Prix de l'Amitié Judéo chrétienne décerné au Grand Rabbin de Genève:Alexandre Safran, homme de paix et de foi
30 avril 2001
Le grand rabbin de Genève Alexandre Safran va recevoir dimanche 6 mai le Prix de l’Amitié judéo-chrétienne de France pour ses actions qui ont permis de sauver de la mort plus de la moitié des siens en Roumanie pendant la dernière guerre, pour son œuvre illustrant la pensée juive et pour sa contribution à la réconciliation entre juifs et chrétiens
Portrait d’un homme pieux, spécialiste de la Cabale, dont la parole éclaire la part de Dieu qu’il sait être en chacun de nous.« C’est enrichissant, notre entretien, je vous en remercie ! » Alexandre Safran est désarmant. Voilà une heure qu’il répond patiemment à mes questions, frêle mais droit comme un i dans son habit sombre éclairé par sa barbe et ses mèches blanches, qu’il s’exprime par des phrases denses, érudites et pénétrantes qui condensent toute une vie et toute une philosophie, et il me remercie. Tout l’homme est là : affable, modeste, d’apparence fragile, mais entêté, inébranlable dans son courage, sa foi en la racine divine de tout être, qui tend sans cesse à rejoindre son « point intérieur », comme il l’écrit dans « Israël et ses racines » , ouvrage majeur sur l’identité, la personnalité et la vocation du peuple juif, qui vient d’être réédité ce printemps chez Albin Michel.
§Seul contre les antisémitesIl y a 52 ans qu’Alexandre Safran s’est établi à Genève, après avoir été contraint de quitter sa Roumanie natale. En 1940, âgé de 29 ans à peine, il fut élu grand rabbin de Roumanie, le plus jeune au monde. La communauté juive se trouvait alors déchirée au gré des alliances qui se nouaient et dénouaient entre les leaders de l’Axe, et persécutée. Un million d’êtres humains allaient être torturés, déportés, assassinés. Les Gardes de Fer et le gouvernement Antonescu étaient déterminés à effacer toute présence juive de leur pays. Le jeune chef spirituel de la communauté israélite s’éleva de toutes ses forces contre cette volonté de destruction et réussit, par la seule force de sa parole tour à tour téméraire et suppliante, à les convaincre d’épargner bon nombre de Juifs, renvoyant parfois, en désespoir de cause, ses protagonistes à la perspective du Jugement Dernier. Il intervint à maintes reprises auprès des autorités politiques et ecclésiastiques de son pays pour sauver ses coreligionnaires, au mépris du danger qui pouvait s’abattre sur sa propre famille. Il était père de deux tout jeunes enfants. Jamais il n’accepta l’offre qu’on lui fit de fuir. Seules les menaces du gouvernement communiste qui se mettait en place eurent raison de sa détermination à rester au pays.
De ce passé, Alexandre Safran ne parle pas, tout est dans son livre, « Un tison arraché aux flammes » qu’il a écrit 40 ans plus tard, sur la prière instante de l’ancien président de l’Etat d’Israël, Zalman Shazar.
§Einstein et FreudIl parle plus volontiers de sa rencontre avec Einstein à Princeton, dont il garde une photo dédicacée dans son bureau, à côté des portraits de son père, le rabbin Bezalel Zeev Safran et de sa mère ; il évoque en passant sa rencontre avec Freud, qui l’a laissé déçu, ou encore avec le pape Jean-Paul II au Vatican en 1985, parle de ses amis catholiques et protestants.
Il préfère aussi parler de l’étude de la Tora qu’il poursuit, à plus de 90 ans, « avec joie et persévérance », de ce Livre de vie "dont tous les chemins mènent à la paix". Il parle de la foi qui l’habite, du paradoxe qu’elle contient en faisant cohabiter de façon stimulante certitude et interrogation. « Nous avons besoin de chercher la vérité, qui est Dieu lui-même ! » affirme-t-il de sa voix douce.
§La parole pour rapprocher les humains Alexandre Safran a toujours privilégié le dialogue, même dans les moments les plus chargés de haine, persuadé que la parole est faite pour rapprocher les humains, mais aussi conscient qu’elle peut être utilisée de façon maléfique et destructrice. « Nous ne pouvons vivre qu’avec autrui, c’est la base même de notre vie, insiste-t-il, l’homme ne peut se suffire à lui-même, il ne se réalise que dans la compréhension de l’autre, dans le respect de l’égalité et de la différence de l’autre ».
§Le libre-arbitre , don divin On en vient forcément à parler du Mal avec un M majuscule. Pour le grand rabbin de Genève, le Mal est toujours une conséquence de notre conduite. « Le libre-arbitre est un don magnifique et dangereux qui permet à l’homme e choisir le mal ou le bien, la mort ou la vie, d’obéir ou de s’opposer au Créateur ». Pour le Grand Rabbin de Genève, une réconciliation avec Dieu réalisée par l’homme et une réconciliation avec l’homme grâce à Dieu constituent l’expression suprême de la liberté humaine. Elle aboutit à « l’amour de Dieu par l’homme, et à l’amour de l’homme grâce à Dieu ».
Alexandre Safran voit le mal contemporain dans l’exagération que l’humain accorde à sa propre raison et dans sa confiance sons bornes au progrès, qui, selon lui, a étouffé l’image divine qui est en l’homme.
