Côte-d'Ivoire: la coopération suisse découvre les vertus du crédit
16 octobre 2000
La Côte-d'Ivoire élit dimanche prochain un nouveau président
Le climat politique et économique s'est profondément détérioré depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999. L'arrivée au pouvoir du général Robert Guéï n'a pas rassuré nombre d'Occidentaux qui ont préféré quitter le pays par peur d'une guerre civile. Dans ce contexte extrêmement tendu, un fonds ivoiro-suisse mène une politique de développement originale. Finies les subventions qui n'engagent personne. Place au crédit. Photos à disposition à la rédaction de ProtestInfo au 021/312 89 54.Proposés dans des secteurs-clés de l'économie ivoirienne, les crédits du Fonds ivoiro-suisse de développement économique et social permettent à nombre de petits producteurs de bénéficier d'un mieux-vivre financier. Une nouveauté dans la pratique de développement mise en place par la DDC, la Direction du développement et de la coopération helvétique.
"Les dons déresponsabilisent les gens, alors que le crédit engage la responsabilité de nos partenaires". Depuis 1994, Khiêm Nguyen dirige le Fonds ivoiro-suisse de développement économique et social (le FISDES) à Abidjan en Côte-d'Ivoire. Sur mandat de la coopération suisse (DDC), cet agro-économiste belge d'origine vietnamienne accorde aux ruraux ivoiriens des crédits "pour l'amélioration de leurs conditions de vie".
§Poser le monde rural en partenairePour Khiêm Nguyen, la pratique des dons et des subventions a montré ses limites. "En Côte-d'Ivoire, lorsque des Etats, au titre de la coopération au développement, construisent des centres de santé, tout est laissé à l'abandon après quelque temps. Les bénéficiaires se disent que "c'est cadeau" et ne prennent pas soin de ce qu'ils ont reçu. Ils comptent recevoir bientôt un nouveau cadeau…". Le FISDES, comme d'autres fonds de contrepartie nés de la campagne de désendettement de la Confédération au début des années 90, a envisagé une autre manière de promouvoir le développement. Poser le monde rural en véritable partenaire et allouer des crédits à un taux préférentiel à des coopératives ou à des associations. Fini le paternalisme des donateurs qui fourrent leur nez dans les affaires de l'assisté! Contrairement à ce que l'on pouvait penser de prime abord: ça marche! En 1999, le taux de recouvrement des crédits atteint plus de 95 %. Cela marche même si bien que le fonds, grâce à des placements avisés, a vu son capital passer en 6 ans de 51 à 66 millions de francs suisses.
Toutefois pour Khiêm Nguyen, le crédit tout seul ne génère pas de développement. "C'est la logique qui sous-tend la démarche qui peut apporter un mieux-être aux populations rurales", explique le secrétaire exécutif du FISDES. Pour lui, le crédit doit être accordé dans certains domaines économiques particuliers et viser la mise en place de programmes d'accompagnement des petits producteurs.
§Dans le coton et le café-cacaoAinsi, dans le cadre de la production de coton, le FISDES a commencé par proposer aux cultivateurs des crédits pour l'achat d'herbicides à meilleur compte. Après une année, les paysans se sont aperçus que le FISDES leur permettait effectivement d'accroître leurs revenus. "Nous avons alors commencé à réfléchir avec les producteurs, ajoute Khiêm Nguyen, à la mise en place d'un programme d'accompagnement et de formation, financé par des subventions générées par le crédit." Aujourd'hui le fonds ivoiro-suisse participe notamment à la formation de comptables de petites coopératives dans la région de Vavoua, au centre de la Côte-d'Ivoire.
A Toumodi, une ville à 200 km au nord d'Abidjan, le FISDES s'est impliqué dans la gestion d'une coopérative de producteurs de café-cacao. Avant le début de la récolte des fèves de cacao, il accorde à cette coopérative des prêts pour payer rapidement les producteurs. Dans le passé, ces paysans étaient la proie facile de "pisteurs", de petits intermédiaires locaux cornaqués par des marchands libanais, qui proposaient un paiement comptant des sacs de fèves. Souvent à court d'argent, les petits producteurs vendaient à très bas prix le fruit du travail d'une année, afin de pouvoir faire face aux dépenses urgentes. Grâce à l'intervention du FISDES, la coopérative "Eboyokoun" ("Soyons unis!") de Toumodi parvient à payer rapidement les producteurs à un prix qui correspond à celui du marché. Elle enraie ainsi l'essor des "bandits" qui ruinent le commerce du cacao en Côte-d'Ivoire.
