Le PDG de l'UBS et les Eglises protestantes débattent de la Suisse de demain
20 juin 2000
Au deuxième jour de son Assemblée des délégués à Viège (VS), la Fédération des Eglises protestantes de Suisse a réuni trois personnalités de premier plan pour débattre des valeurs éthiques fondamentales aptes à assurer la cohésion sociale et le bien-être collectif
Devant la centaine de délégués des Eglises cantonales, Alex Krauer, Président du Conseil d'administration de l'UBS, Yvette Jaggi, Présidente de Pro Helvetia, et Wilhelm Schnyder, Conseiller d'Etat valaisan, ont tous trois plaidé pour un Etat fort capable de contrebalancer l'influence de l'économie.Le débat avait pour toile de fond la vaste consultation sur l'avenir économique et social de la Suisse lancée (voir encadré) il y a deux ans dans la population par les Eglises protestantes et catholiques, et qui interpellait nos concitoyens sur des questions essentielles: quel monde léguer aux générations futures, sur quelles valeurs fonder un nouveau contrat social, comment renforcer la cohésion du pays, comment favoriser la justice et la solidarité?
Premier à s'exprimer, Alex Krauer s'est nettement démarqué des thèses ultra libérales à la mode. Il a plaidé pour un Etat fort qui détermine souverainement le champ de ses compétences et n'hésite pas à fixer des limites à l'économie. "C'est aux instances politiques de définir les tâches respectives des secteurs privé et public, de tracer la frontière entre l'un et l'autre". Conscient qu'un certain nombre d'activités doivent être soustraites aux lois de la concurrence, en particulier la santé et l'éducation, le Président du Conseil d'administration de l'UBS a appelé à s'interroger sur la notion de service public. "La poste, les transports publics, le téléphone, le commerce du lait ou du fromage en font-ils partie? C'est à l'Etat d'en décider".
§L'Etat se fait hara-kiriAttachée elle-aussi à l'idée d'un gouvernement fort, Yvette Jaggi a déploré que la politique se régionalise au moment où l'économie se mondialise, et que, loin de lutter contre son affaiblissement, l'Etat y consente librement:" Par souci de rationalité économique, l'Etat délègue ses tâches au privé, quitte à ce que certaines régions ne soient plus desservis par les transports publics ou les services postaux". La Présidente de Pro Helvetia a aussi mis en évidence les carences gouvernementales en matière culturelle: "Quand la Commission de la concurrence décide d'abolir le prix unique du livre, elle se livre à un calcul rationnel au plan économique, mais nuisible au plan culturel". Pessimiste, elle estime que certaines entreprises ont acquis une telle dimension par le jeu des fusions qu'elle n'arrivent plus à maîtriser l'étendue de leur pouvoir. Concerné par ce thème, Alex Krauer a répliqué en donnant des fusions une image nettement plus positive:" Il ne s'agit pas de décisions à court terme dans la seule optique de maximiser les profits. Ce sont des mesures nécessaires pour la pérennité des entreprises et l'amélioration du marché du travail. A Monthey, Ciba-Geigy est sortie renforcée des restructurations et de la mutation en Novartis".
Reste que de l'avis général, l'Etat n'a plus les moyens d'agir comme un contre-pouvoir réel. Pour remédier à ce manque d'influence, le Conseiller d'Etat valaisan Wilhelm Schnyder a souhaité que les hommes politiques regagnent en crédibilité: "Nous devons davantage nous soucier des générations futures, de sorte que dans vingt ans, nous puissions assumer les décisions prises aujourd'hui".
§Jeu de l'avionAprès avoir passé en revue les blocages, les participants ont tenté d'esquisser des solutions permettant de sortir de la crise. Alex Krauer a souhaité que dans les entreprises, les décisions stratégiques soient envisagées sous l'angle de l'intérêt général et de la capacité à assurer l'avenir des individus et de la société. Yvette Jaggi, quant à elle, a insisté sur la nécessité de dépasser une appréhension du monde à court terme: "En fin de compte, l'arbitre ultime est le temps", auquel survivent certaines réalisations humaines tandis que d'autres disparaissent. A cet égard, elle a prédit la fin rapide de la nouvelle économie fondée sur l'Internet et la croissance boursière fulgurante de quelques génies de l'informatique: "Cela ressemble au jeu de l'avion. On crée de l'argent, mais pas de richesses réelles. Tout le monde sait que c'est dangereux".
