Isabelle Graesslé, première femme porte-parole des pasteurs genevois, impose sa voix sans baisser le ton

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Isabelle Graesslé, première femme porte-parole des pasteurs genevois, impose sa voix sans baisser le ton

30 août 2001
Pour la première fois de sa longue histoire, qui a débuté en 1541 avec Calvin, la Compagnie des pasteurs et diacres du bout du lac choisit une modératrice pour la diriger
Portrait d’une théologienne remuante et un brin rebelle. Ni austère, ni effacée : bien dans son habit de ministre, Isabelle Graesslé devient la première modératrice de la Compagnie des pasteurs et diacres de Genève. « J'en ai un peu assez d'être étiquetée comme la théologienne féministe du coin. Mais je suis portée par ce mouvement. Si être féministe signifie plus de justice pour les femmes, un salaire égal aux hommes, que dix pour cent d'entre elles ne soient pas victimes de violences conjugales comme c'est le cas, ici à Genève, alors je le revendique. Et c'est vrai, je crois qu’on peut lire la Bible sans hiérarchisation des sexes. »

Pour cette Alsacienne de 42 ans, le vrai défi date de 1998. En juin, elle se présente à la vice présidence de la Compagnie. Comme la coutume veut que la personne choisie remplace le président – appelé modérateur - au terme de son mandat, le pari semble osé. « Je crois que mes collègues attendaient une candidature féminine. C'était une des revendications du mouvement que nous avions formé avec d'autres pasteures, le 'groupe fuchsia'. Et tout le monde sentait que c’était le moment. »

Luthérienne de tradition familiale, Isabelle Graesslé ne se voyait pas du tout « dans une petite paroisse au fin fond de l'Alsace bossue, avec un culte célébré en allemand à 9h30 suivi une heure plus tard par son jumeau francophone. » Son désir, c’est surtout de continuer à étudier la théologie, à explorer les pistes entrevues lors de la rédaction de sa thèse. « Mon premier poste de pasteure à Genève, au Centre protestant d’études, je l'ai trouvé grâce à une petite annonce. Un soir à minuit, on m’a téléphoné pour me dire que j'avais été retenue. Ce fut une chance pour moi de pouvoir poursuivre mes recherches tout en répondant aux questions existentielles que se posaient les gens. » Quatre ans plus tard, c’est la consécration pastorale puis, en 1997, la direction du nouveau Service de formation pour adultes de l’Eglise genevoise.

§Dénoncer ce qui étouffe l’EvangileAujourd'hui, où elle prend comme prévu - grâce à un « score quasi africain » selon l'expression d'un ami – et pour trois ans, la tête de ce corps professionnel, elle parle d'identification: « Je représente tous les pasteurs et diacres, bien sûr. Mais je pense que mon élection représente une bonne chose pour toutes mes consœurs. Certaines m'ont déjà dit leur fierté. » Isabelle Graesslé se souvient de sa rencontre avec la première pasteure du canton. Nommée en 1928, cette pionnière s'était vu interdire durant 20 ans les plénières avec ses collègues. « Peut-être qu’à travers moi, ces femmes remarquables qui n'ont pas eu la chance d'être reconnues prennent leur revanche. » D'un naturel pourtant peu farouche, la pasteure se souvient qu'il lui a fallu des années après son arrivée à Genève en 1987 avant d’oser prendre la parole au milieu de ses pairs. « Les choses ont évolué. Je ne crois pas que j'aurai à souffrir d'appartenir au sexe féminin dans les discussions ou l'autorité que je pourrais représenter. »

Isabelle Graesslé tient à conserver un esprit rebelle. « Les amis qui me connaissent bien me donnent ce qualificatif. J’essaie de ne pas tout accepter, de ne pas m’enfermer dans des carcans intellectuels, y compris théologiques. » La modératrice avoue par exemple son aversion pour les fondamentalismes de tout poil et sa volonté de « dénoncer tout ce qui étouffe l’Evangile. » Comment voit-elle sa nouvelle fonction ? Pas vraiment comme une responsable de syndicat. « Je ne cherche pas non plus à récupérer quiconque. Il me semble que le protestantisme occidental peine à retrouver sa source et à se débarrasser de ce qui l’empêche d’évoluer. L’Evangile parle de manière juste aux gens. Ma conviction est que l’idée même du mot Eglise doit évoluer. » Voilà peut-être son ambition : que la Compagnie des pasteurs et diacres fasse réentendre sa voix dans le concert des débats actuels de la société.

Pierre Léderrey/ Protestinfo



La compagnie, c’est…

La compagnie des pasteurs et diacres trouve son origine dans les ordonnances ecclésiastiques de Jean Calvin adoptées par la ville de Genève en 1541. Considérée comme l’autorité théologique de l’Eglise, elle joue jusqu’au XIXe siècle un rôle important dans la cité.

De nos jours, elle demeure l’une des autorités de l’Eglise genevoise, avec le Consistoire (parlement) et le conseil de l’Eglise (gouvernement). Elle se compose de 112 membres actifs, soit les 96 pasteurs et 16 diacres en exercice, dont 68 hommes pour 34 femmes. Son but est de développer la fidélité de ses membres, ainsi que la compétence et la conscience professionnelle dans l’exercice de leur ministère, notamment à travers la formation permanente. Elle s’efforce également d’encourager les collaborations avec les autres autorités ecclésiales, et de développer la vie de l’Eglise et le rayonnement de l’Evangile.

§Photos de Mme Graesslé disponibles auprès de l'agence catholique CIRIC à Lausanne, 021/613.23.83