Sunny Jacobs échappe de peu à la peine de mort et plaide son abolition au cours d'une tournée en Suisse
« Aux Etats-Unis, nous vivons dans une société régie par la peur. En exécutant quelqu’un, on pense résoudre le problème de la violence. C’est un leurre ! » Sunny Jacobs a passé près de 17 ans dans les prisons de Floride. Dont 5 dans le couloir de la mort, cette salle d’attente de la peine capitale que connaissent actuellement plus de 3600 personnes aux Etats-Unis. Depuis 1992, Sunny Jacobs est libre. Les charges retenues contre elle en 1976 pour la condamner à la peine capitale ont été abandonnées. « Erreur et manipulation judiciaires. »
§Une parmi 89 condamnés à mort libérésSunny Jacobs compte parmi les 89 condamnés à mort qui, aux Etats-Unis, ont recouvré la liberté après un séjour plus ou moins long dans le couloir de la mort. Lorsqu’on retrouve la liberté, « le premier réflexe, c’est de se retirer en soi-même, de se cacher, de se réfugier dans son petit coin, confie-t-elle. D’ailleurs beaucoup d’entre nous ont tendance à recréer leur propre cellule. » Sunny ne l’a pas fait. Toutefois, elle n’est pas passée loin. « Après ma sortie de prison, admet-elle, je me suis, pendant un certain temps, apitoyée sur mon sort. J’avais l’impression d’être une victime du système. »
Mais Sunny Jacobs s’est souvenue de ce qu’elle avait découvert pendant son séjour dans le couloir de la mort. « J’étais coupée de la société comme du reste de la population carcérale. Pendant les trois premiers mois, je n’ai pas pu communiquer avec qui que ce soit. Mes conditions de vie étaient pires que celles des hommes parce qu’en Floride à ce moment-là, j’étais la seule femme condamnée à mort. » Dans cet isolement, elle trouve néanmoins l’occasion de grandir en tant qu’être spirituel. Elle découvre même une liberté qu’elle n’avait jamais connue auparavant.
§Beaucoup plus qu’un amas de chair dans un bloc de bétonEn lisant la Bible, Sunny Jacobs prend conscience qu’elle peut encore agir sur son monde intérieur. Lui donner des impulsions négatives ou positives. Elle décide d’entrer en relation avec le patrimoine du passé et de voir ce que les gens d’autrefois entreprenaient quand ils étaient dépourvus de tout. Dès lors, elle prend possession de sa minuscule cellule. Elle couvre les WC d’un tapis tissé de fines bandes de papier journal... « La cellule était si petite que j’avais l’impression de vivre en permanence dans les toilettes » explique-t-elle. Sunny Jacobs commence également à pratiquer la prière, la méditation et certaines techniques de yoga. « Après 5 ans d’isolement complet, j’étais en meilleure santé que je ne l’avais jamais été, remarque-t-elle. J’avais appris que je n’étais pas qu’un amas de chair qu’on pouvait enfermer dans un bloc de béton. J’étais beaucoup plus que cela. »
§Doublement victimeAujourd’hui cette rescapée du couloir de la mort milite pour l’abolition de la peine de mort, un châtiment possible dans 38 Etats américains. Elle sait les blessures béantes qu’une telle pratique inflige aux personnes injustement condamnées. Son mari Jesse, arrêté par la police en même temps qu’elle, pour un crime qu’il n’avait pas commis, est mort sur la chaise électrique le 4 mai 1990. Avant que des preuves puissent établir définitivement leur innocence... « Je sais par expérience le drame qu’une telle sanction représente non seulement pour la personne injustement condamnée, mais pour tout son entourage », explique-t-elle. Non seulement ses deux enfants ont souffert de 17 ans de séparation, mais sa petite-fille subit également des conséquences importantes de l’absence injuste de sa grand-mère.
« La peine de mort ne fait que perpétuer le cycle infernal de la violence. Elle génère une somme extraordinaire d’injustices. » Sunny Jacobs en est la preuve vivante. Cette femme qui enseigne actuellement le yoga demande donc au moins un moratoire sur cette pratique. Le gouverneur de l’Illinois a déjà répondu favorablement à cette requête du mouvement en faveur de l’abolition de la peine de mort aux Etats-Unis. Sunny espère que d’autres politiciens courageux se joindront à cette initiative, « afin de construire ensemble un monde meilleur... »