Pour terminer, plusieurs intervenants ont pris position sur le rôle des Eglises dans la construction de l'avenir de notre pays. "Elles sont le lieu de formation des consciences et des convictions", a rappelé Isabelle Ott-Baechler, Présidente de l'Eglise réformée de Neuchâtel. Une mission chère au cœur de la jeune politicienne valaisanne Dominique Delaloye, 29 ans, qui a été l'auteur d'une envolée passionnée: "Si les valeurs dont les Eglises sont les dépositaires étaient mieux respectées, le monde irait mieux!", s'est elle exclamée. Enfin, l'unanimité s'est faite pour reconnaître aux Eglises un rôle central de plate-forme de dialogue entre les différents acteurs de la société, un lieu où puissent germer des principes de justice et de solidarité.
Premier à s'exprimer, Alex Krauer s'est nettement démarqué des thèses ultra libérales à la mode. Il a plaidé pour un Etat fort qui détermine souverainement le champ de ses compétences et n'hésite pas à fixer des limites à l'économie. "C'est aux instances politiques de définir les tâches respectives des secteurs privé et public, de tracer la frontière entre l'un et l'autre". Conscient qu'un certain nombre d'activités doivent être soustraites aux lois de la concurrence, en particulier la santé et l'éducation, le Président du Conseil d'administration de l'UBS a appelé à s'interroger sur la notion de service public. "La poste, les transports publics, le téléphone, le commerce du lait ou du fromage en font-ils partie? C'est à l'Etat d'en décider".
§L'Etat se fait hara-kiriAttachée elle-aussi à l'idée d'un gouvernement fort, Yvette Jaggi a déploré que la politique se régionalise au moment où l'économie se mondialise, et que, loin de lutter contre son affaiblissement, l'Etat y consente librement:" Par souci de rationalité économique, l'Etat délègue ses tâches au privé, quitte à ce que certaines régions ne soient plus desservis par les transports publics ou les services postaux". La Présidente de Pro Helvetia a aussi mis en évidence les carences gouvernementales en matière culturelle: "Quand la Commission de la concurrence décide d'abolir le prix unique du livre, elle se livre à un calcul rationnel au plan économique, mais nuisible au plan culturel". Pessimiste, elle estime que certaines entreprises ont acquis une telle dimension par le jeu des fusions qu'elle n'arrivent plus à maîtriser l'étendue de leur pouvoir. Concerné par ce thème, Alex Krauer a répliqué en donnant des fusions une image nettement plus positive:" Il ne s'agit pas de décisions à court terme dans la seule optique de maximiser les profits. Ce sont des mesures nécessaires pour la pérennité des entreprises et l'amélioration du marché du travail. A Monthey, Ciba-Geigy est sortie renforcée des restructurations et de la mutation en Novartis".
Reste que de l'avis général, l'Etat n'a plus les moyens d'agir comme un contre-pouvoir réel. Pour remédier à ce manque d'influence, le Conseiller d'Etat valaisan Wilhelm Schnyder a souhaité que les hommes politiques regagnent en crédibilité: "Nous devons davantage nous soucier des générations futures, de sorte que dans vingt ans, nous puissions assumer les décisions prises aujourd'hui".
§Jeu de l'avionAprès avoir passé en revue les blocages, les participants ont tenté d'esquisser des solutions permettant de sortir de la crise. Alex Krauer a souhaité que dans les entreprises, les décisions stratégiques soient envisagées sous l'angle de l'intérêt général et de la capacité à assurer l'avenir des individus et de la société. Yvette Jaggi, quant à elle, a insisté sur la nécessité de dépasser une appréhension du monde à court terme: "En fin de compte, l'arbitre ultime est le temps", auquel survivent certaines réalisations humaines tandis que d'autres disparaissent. A cet égard, elle a prédit la fin rapide de la nouvelle économie fondée sur l'Internet et la croissance boursière fulgurante de quelques génies de l'informatique: "Cela ressemble au jeu de l'avion. On crée de l'argent, mais pas de richesses réelles. Tout le monde sait que c'est dangereux".
Pour terminer, plusieurs intervenants ont pris position sur le rôle des Eglises dans la construction de l'avenir de notre pays. "Elles sont le lieu de formation des consciences et des convictions", a rappelé Isabelle Ott-Baechler, Présidente de l'Eglise réformée de Neuchâtel. Une mission chère au cœur de la jeune politicienne valaisanne Dominique Delaloye, 29 ans, qui a été l'auteur d'une envolée passionnée: "Si les valeurs dont les Eglises sont les dépositaires étaient mieux respectées, le monde irait mieux!", s'est elle exclamée. Enfin, l'unanimité s'est faite pour reconnaître aux Eglises un rôle central de plate-forme de dialogue entre les différents acteurs de la société, un lieu où puissent germer des principes de justice et de solidarité.