§Un fonds apprécié des ONG"L'octroi de crédits par le FISDES est perçu de manière très positive par les ONG de Côte-d'Ivoire, constate Kraba Gnako, un des dirigeants du secteur associatif ivoirien. Pour une fois, il permet à des associations d'accéder à une rémunération pour des prestations de service." Pour mener à bien les programmes de formation qui accompagnent l'octroi des crédits, le FISDES fait appel aux ONG installées sur le terrain. "Pareille initiative fait progresser les ONG locales et leur permet de se profiler comme des sociétés de développement, rétribuées pour la qualité de leurs services."
Toutefois Kraba Gnako rappelle que le créneau dans lequel s'investit le FISDES est avant tout économique. Dans des domaines aussi importants que la santé ou l'alphabétisation, il demeure extrêmement difficile de recourir au crédit. Les bénéficiaires auraient d'énormes difficultés à payer les prestations reçues.
§Une expérience suivie avec intérêt par BerneAujourd'hui du côté de la DDC à Berne, on regarde l'expérience FISDES avec un vif intérêt. En 1994, au moment du lancement du fonds, Khiêm Nguyen a dû batailler ferme pour que son autonomie soit reconnue. "Tant du côté suisse que du côté ivoirien, on était habitué à une gestion classique de la coopération: des fonctionnaires des deux gouvernements travaillent ensemble sans intégrer les autres partenaires de la démarche." Il a fallu du temps pour que les deux Etats admettent que, pour être efficace, le FISDES devait être autonome et intégrer les partenaires locaux.
Khiêm Nguyen ne souhaite pas que le FISDES prenne racine en Côte-d'Ivoire. Il se donne encore cinq ans pour créer des structures indépendantes autogérées dans les différents secteurs de l'économie où le fonds a investi. "Alors le FISDES aura atteint ses objectifs et pourra disparaître." Tout cela bien sûr moyennant une amélioration du climat politique en Côte-d'Ivoire... "En l'an 2000, l'instabilité a rendu le recouvrement comme l'octroi des crédits difficiles. Mais, ajoute Khiêm Nguyen un brin philosophe, cela nous permet de poursuivre des réflexions que nous n'avons pas eu l'occasion de mener jusqu'ici faute de temps…"
"Les dons déresponsabilisent les gens, alors que le crédit engage la responsabilité de nos partenaires". Depuis 1994, Khiêm Nguyen dirige le Fonds ivoiro-suisse de développement économique et social (le FISDES) à Abidjan en Côte-d'Ivoire. Sur mandat de la coopération suisse (DDC), cet agro-économiste belge d'origine vietnamienne accorde aux ruraux ivoiriens des crédits "pour l'amélioration de leurs conditions de vie".
§Poser le monde rural en partenairePour Khiêm Nguyen, la pratique des dons et des subventions a montré ses limites. "En Côte-d'Ivoire, lorsque des Etats, au titre de la coopération au développement, construisent des centres de santé, tout est laissé à l'abandon après quelque temps. Les bénéficiaires se disent que "c'est cadeau" et ne prennent pas soin de ce qu'ils ont reçu. Ils comptent recevoir bientôt un nouveau cadeau…". Le FISDES, comme d'autres fonds de contrepartie nés de la campagne de désendettement de la Confédération au début des années 90, a envisagé une autre manière de promouvoir le développement. Poser le monde rural en véritable partenaire et allouer des crédits à un taux préférentiel à des coopératives ou à des associations. Fini le paternalisme des donateurs qui fourrent leur nez dans les affaires de l'assisté! Contrairement à ce que l'on pouvait penser de prime abord: ça marche! En 1999, le taux de recouvrement des crédits atteint plus de 95 %. Cela marche même si bien que le fonds, grâce à des placements avisés, a vu son capital passer en 6 ans de 51 à 66 millions de francs suisses.
