La terre est plus belle que le paradis :Les confessions d’un fou d’Allah
28 février 2002
Comment devient-on un islamiste radical ? Pour la première fois, un repenti se raconte : la parole qui subjugue, l’endoctrinement, le sentiment de sécurité et de supériorité que donne l’appartenance à un groupe fort et fraternel, le basculement dans la violence pour établir la loi de Dieu sur toute la terre, l’entraînement à la terreur
Les propos sobres et graves de Khaled al-Berry permettent de mieux comprendre ce qui pousse des islamistes à se jeter corps et âme dans une guerre aussi implacable qu’insaisissable.Musulman d’Egypte comme Mohammed Atta, le chef des pilotes kamikazes du 11 septembre, Khaled al-Berry est né dans une famille bourgeoise à Assiout, fief des intégristes islamiques. Brillant élève mais chétif et maladivement timide, il est subjugué à quatorze ans par des militants d’Al-Jamaa al-Islamiyya, « la Communauté de l’islam » , mouvement de lutte révolutionnaire qui prône un retour identitaire et rigoriste au Coran et à la communauté primitive. Il en devient un membre actif au milieu des années 80.
Désormais sa mission est de lutter en vue d’instaurer un Etat islamique qui libérerait les terres volées de l’islam, de la Palestine à l’Andalousie et d’établir la loi de Dieu sur la terre entière « pour préserver enfin la dignité des musulmans et les défendre face à l’injustice qu’ils subissent. »
Après l’assassinat de Sadate en 1981, l’Egypte vit dans un terrible engrenage de violence et de répression. De sa prison, le cheikh aveugle Omar Abdel Rahman, guide spirituel de La Jamaa, organise la branche clandestine de lutte armée de l’organisation et lance des fatwas contre les coptes ( chrétiens ) de Haute-Egypte. Ces derniers sont victimes de persécutions et d’assassinats, qui ont repris de plus belle ces jours-ci.
Il apprend à prêcher dans les mosquées, à utiliser les techniques de la propagande et d’agitation publique, à recruter pour le mouvement. Naît chez lui un sentiment de supériorité dû à tout ce qu’il a appris, que les autres ne savent pas. « Nous formions une élite ! ».
Il est pris d’une passion frénétique pour le Coran dont il fait une lecture sélective. Il martèle certains versets coraniques qui justifient l’apprentissage de la haine de l’autre qui ne croit pas comme lui :« Regarde comment Dieu honore le croyant et humilie l’Infidèle ». Parole qu’il vérifie en assistant sans broncher au tabassage de chrétiens dans sa rue. Dieu visiblement n’est pas aux côtés de ces infidèles que sont à ses yeux, les coptes.
§Descente aux enfersL’épreuve marque le début de sa descente aux enfers et de son insensibilisation. Il endosse la gellaba par dessus un large pantalon et se fait pousser la barbe pour marquer son appartenance et sa séparation. Il a l’âge des premiers émois amoureux, qu’il vit très mal, torturé par le sexe, considéré comme tabou,et les femmes dont on lui serine qu’elles sont des êtres maléfiques « qui ne sont que ruse et pièges tendus par le diable ».Il veut croire qu’il appartient à une communauté angélique qui ressemble aux premiers musulmans. Privé de tout sens critique et d’émotion, il s’enferme dans une illusion et un sectarisme prosélyte.
Arrêté, il est incarcéré dans de dures conditions. La prison lui fera toucher le fond de la détresse et renouer avec son humanité mais aussi avec la terre, si douce et si belle, qu’il entrevoit de sa cellule. Plus belle et vraie que le paradis promis aux croyants après leur mort. Sa renaissance aux autres mais surtout à lui-même se fera lentement et passera par l’écriture autobiographique. Pour se réapproprier son identité, sa liberté, ses questionnements et ses doutes, mais surtout son humanité. Un journal libanais publiera courageusement un premier article ; suivra cette confession, retenue et sans haine, qui montre comment un home ordinaire a succombé à la tentation totalitaire.
§La terre est plus belle que le paradis, Khaled al-Berry, 190 pages, janvier 2002, éd. J-C. Lattès.
Désormais sa mission est de lutter en vue d’instaurer un Etat islamique qui libérerait les terres volées de l’islam, de la Palestine à l’Andalousie et d’établir la loi de Dieu sur la terre entière « pour préserver enfin la dignité des musulmans et les défendre face à l’injustice qu’ils subissent. »
Après l’assassinat de Sadate en 1981, l’Egypte vit dans un terrible engrenage de violence et de répression. De sa prison, le cheikh aveugle Omar Abdel Rahman, guide spirituel de La Jamaa, organise la branche clandestine de lutte armée de l’organisation et lance des fatwas contre les coptes ( chrétiens ) de Haute-Egypte. Ces derniers sont victimes de persécutions et d’assassinats, qui ont repris de plus belle ces jours-ci.
Il apprend à prêcher dans les mosquées, à utiliser les techniques de la propagande et d’agitation publique, à recruter pour le mouvement. Naît chez lui un sentiment de supériorité dû à tout ce qu’il a appris, que les autres ne savent pas. « Nous formions une élite ! ».
Il est pris d’une passion frénétique pour le Coran dont il fait une lecture sélective. Il martèle certains versets coraniques qui justifient l’apprentissage de la haine de l’autre qui ne croit pas comme lui :« Regarde comment Dieu honore le croyant et humilie l’Infidèle ». Parole qu’il vérifie en assistant sans broncher au tabassage de chrétiens dans sa rue. Dieu visiblement n’est pas aux côtés de ces infidèles que sont à ses yeux, les coptes.
§Descente aux enfersL’épreuve marque le début de sa descente aux enfers et de son insensibilisation. Il endosse la gellaba par dessus un large pantalon et se fait pousser la barbe pour marquer son appartenance et sa séparation. Il a l’âge des premiers émois amoureux, qu’il vit très mal, torturé par le sexe, considéré comme tabou,et les femmes dont on lui serine qu’elles sont des êtres maléfiques « qui ne sont que ruse et pièges tendus par le diable ».Il veut croire qu’il appartient à une communauté angélique qui ressemble aux premiers musulmans. Privé de tout sens critique et d’émotion, il s’enferme dans une illusion et un sectarisme prosélyte.
Arrêté, il est incarcéré dans de dures conditions. La prison lui fera toucher le fond de la détresse et renouer avec son humanité mais aussi avec la terre, si douce et si belle, qu’il entrevoit de sa cellule. Plus belle et vraie que le paradis promis aux croyants après leur mort. Sa renaissance aux autres mais surtout à lui-même se fera lentement et passera par l’écriture autobiographique. Pour se réapproprier son identité, sa liberté, ses questionnements et ses doutes, mais surtout son humanité. Un journal libanais publiera courageusement un premier article ; suivra cette confession, retenue et sans haine, qui montre comment un home ordinaire a succombé à la tentation totalitaire.
§La terre est plus belle que le paradis, Khaled al-Berry, 190 pages, janvier 2002, éd. J-C. Lattès.