Un pasteur bâlois bénit des animaux lors d'un culte
§Vous faites des cultes de bénédiction pour animaux. De quoi s'agit-il?Ces cultes, que nous appelons "fête de la création" sont traditionnels mais les animaux peuvent y participer et le thème de la création y est plus particulièrement développé. Ils ont lieu le dimanche matin à l'église Sainte-Elisabeth, le jour de saint François d'Assise. Environ 400 à 500 personnes y sont présentes, avec plus d'une centaine d'animaux.
§Quel genre d'animaux y participent?Surtout des chiens, des chats, des cochons d'Inde, des souris. La dernière fois, une petite fille a apporté son poisson rouge dans un bocal. Il y avait également des rats et un cochon. Il nous est arrivé une fois d'accueillir une chèvre naine et un cheval. Comme il y a du parquet dans l'église, le cheval a dû assister au culte de l'extérieur.
§Comment se comportent les animaux durant la cérémonie?Un aboiement interrompt de temps en temps la prédication mais compte tenu du nombre d'animaux, le calme est impressionnant. Comme si tous ces animaux sentaient que quelque chose de particulier est en train de se passer. Ils perçoivent la présence des autres animaux, mais ils restent paisibles, attentifs même. Chaque maître prend soin de son animal. L'organiste choisit des musiques douces et évite les sons stridents.
§Quand vous dites "vous", parlez-vous aux maîtres, ou comme saint François d'Assise, aux animaux ?Je m'adresse surtout aux propriértaires des animaux. Je ne pense pas que les animaux ont besoin d'un culte. Il faudrait vérifier cette tradition: je ne suis pas sûr que saint François parlait aux animaux, je crois plutôt qu'il les écoutait et les comprenait. Le culte comprend une longue prière où nous demandons la bénédiction de Dieu pour toute la création, des bactéries aux espèces menacées, des animaux de fabrique aux animaux de laboratoire, en passant par toute la faune de la terre, des mers, des lacs et des airs. Nous terminons la prière en demandant une bénédiction pour nous, humains, afin que nous utilisions notre amour et notre créativité pour sauvegarder la dignité et la vie de la création. A la fin de la cérémonie, les propriétaires qui le désirent peuvent s'approcher avec leur animal pour une bénédiction particulière auprès de quatre célébrants. J'essaie alors de tenir compte du bien-être ou du mal être du maître, de l'état de l'animal et je me laisse inspirer pour une bénédiction. Par exemple, quand quelqu'un semble triste, je le bénirai en souhaitant à l'animal qu'il puisse créer encore longtemps de la joie autour de lui.
§Qu'est-ce qui est différent d'un culte traditionnel?La moyenne d'âge, autour de 55 ans, est plus élevée que d'habitude dans les célébrations de ces cultes. Nous souhaiterions la participation d'un nombre plus élevé d'enfants. Il y a deux ans, un petit garçon est venu avec une limace et un escargot trouvés sur le compost. C'était fabuleux de voir ce gosse se rendre compte que sur eux reposait la même bénédiction de Dieu que sur lui. L'apéro est ensuite offert au fond de l'église à la fin de la célébration. Nous préparons aussi des écuelles d'eau pour les animaux.
§Comment en êtes-vous venu à proposer de tels cultes?C'est dans une église de Londres que j'ai fait l'expérience d'un culte semblable le jour de saint François. C'est une ancienne tradition en Grande-Bretagne, peut-être d'origine celtique. C'est là que je me suis rendu compte que nous tous, animaux et humains, dépendions du même souffle de vie divin. L'Eglise s'est beaucoup engagée pour le respect des êtres humains, ce qui est essentiel. Mais les chrétiens ont aussi une responsabilité à l'égard de toute la création. Il n'y a pas si longtemps, l'Eglise du Land de Hessen-Nassau, en Allemagne, a eu le courage de s'excuser publiquement pour les dégâts que l'Eglise a contribué à causer à l'environnement. Il a fallu la crise écologique pour que les Eglises prennent conscience que la Bible parle aussi de notre responsabilité à l'égard de la création. En tant que chrétiens, nous avons aussi à prendre position contre l'élevage industriel par exemple, où les animaux ne voient jamais la lumière du jour et sont bourrés de médicaments. Par ces cultes, je poursuis deux objectifs: nous réjouir ensemble de la beauté de la création, louer Dieu pour elle, et faire prendre conscience de notre responsabilité de chrétiens à son égard.
§Vous prenez donc position contre la vivisection?Nous avons déposé une ou deux fois des pétitions contre la vivisection à la sortie du culte. C'est l'une des conséquences de notre compréhension de la place de l'homme dans le monde. La difficulté réside dans l'attitude souvent radicale et intransigeante des mouvements contre la vivisection et dans leur vision souvent très tranchée de la réalité. Alors que leur engagement se fonde sur la peur et l'horreur qu'ils veulent éviter, le nôtre se fonde sur la reconnaissance et la louange de la création. C'est un autre point de vue qui change l'attitude dans l'action.
§Quelles réactions vos cultes ont-ils provoquées? Les échos les plus négatifs nous sont venus des milieux évangéliques qui trouvent que les animaux salissent le lieu de culte. Cela se comprend par la tradition qui les porte, où la spiritualité se vit surtout dans la tête et nie la sexualité et l'existence du corps.
§Y a-t-il des expériences semblables ailleurs? Aux Etats-Unis la tradition du jour de saint François d'Assise est très vivante. A la cathédrale de Saint-John the Divine à New-York, le National Circus assiste à la cérémonie avec des éléphants, des dromadaires et des pythons. En Suisse, à ma connaissance, de telles cérémonies se font aussi à Zurich et à Thoune.
§Une anecdote concernant l'un de vos cultes?Je me souviens d'un moment très beau, lorsque un perroquet s'est mis à répondre à chaque phrase de l'orgue. Non pas avec des cris stridents, mais en modulant sa voix, comme pour dialoguer avec l'instrument.