Tiananmen: les chrétiens prennent des risques
2 juin 2009
Pékin - Le christianisme est en pleine expansion en Chine, surtout le protestantisme
Le nombre de chrétiens a très vraisemblablement dépassé les 100 millions, ils seront 140 millions en 2020, soit 10% de la population – avec un développement fulgurant des Eglises autonomes, non officielles et non reconnues par l’Etat. Elles sont souvent financées par des mouvements évangélistes américains, ou par de riches croyants chinois.
Les chrétiens chinois, membres des Eglises autonomes, se réunissent au foyer, dans des halles d’usines ou des locaux commerciaux à la manière des premières communautés chrétiennes sous l’empire romain. Ces fidèles sont d’ores et déjà plus nombreux que les membres du parti communiste chinois. Ces chapelles de salon font donc l’objet d’une surveillance étroite, surtout qu’elles réunissent souvent les élites intellectuelles du pays, en tous cas dans les villes.
Tension palpable
A l’approche du 4 juin, 20ème anniversaire de la répression du printemps de Pékin, la tension se fait particulièrement grande. Les leaders de 80 Eglises autonomes chinoises ont publié le mois dernier une « Déclaration des chrétiens chinois », dans laquelle ils prêchent la repentance et la réconciliation. Ils y rappellent la tragédie de la répression du 4 juin 1989 à Tiananmen, reflet – écrivent-ils – du caractère « vicieux et hypocrite d’un système politique tyrannique ».
L’écrivain Yu Jie est à la fois l’un des plus connus, des plus virulents et des plus courageux parmi les signataires. Membre fondateur de l’Eglise libre ARK (Arche de Noé) à Pékin, assistant pastoral et pamphlétaire engagé, ce libre penseur qui n’a pas tout à fait 40 ans est un homme très surveillé. Il vient du reste d'être assigné à résidence, le 31 mai, en prévision du 4 juin. Le simple fait de chercher son nom sur google suffit à bloquer le navigateur de tout ordinateur connecté en Chine. Silence intolérable Mais on peut le rencontrer, il suffit d’être prudent, pour sa sécurité. Le rendez-vous est pris dans une libraire « amie » de la banlieue de Pékin. « A Tiananmen, le gouvernement chinois a commis un massacre contre les étudiants et le petit peuple. Il doit avouer son crime et révéler la vérité. Son silence est intolérable. Il ne permet même pas aux victimes de commémorer la mort de leurs enfants.
Ce qui nous semble particulièrement révoltant, c’est que nos président et premier ministre Wen Jiabao et Hu Jin Tao, lorsqu’ils donnent des interviews aux médias étrangers, affirment que si l’économie chinoise s’est aussi bien développée ces dernières années, c’est grâce à la répression du mouvement de Tiananmen. »
Pour Yu Jie, les Eglises officielles de Chine, regroupées depuis la révolution de 1949 autour du « Mouvement patriotique des trois autonomies », sont tout sauf indépendantes. Elles sont par ailleurs « corrompues, leur manière de fonctionner n’a rien à voir avec l’esprit de la Bible. » Pas étonnant dès lors que la majorité des Chrétiens leur préfèrent les « House Churches », ou églises autonomes.
« Je pense qu’il y a environ 60 millions de protestants en Chine, dont deux tiers dans les églises libres », poursuit Yu jie. Mais autonomes ou non, « la plupart des églises sont peu engagées, au-delà des oeuvres de charité, elles se préoccupent peu de droits de l’homme et de justice sociale ». "Moi, je n’ai pas signé" « Moi, je n’ai pas signé, même si, le 4 juin 1989, j’étais en troisième année à l’université de Pékin. Je suis donc émotionnellement très touché par les événements de Tiananmen, et je me suis converti au christianisme deux mois plus tard. Mais je n’ai pas signé la déclaration. » Ces mots, c’est le pasteur Minju Jin qui les tient. Il dirige l’église autonome Thai You de Pékin, qui regroupe environ 600 fidèles.
« En signant, j’aurais impliqué tous les membres de ma communauté. C’était peu souhaitable, au moment où le gouvernement et la société commencent à nous laisser prier en paix. On sait bien que les autorités sont très attentives aux signaux politiques qui viennent des églises autonomes. Mais j’espère personnellement qu’un jour viendra où justice sera faite concernant Tiananmen ».
