«L’Église a donné un appui religieux à la guerre»
Photo: Des soldats dans les tranchées, en 1917
EPD/Protestinter
Il y a 100 ans, l’Église protestante soutenait l’enthousiasme général pour la guerre et l’encourageait même activement. Qu’est-ce qui s’est passé concrètement?
Actuellement, cela paraît consternant, mais la majorité de l’Église protestante a salué la guerre. On parlait beaucoup à l’époque de l’honneur de combattre pour la patrie, et aussi de mourir pour la patrie. Et Dieu devait bénir ce combat et cet honneur. «Avec Dieu à la guerre!».
Cette attitude d’une partie de l’Église protestante se manifestait dans les prises de position des évêques, dans les journaux religieux, mais avant tout dans les prédications – quelque chose de totalement impensable aujourd’hui. Les sermons touchaient à l’époque toutes les couches de la population et étaient, pour beaucoup, l’une des sources centrales d’information sur la guerre et sa justification. En ce temps-là, les Églises assumaient la fonction d’instances nationales d’interprétation. À partir d’une théologie du sacrifice à coloration nationaliste, elles donnaient aux soldats le statut de martyrs. La souffrance incommensurable de la guerre était ainsi occultée.
Comment a-t-on pu en arriver là?
Du point de vue des responsables politiques, les pasteurs étaient, de par leur ministère, particulièrement qualifiés pour accomplir cette tâche d’interprétation religieuse nationale. Le trône et l’autel était étroitement liés. De l’avis de bien des historiens, aucun groupe de la société n’a soutenu les efforts de guerre avec plus de détermination que les Églises régionales. Elles attendaient aussi de cela un gain institutionnel: si les Églises et la religion chrétienne avaient perdu de leur rayonnement public entre 1871 et 1914, elles espéraient que l’esprit de ferveur nationale de 1914 permettrait de retrouver une grande Église populaire. Cet espoir ne s’est réalisé qu’un certain temps: en 1915 déjà, le mouvement de réveil religieux nationaliste et la fréquentation des églises commencèrent à décliner de nouveau.
Aujourd’hui, l’Eglise s’affirme pacifiste. Quelles leçons a-t-elle tirées de cette période?
Notre Église a eu besoin de beaucoup de temps pour se dégager de son enthousiasme belliciste. Il lui a fallu deux guerres mondiales et d’innombrables autres conflits armés pour distinguer enfin clairement l’impératif radical de la paix dans la vie de Jésus: la guerre est un crime horrible, et nous devons tout faire pour maintenir la paix. Avec la fin de la Première guerre mondiale, l’alliance entre le trône et l’autel se relâcha, même si le lien entre l’Église et l’État ne s’est définitivement dénoué que dans la période qui a suivi la Deuxième guerre mondiale. Ce n’est qu’après les catastrophes de deux guerres mondiales que notre Église protestante a réussi à trouver une stature conforme au mandat de Jésus. (FNA)