Avortement : les chrétiens affichent leur division
7 septembre 2001
Contrairement à la fédération protestante, les évêques suisses rappellent que l’Eglise catholique romaine condamne toute forme d’interruption volontaire de grossesse
Une position tranchée qui est loin de faire l’unanimité au sein même de la communauté des croyants. Spécialiste de la question, la théologienne Andréa Arz de Falco répond aux arguments de la Conférence épiscopale. Chacun campe sur ses positions. Alors que l’autorité réformée réaffirme son soutien au régime du délai (lire encadré), son homologue catholique vient de confirmer son rejet de toute dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse.
La ligne défendue par la Conférence des évêques suisses (CES), conséquence logique de la position adoptée par le Vatican, est pourtant loin de trouver un écho unanime au sein de l’Eglise catholique romaine. Maître assistante à l’Université de Fribourg, la théologienne Andréa Arz de Falco fait partie des exégètes qui proposent une autre lecture de la Bible comme de la doctrine. « Selon moi, il convient de considérer l’interruption de grossesse sous l’angle de cet ‘ethos’ qui favorise tout ce qui est vie dans le monde. » Andréa Arz de Falco commence par rappeler que la Parole ne thématise pas la question de l’avortement : « Ni l’Ancien, ni le Nouveau Testament ne mentionne directement cette question. On n’y trouvera nulle part une référence qui mettrait la vie intra-utérine sur le même plan que celle d’un homme ou d’une femme. »
« Tu ne tueras pas » : le 5e commandement de l’Ancien Testament, souligne la documentation de la CES, rappelle que toute vie est don de Dieu et que l’on ne peut donc en disposer à sa guise. On rejoint ici la fameuse Ethique de Dietrich Bonhoeffer, pour qui « tuer un embryon dans le sein de sa mère signifie violer le droit que le Seigneur accorde à la vie en gestation. » Argument qu’Andréa Arz de Falco, et avec elle la Ligue des femmes catholiques et nombre de prêtres, qualifie volontiers de fondamentaliste. « Le commandement de l’Ancien Testament évoque l’assassinat d’un être humain ; on ne se trouve pas dans le contexte d’une naissance. D’autre part, je doute que Dieu se laisse si facilement déranger dans ses plans. Enfin, je constate que la même sévérité ne s’applique pas au sein de l’Eglise à ceux qui détruisent de jeunes existences comme les pédophiles. »
§Criminalisation de la femme ?Agnell Rickenmann n’est évidemment pas du même avis. Pour le secrétaire général de la CES, la tradition catholique a toujours défendu l’idée d’une vie sacrée dès sa conception. Et la pédophilie se voit tout aussi fermement condamnée. « Nous rejoignons en ce sens les récentes découvertes scientifiques, qui montrent que les premières cellules renferment l’ensemble du code génétique. Nous pensons que l’on ne peut séparer la vie donnée de celle qui naît. Selon nous, la vie humaine est intangible et cela dépasse la question de l’avortement pour concerner aussi les actuels débats sur la génétique ou l’euthanasie. » Andréa de Falco rétorque que, même si les évêques suisses s’en défendent, leur position revient à une criminalisation de la femme, à une position sans compromis qui ignore les situations particulières où le contexte social. « Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des pays où la pratique religieuse est très forte comme la Pologne ou certaines régions d’Amérique latine ont les taux d’avortements les plus élevés. »
Agnell Rickenmann ne le nie pas. Mais ce constat prouve que l’essentiel est de créer des dispositions qui ne laissent pas les femmes seules face à ce problème. « Nous insistons sur la promotion d’un ensemble de mesures légales d’accompagnement en faveur des femmes concernées et de la protection de la famille : assurance et congé maternité, allocations pour enfants, crèches, allègements fiscaux, réduction des primes d’assurances maladie, etc. » souligne la déclaration de la Conférence des évêques. Sans véritablement changer de cap, la CES a d’ailleurs modulé son avis sur l’initiative « Pour la Mère et l’enfant. » Si, en avril dernier, elle saluait le lancement du référendum contre la solution des délais, elle considère aujourd’hui ce texte comme « insuffisant » car une seule loi pénale ne résoudrait pas la question. Sur ce point au moins, l’ensemble des sensibilités chrétiennes se rejoignent : seule une politique en faveur de la mère et de l’enfant limitera le nombre d’interruptions de grossesse. Ce qui, concluent en chœur catholiques et protestants, correspondrait à la seule finalité compatible avec le message biblique.