« Dieu a-t-il créé le Mal ou était-il antérieur à sa Création ?" En guise de réponse, le fin spécialiste de la Cabale qu’est Alexandre Safran évoque la sagesse divine, momentanément incompréhensible et dont la profondeur nous échappe en partie.
« La bénédiction n’arrive pas tout de suite, mais son but est le bien ». Par ces mots empreints de sérénité, Alexandre Safran évoque l’attente de la venue des temps messianiques. Pour lui, le Mal es aussi un chemin qui peut conduire à la réconciliation avec Dieu et entre les hommes. Il est persuadé que ce chemin passe par l’approfondissement de la foi. Cette confiance lui apporte une sérénité dont ses visiteurs s’imprègnent avec bonheur.
§Seul contre les antisémitesIl y a 52 ans qu’Alexandre Safran s’est établi à Genève, après avoir été contraint de quitter sa Roumanie natale. En 1940, âgé de 29 ans à peine, il fut élu grand rabbin de Roumanie, le plus jeune au monde. La communauté juive se trouvait alors déchirée au gré des alliances qui se nouaient et dénouaient entre les leaders de l’Axe, et persécutée. Un million d’êtres humains allaient être torturés, déportés, assassinés. Les Gardes de Fer et le gouvernement Antonescu étaient déterminés à effacer toute présence juive de leur pays. Le jeune chef spirituel de la communauté israélite s’éleva de toutes ses forces contre cette volonté de destruction et réussit, par la seule force de sa parole tour à tour téméraire et suppliante, à les convaincre d’épargner bon nombre de Juifs, renvoyant parfois, en désespoir de cause, ses protagonistes à la perspective du Jugement Dernier. Il intervint à maintes reprises auprès des autorités politiques et ecclésiastiques de son pays pour sauver ses coreligionnaires, au mépris du danger qui pouvait s’abattre sur sa propre famille. Il était père de deux tout jeunes enfants. Jamais il n’accepta l’offre qu’on lui fit de fuir. Seules les menaces du gouvernement communiste qui se mettait en place eurent raison de sa détermination à rester au pays.
De ce passé, Alexandre Safran ne parle pas, tout est dans son livre, « Un tison arraché aux flammes » qu’il a écrit 40 ans plus tard, sur la prière instante de l’ancien président de l’Etat d’Israël, Zalman Shazar.
§Einstein et FreudIl parle plus volontiers de sa rencontre avec Einstein à Princeton, dont il garde une photo dédicacée dans son bureau, à côté des portraits de son père, le rabbin Bezalel Zeev Safran et de sa mère ; il évoque en passant sa rencontre avec Freud, qui l’a laissé déçu, ou encore avec le pape Jean-Paul II au Vatican en 1985, parle de ses amis catholiques et protestants.
Il préfère aussi parler de l’étude de la Tora qu’il poursuit, à plus de 90 ans, « avec joie et persévérance », de ce Livre de vie "dont tous les chemins mènent à la paix". Il parle de la foi qui l’habite, du paradoxe qu’elle contient en faisant cohabiter de façon stimulante certitude et interrogation. « Nous avons besoin de chercher la vérité, qui est Dieu lui-même ! » affirme-t-il de sa voix douce.
§La parole pour rapprocher les humains Alexandre Safran a toujours privilégié le dialogue, même dans les moments les plus chargés de haine, persuadé que la parole est faite pour rapprocher les humains, mais aussi conscient qu’elle peut être utilisée de façon maléfique et destructrice. « Nous ne pouvons vivre qu’avec autrui, c’est la base même de notre vie, insiste-t-il, l’homme ne peut se suffire à lui-même, il ne se réalise que dans la compréhension de l’autre, dans le respect de l’égalité et de la différence de l’autre ».
§Le libre-arbitre , don divin On en vient forcément à parler du Mal avec un M majuscule. Pour le grand rabbin de Genève, le Mal est toujours une conséquence de notre conduite. « Le libre-arbitre est un don magnifique et dangereux qui permet à l’homme e choisir le mal ou le bien, la mort ou la vie, d’obéir ou de s’opposer au Créateur ». Pour le Grand Rabbin de Genève, une réconciliation avec Dieu réalisée par l’homme et une réconciliation avec l’homme grâce à Dieu constituent l’expression suprême de la liberté humaine. Elle aboutit à « l’amour de Dieu par l’homme, et à l’amour de l’homme grâce à Dieu ».
Alexandre Safran voit le mal contemporain dans l’exagération que l’humain accorde à sa propre raison et dans sa confiance sons bornes au progrès, qui, selon lui, a étouffé l’image divine qui est en l’homme.
« Dieu a-t-il créé le Mal ou était-il antérieur à sa Création ?" En guise de réponse, le fin spécialiste de la Cabale qu’est Alexandre Safran évoque la sagesse divine, momentanément incompréhensible et dont la profondeur nous échappe en partie.
« La bénédiction n’arrive pas tout de suite, mais son but est le bien ». Par ces mots empreints de sérénité, Alexandre Safran évoque l’attente de la venue des temps messianiques. Pour lui, le Mal es aussi un chemin qui peut conduire à la réconciliation avec Dieu et entre les hommes. Il est persuadé que ce chemin passe par l’approfondissement de la foi. Cette confiance lui apporte une sérénité dont ses visiteurs s’imprègnent avec bonheur.