Toutefois pour Khiêm Nguyen, le crédit tout seul ne génère pas de développement. "C'est la logique qui sous-tend la démarche qui peut apporter un mieux-être aux populations rurales", explique le secrétaire exécutif du FISDES. Pour lui, le crédit doit être accordé dans certains domaines économiques particuliers et viser la mise en place de programmes d'accompagnement des petits producteurs.
§Dans le coton et le café-cacaoAinsi, dans le cadre de la production de coton, le FISDES a commencé par proposer aux cultivateurs des crédits pour l'achat d'herbicides à meilleur compte. Après une année, les paysans se sont aperçus que le FISDES leur permettait effectivement d'accroître leurs revenus. "Nous avons alors commencé à réfléchir avec les producteurs, ajoute Khiêm Nguyen, à la mise en place d'un programme d'accompagnement et de formation, financé par des subventions générées par le crédit." Aujourd'hui le fonds ivoiro-suisse participe notamment à la formation de comptables de petites coopératives dans la région de Vavoua, au centre de la Côte-d'Ivoire.
A Toumodi, une ville à 200 km au nord d'Abidjan, le FISDES s'est impliqué dans la gestion d'une coopérative de producteurs de café-cacao. Avant le début de la récolte des fèves de cacao, il accorde à cette coopérative des prêts pour payer rapidement les producteurs. Dans le passé, ces paysans étaient la proie facile de "pisteurs", de petits intermédiaires locaux cornaqués par des marchands libanais, qui proposaient un paiement comptant des sacs de fèves. Souvent à court d'argent, les petits producteurs vendaient à très bas prix le fruit du travail d'une année, afin de pouvoir faire face aux dépenses urgentes. Grâce à l'intervention du FISDES, la coopérative "Eboyokoun" ("Soyons unis!") de Toumodi parvient à payer rapidement les producteurs à un prix qui correspond à celui du marché. Elle enraie ainsi l'essor des "bandits" qui ruinent le commerce du cacao en Côte-d'Ivoire.
§Un fonds apprécié des ONG"L'octroi de crédits par le FISDES est perçu de manière très positive par les ONG de Côte-d'Ivoire, constate Kraba Gnako, un des dirigeants du secteur associatif ivoirien. Pour une fois, il permet à des associations d'accéder à une rémunération pour des prestations de service." Pour mener à bien les programmes de formation qui accompagnent l'octroi des crédits, le FISDES fait appel aux ONG installées sur le terrain. "Pareille initiative fait progresser les ONG locales et leur permet de se profiler comme des sociétés de développement, rétribuées pour la qualité de leurs services."
Toutefois Kraba Gnako rappelle que le créneau dans lequel s'investit le FISDES est avant tout économique. Dans des domaines aussi importants que la santé ou l'alphabétisation, il demeure extrêmement difficile de recourir au crédit. Les bénéficiaires auraient d'énormes difficultés à payer les prestations reçues.
§Une expérience suivie avec intérêt par BerneAujourd'hui du côté de la DDC à Berne, on regarde l'expérience FISDES avec un vif intérêt. En 1994, au moment du lancement du fonds, Khiêm Nguyen a dû batailler ferme pour que son autonomie soit reconnue. "Tant du côté suisse que du côté ivoirien, on était habitué à une gestion classique de la coopération: des fonctionnaires des deux gouvernements travaillent ensemble sans intégrer les autres partenaires de la démarche." Il a fallu du temps pour que les deux Etats admettent que, pour être efficace, le FISDES devait être autonome et intégrer les partenaires locaux.
Khiêm Nguyen ne souhaite pas que le FISDES prenne racine en Côte-d'Ivoire. Il se donne encore cinq ans pour créer des structures indépendantes autogérées dans les différents secteurs de l'économie où le fonds a investi. "Alors le FISDES aura atteint ses objectifs et pourra disparaître." Tout cela bien sûr moyennant une amélioration du climat politique en Côte-d'Ivoire... "En l'an 2000, l'instabilité a rendu le recouvrement comme l'octroi des crédits difficiles. Mais, ajoute Khiêm Nguyen un brin philosophe, cela nous permet de poursuivre des réflexions que nous n'avons pas eu l'occasion de mener jusqu'ici faute de temps…"