La ligne défendue par la Conférence des évêques suisses (CES), conséquence logique de la position adoptée par le Vatican, est pourtant loin de trouver un écho unanime au sein de l’Eglise catholique romaine. Maître assistante à l’Université de Fribourg, la théologienne Andréa Arz de Falco fait partie des exégètes qui proposent une autre lecture de la Bible comme de la doctrine. « Selon moi, il convient de considérer l’interruption de grossesse sous l’angle de cet ‘ethos’ qui favorise tout ce qui est vie dans le monde. » Andréa Arz de Falco commence par rappeler que la Parole ne thématise pas la question de l’avortement : « Ni l’Ancien, ni le Nouveau Testament ne mentionne directement cette question. On n’y trouvera nulle part une référence qui mettrait la vie intra-utérine sur le même plan que celle d’un homme ou d’une femme. »
« Tu ne tueras pas » : le 5e commandement de l’Ancien Testament, souligne la documentation de la CES, rappelle que toute vie est don de Dieu et que l’on ne peut donc en disposer à sa guise. On rejoint ici la fameuse Ethique de Dietrich Bonhoeffer, pour qui « tuer un embryon dans le sein de sa mère signifie violer le droit que le Seigneur accorde à la vie en gestation. » Argument qu’Andréa Arz de Falco, et avec elle la Ligue des femmes catholiques et nombre de prêtres, qualifie volontiers de fondamentaliste. « Le commandement de l’Ancien Testament évoque l’assassinat d’un être humain ; on ne se trouve pas dans le contexte d’une naissance. D’autre part, je doute que Dieu se laisse si facilement déranger dans ses plans. Enfin, je constate que la même sévérité ne s’applique pas au sein de l’Eglise à ceux qui détruisent de jeunes existences comme les pédophiles. »
§Criminalisation de la femme ?Agnell Rickenmann n’est évidemment pas du même avis. Pour le secrétaire général de la CES, la tradition catholique a toujours défendu l’idée d’une vie sacrée dès sa conception. Et la pédophilie se voit tout aussi fermement condamnée. « Nous rejoignons en ce sens les récentes découvertes scientifiques, qui montrent que les premières cellules renferment l’ensemble du code génétique. Nous pensons que l’on ne peut séparer la vie donnée de celle qui naît. Selon nous, la vie humaine est intangible et cela dépasse la question de l’avortement pour concerner aussi les actuels débats sur la génétique ou l’euthanasie. » Andréa de Falco rétorque que, même si les évêques suisses s’en défendent, leur position revient à une criminalisation de la femme, à une position sans compromis qui ignore les situations particulières où le contexte social. « Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des pays où la pratique religieuse est très forte comme la Pologne ou certaines régions d’Amérique latine ont les taux d’avortements les plus élevés. »
Agnell Rickenmann ne le nie pas. Mais ce constat prouve que l’essentiel est de créer des dispositions qui ne laissent pas les femmes seules face à ce problème. « Nous insistons sur la promotion d’un ensemble de mesures légales d’accompagnement en faveur des femmes concernées et de la protection de la famille : assurance et congé maternité, allocations pour enfants, crèches, allègements fiscaux, réduction des primes d’assurances maladie, etc. » souligne la déclaration de la Conférence des évêques. Sans véritablement changer de cap, la CES a d’ailleurs modulé son avis sur l’initiative « Pour la Mère et l’enfant. » Si, en avril dernier, elle saluait le lancement du référendum contre la solution des délais, elle considère aujourd’hui ce texte comme « insuffisant » car une seule loi pénale ne résoudrait pas la question. Sur ce point au moins, l’ensemble des sensibilités chrétiennes se rejoignent : seule une politique en faveur de la mère et de l’enfant limitera le nombre d’interruptions de grossesse. Ce qui, concluent en chœur catholiques et protestants, correspondrait à la seule finalité compatible avec le message biblique.