrement donner un coup de main. Pour avoir une chance de renverser la situation, la mère devrait s'intéresser aux besoins de sa fille. En particulier au besoin qu'elle a de ne pas faire le repassage. Par exemple, en lui disant: " Tu ne te sens pas bien parce que tu devais repasser et que tu ne l'as pas fait? Tu préférerais sortir plutôt que de faire le repassage?". L'objectif est de nouer un dialogue autour des émotions de la jeune fille. Dès que cette dernière se sentira comprise et accueillie dans ses besoins, elle sera mieux disposée envers la demande de sa mère. Elle aura le sentiment de repasser parce qu'elle l'a choisi, non parce qu'on le lui a imposé.

Le principe est le même quand il s'agit de ranger sa chambre, se laver les dents, se coucher tôt, aller à l'école: c'est donnant – donnant. L'enfant sera d'accord de ranger sa chambre – et de combler ainsi le besoin d'ordre de ses parents - si ces derniers s'efforcent à leur tour de répondre à ses besoins.

Et ça marche. A l'image de Fabienne, une mère de famille rencontrée au Centre de formation protestant du Louverain dans le canton de Neuchâtel, qui applique la "méthode Rosenberg" avec ses enfants: "Quand mon fils veut regarder la télévision toute l'après-midi, je ne le lui interdis pas. Je lui demande s'il s'ennuie. Je mets en évidence son besoin, et le laisse décider si la télévision est le meilleur moyen d'y répondre. Si je lui demande de se coucher tôt, je lui explique que c'est pour moi, parce que j'aimerais avoir du temps libre. J'ai cessé d'imposer des solutions. L'atmosphère à la maison est beaucoup plus sereine".

§Ni jugement, ni exigenceAutre situation: un chef se montre désagréable avec son subordonné. Il l'interrompt quand il est au téléphone, le traite d'idiot, lui parle sur un ton agacé. Première étape de la méthode Rosenberg: l'employé analyse les émotions qu'éveille en lui le comportement de son chef – tristesse, énervement, insécurité -, puis identifie les besoins qui sous-tendent ses émotions – besoin d'intimité, de sécurité, de chaleur humaine. Seconde étape: l'employé ne doit pas accuser son chef mais admettre qu'il est blessé parce que ses besoins d'intimité, de sécurité et de chaleur humaine sont insatisfaits. Troisième étape: comprendre le besoin qu'a son chef de s'exprimer de cette façon. Lui demander par exemple: "Y a-t-il quelque chose que vous n'appréciez pas chez moi? Je vous énerve?" Même si le chef oppose une fin de non recevoir, il n'y a pas d'autres solutions que de continuer dans cette voie jusqu'à ce que l'employé identifie le besoin du chef et s'efforce de le satisfaire. Enfin, dans l'immédiat, l'employé doit demander au chef de bien vouloir cesser de l'interrompre quand il est au téléphone ou cesser d'ouvrir son courrier. Mais en des termes qui évitent tout jugement et toute critique, et qui ne feraient qu'aggraver encore la situation.

§Langage girafeDans ce but, Marshall Rosenberg a mis au point le "langage girafe" - par référence aux grandes oreilles de l'animal qui symbolisent la capacité à mieux écouter. A l'opposé du "langage chacal" que nous utilisons dans la vie de tous les jours et qui se caractérise par le jugement moral, "le langage girafe" ne véhicule ni critiques, ni accusations, ni exigences. C'est un vocabulaire qui reflète la variété et la complexité des sentiments et des situations de vie afin de permettre l'auto-analyse. De plus, il ne mélange pas les faits et les jugements de valeur, phénomène à la base du racisme, du sexisme et de l'antisémitisme. Exemple: on n'utilise jamais les adjectifs "exploité, attaqué, rejeté, dévalorisé, manipulé, persécuté", car ils expriment davantage notre interprétation des actes d'autrui que ce que nous ressentons. En "langage girafe", on emploierait "désemparé, destabilisé, exaspéré, secoué". De la même manière, on dirait "Je voudrais que vous me disiez ce que vous m'avez entendu dire", plutôt que "veuillez répéter ce que j'ai dit". Communiquer de façon non violente, c'est substituer le "langage girafe" au "langage chacal". Si cela implique un chamboulement total, Marshall Rosenberg se veut rassurant: "Le langage girafe est le langage naturel de l'être humain. Le langage chacal, lui, est artificiel, imposé de l'extérieur par l'école, l'armée, l'Université, la famille, et parfois l'Eglise ". C'est donc un retour aux qu'il nous invite à accomplir.