Yu Jie a quand à lui une conception toute différente de son ministère. Son objectif premier est de faire avancer la cause des droits de l’homme. Et ensuite, par ses écrits, il cherche à toucher des cercles plus larges, hors de l’église. « Par exemple, je viens d’écrire un article sur Desmond Tutu, et son influence bénéfique sur la libération de l’Afrique du sud. Au Tibet, ils ont le Dalaï Lama. Mais ici, rien, personne ! ».
Yu Jie ne désespère pas pour autant. L’emprise du pouvoir faiblit, dit-il, Internet n’est pas contrôlable à 100%. Les intellectuels sont de plus en plus nombreux à questionner ouvertement le pouvoir, des gens comme Ding Zilin (tête de file du mouvement des Mères de Tiananmen) mériteraient le prix Nobel depuis longtemps. « L’ennui, c’est que l’Occident ne s’en soucie guère, car il ne s’intéresse qu’au commerce et à l’argent ».
L’écrivain Yu Jie est à la fois l’un des plus connus, des plus virulents et des plus courageux parmi les signataires. Membre fondateur de l’Eglise libre ARK (Arche de Noé) à Pékin, assistant pastoral et pamphlétaire engagé, ce libre penseur qui n’a pas tout à fait 40 ans est un homme très surveillé. Il vient du reste d'être assigné à résidence, le 31 mai, en prévision du 4 juin. Le simple fait de chercher son nom sur google suffit à bloquer le navigateur de tout ordinateur connecté en Chine. Silence intolérable Mais on peut le rencontrer, il suffit d’être prudent, pour sa sécurité. Le rendez-vous est pris dans une libraire « amie » de la banlieue de Pékin. « A Tiananmen, le gouvernement chinois a commis un massacre contre les étudiants et le petit peuple. Il doit avouer son crime et révéler la vérité. Son silence est intolérable. Il ne permet même pas aux victimes de commémorer la mort de leurs enfants.
Ce qui nous semble particulièrement révoltant, c’est que nos président et premier ministre Wen Jiabao et Hu Jin Tao, lorsqu’ils donnent des interviews aux médias étrangers, affirment que si l’économie chinoise s’est aussi bien développée ces dernières années, c’est grâce à la répression du mouvement de Tiananmen. »
Pour Yu Jie, les Eglises officielles de Chine, regroupées depuis la révolution de 1949 autour du « Mouvement patriotique des trois autonomies », sont tout sauf indépendantes. Elles sont par ailleurs « corrompues, leur manière de fonctionner n’a rien à voir avec l’esprit de la Bible. » Pas étonnant dès lors que la majorité des Chrétiens leur préfèrent les « House Churches », ou églises autonomes.
« Je pense qu’il y a environ 60 millions de protestants en Chine, dont deux tiers dans les églises libres », poursuit Yu jie. Mais autonomes ou non, « la plupart des églises sont peu engagées, au-delà des oeuvres de charité, elles se préoccupent peu de droits de l’homme et de justice sociale ». "Moi, je n’ai pas signé" « Moi, je n’ai pas signé, même si, le 4 juin 1989, j’étais en troisième année à l’université de Pékin. Je suis donc émotionnellement très touché par les événements de Tiananmen, et je me suis converti au christianisme deux mois plus tard. Mais je n’ai pas signé la déclaration. » Ces mots, c’est le pasteur Minju Jin qui les tient. Il dirige l’église autonome Thai You de Pékin, qui regroupe environ 600 fidèles.
« En signant, j’aurais impliqué tous les membres de ma communauté. C’était peu souhaitable, au moment où le gouvernement et la société commencent à nous laisser prier en paix. On sait bien que les autorités sont très attentives aux signaux politiques qui viennent des églises autonomes. Mais j’espère personnellement qu’un jour viendra où justice sera faite concernant Tiananmen ».
Yu Jie a quand à lui une conception toute différente de son ministère. Son objectif premier est de faire avancer la cause des droits de l’homme. Et ensuite, par ses écrits, il cherche à toucher des cercles plus larges, hors de l’église. « Par exemple, je viens d’écrire un article sur Desmond Tutu, et son influence bénéfique sur la libération de l’Afrique du sud. Au Tibet, ils ont le Dalaï Lama. Mais ici, rien, personne ! ».
Yu Jie ne désespère pas pour autant. L’emprise du pouvoir faiblit, dit-il, Internet n’est pas contrôlable à 100%. Les intellectuels sont de plus en plus nombreux à questionner ouvertement le pouvoir, des gens comme Ding Zilin (tête de file du mouvement des Mères de Tiananmen) mériteraient le prix Nobel depuis longtemps. « L’ennui, c’est que l’Occident ne s’en soucie guère, car il ne s’intéresse qu’au commerce et à l’argent ».