En faisant de Calvin un mystique, Carl-A. Keller tord le cou aux idées reçues

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En faisant de Calvin un mystique, Carl-A. Keller tord le cou aux idées reçues

1 mars 2001
"Calvin n’était pas calviniste ! » s’insurge Carl-A
Keller, professeur honoraire à l’Université de Lausanne, qui déplore la connotation péjorative que l’adjectif a revêtu et qui rend le réformateur responsable du sentiment de culpabilité qui accable bon nombre de protestants. Dans un essai qui vient de paraître, il fait de Calvin un mystique. Passionnée, son interprétation est détonante et controversée."Je n'aime pas le mot calviniste dans son acception contemporaine" déclare d’emblée le professeur Carl-A. Keller, dans l’encombrement de son bureau lausannois, donnant sur un jardin sauvage et poétique. L'auteur de l’essai « Calvin mystique » qui vient de sortir de presse juge le terme perverti par une connotation négative regrettable. Il lui préfère l’épithète « calvinien », absente du Petit Robert. Ce mot n’évoquerait pas le sentiment de culpabilité dont les héritiers de Calvin n’arrivent pas à se défaire.A force d'avoir insisté sur l’homme « né dans le péché et enclin au mal », Calvin est accusé d'avoir modelé une identité réformée habitée par la culpabilité et le sens du devoir jamais accompli.

Carl-A. Keller ne tient pas à s’attarder sur le pessimisme de Calvin concernant la nature humaine et préfère mettre en lumière la divinisation de l’être humain.

« Des écrivains comme Jacques Chessex ont trop insisté sur le péché qui accablait l’homme et l’acculait au désespoir. Ils ont occulté, poursuit Carl-A. Keller, ce que Calvin n’a cessé de répéter dans son enseignement, à savoir que nous avions le Christ en nous et que nous sommes libérés du péché par la pure grâce de Dieu. »

§Pécheurs à tout jamaisL’insistance de Calvin à voir les hommes comme de «pauvres pécheurs, conçus et nés en iniquité et corruption, enclins à mal faire » est pourtant bien réelle. Mais pour le bouillant auteur de « Calvin mystique », si le réformateur évoque sans cesse la condition désespérée de l’homme, c’est pour mieux rappeler que l’indignité humaine sera rachetée par la dignité de Dieu.

« Quand l’être humain reconnaît son vide et son néant, il est plus que comblé par la Présence de Dieu qui devient sa nouvelle identité » explique Carl-A. Keller. Et l’auteur de citer Calvin: « L’être humain est de par sa nature vide, nu et dépourvu de valeur intrinsèque, mais il est rempli et vêtu de Dieu ».

§Des affinités avec saint François d'Assise L’auteur voit en Calvin l’héritier de la grande tradition mystique chrétienne. « On commence enfin à admettre que la Réforme est inconcevable sans l’apport de la mystique médiévale » constate l’auteur ravi, qui voit des affinités entre Calvin et saint François d’Assise.

L’ascèse prônée par Calvin, ou du moins la morale très stricte qu’il enseignait, s’inscrirait dans le droit fil du renoncement au monde et à soi-même qui est considéré comme l’exigence de base de toute aspiration mystique. Quiconque veut accéder à la connaissance de Dieu et à la pure extase avec Lui, doit s’affranchir du monde sensible et des envies de son ego. Calvin écrit dans ses enseignements qu’il convient d’être « entièrement vide de soi-même et purifié en se reniant soi-même. Cette exigence calvinienne, résolument axée sur le Christ, relèverait du mysticisme chrétien. L’auteur conclut son essai en affirmant que le chrétien qui participe à la vie divine, en Christ, qui se montre fidèle à l’enseignement de Calvin, est un mystique. Le raccourci, téméraire,et l'interprétation de la divinisation de l'homme ont provoqué quelques vigoureuses protestations épistolaires.

§Carl-A. Keller, Calvin mystique, au cœur de la pensée du Réformateur, Petite bibliothèque de spiritualité, 191 pages, éd. Labor & Fides.