Des chrétiens entre fête et galère au camping de Paléo

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Des chrétiens entre fête et galère au camping de Paléo

26 juillet 2001
Malgré un accès limité aux seuls détenteurs de billets, le camping du Paléo Festival de Nyon reste une vaste cité de toile où la convivialité et le fête côtoient la galère
Au milieu des « gitounes » souvent regroupées autour des paravents de toile finalement tolérés par la sécurité, trois groupes de chrétiens. Des équipes aux ambitions différentes, mais animées de la même volonté de partage. Rencontres. La nuit tombe sur le camping du Paléo. Assise en rond sur des poufs posés sur un tapis vaguement persan, la petite équipe de « Just do it » échange ces premières impressions. Soudain, une bousculade. Un immense gaillard noir et baraqué passe en courant, sous les cris de ses poursuivants. Le dealer sera rattrapé un peu plus loin. Une scène quotidienne dans cette immense cité de toile, l’une des plus célèbres d’Europe. C’est toute la magie, toute la dureté aussi de cet étonnant souk, labyrinthe confus de tentes et de drapeaux colorés.

« Just do it » vient ici pour la troisième fois. Ils sont vingt-quatre, une majorité de filles et une moyenne d’âge en-dessous de vingt-cinq ans. « Nous assurons une présence forte entre 20 heures et 2 heures matin, explique Maxime Jaquillard, l’un des anciens. On partage des moments de méditation, on lit la parole de Dieu. Le reste du temps, il y a un tournus. Le but est aussi d’avoir du plaisir. » La raison de leur présence ? « Nous voulons témoigner de notre amour de Dieu. Certains viennent nous voir, boivent un café, discutent. Parfois, cela débouche sur un témoignage, l’envie de partager un moment de prière. »

§Soupe populairePas d’inconscience, malgré un indécrottable optimisme. Les consignes sont strictes : toujours trois ou quatre personnes autour de chacune des deux tentes, dont au moins un garçon. « On ne se donne pas de défi trop important, poursuit Maxime. Si la situation nous échappe, on laisse tomber et on appelle les autres en renfort. » Samedi soir, « Just do it » préparera une soupe populaire où celles et ceux qui ont été rencontrés seront invités. Mais qu’attendent-ils au juste de leur semaine ? « Je me sens à ma place, sourit Cécile qui vit son premier Paléo. Je crois à l’évangélisation par l’amitié ; j’ai envie de raconter ce que Dieu apporte à ma vie. Et si on peut aider une seule personne, lui laisser entrevoir une porte de sortie, ce sera déjà magnifique. »

Dans une autre allée, les Genevois de « Génération David » revendiquent un discours plus radical, mais rejoignent leurs camarades vaudois sur un point : leur présence constitue déjà une victoire. « Je venais à Nyon avant ma conversion. Il y a plein de jeunes qui débarquent, avec un grand vide, un besoin de recherche. Je connais leur quête et je sais qu’elle est vaine, qu’elle mène à la galère et à la désillusion. Je suis là pour le dire. Après, seul Dieu décide d’ouvrir les cœurs », souffle Raphäel.

Issue de l’Eglise du même nom, « Generation David » plante ses sardines pour la seconde année consécutive. « Il n’y a pas de problème avec l’organisation. Ils savent ce que nous faisons, du soutien moral et spirituel. Ils savent aussi que l’on ne force personne », précise Hubert. Chacun parle de contacts, d’échanges très forts. « Parfois, tu peux aller derrière la façade des gens, toucher vraiment quelqu’un », raconte Stefan.

§Agapeo, reconnue d’utilité publique Témoigner de l’amour du Christ. L’ambition des uns et des autres peut paraître dérisoire. Pour qui observe quelques heures le camping de Paléo, elle semble au contraire démesurée. Présent depuis plus de 10 ans, « Agapeo » a en tout cas choisi une approche un peu différente. Même si elle a perdu l’année dernière son statut officiel, l’association continue à être reconnue d’utilité publique par les responsables du camping, qui lui réserve un emplacement de choix. A 51 ans, ancien travailleur de rue, animateur de jeunesse, Alain Kreis fait figure de vétéran. « Je suis devenu chrétien en 1973. J’ai rapidement désiré aider les gens de la zone, la gars un peu paumés, parce que j’ai moi-même été l’un des leurs. Une jeune fille que nous avions hébergée, avait envie de retourner à Paléo pour parler de sa conversion. Comme on ne voulait pas la laisser aller seule, nous l’avons accompagnée. » Accueil en permanence, logement d’urgence : quoique bénévole, « Agapeo » demeure la seule structure sociale du site. Formation en toxicologie, habitude du terrain : son équipe est plus expérimentée, plus âgée aussi, entre 25 et 30 ans. « Même s’il y a moins de violence que par le passé, il y a toujours de quoi faire, malheureusement », sourit Alain Kreis.

Révéler sa foi ? « Nous nous refusons à assommer nos visiteurs avec des versets bibliques. Notre volonté consiste plutôt à être des témoignages de la vie de Jésus en nous. » Se rendant dans d’autres festivals, comme les Eurockéennes de Belfort, « Agapeo » y retrouve certains habitués. La routine ? « Surtout pas. Ma motivation est intacte. On essaie d’être là avec notre cœur. » L’un des buts de l’association est aussi de former la relève. Et Alain Kreis avoue son contentement. Après une traversée du désert de plusieurs années, celle-ci pointe enfin le bout de ses sandales.