Le Prix Farel, un festival qui honore les valeurs religieuses

Le Prix Farel permet à des réalisateurs de se rencontrer pour partager leurs points de vue. Ici, lors d'une pause repas au restaurant Interlope à Neuchâtel en 2016 / @ Tiziana Conti
i
Le Prix Farel permet à des réalisateurs de se rencontrer pour partager leurs points de vue. Ici, lors d'une pause repas au restaurant Interlope à Neuchâtel en 2016
@ Tiziana Conti

Le Prix Farel, un festival qui honore les valeurs religieuses

Projection
La ville de Neuchâtel accueille tous les deux ans le Festival international du film à thématique religieuse. Des réalisateurs y présentent principalement des documentaires ayant un caractère existentiel, éthique ou spirituel.

Cette année, plus d’une centaine de réalisations ont été envoyées aux organisateurs du Prix Farel. Une trentaine de films ont été retenus pour cette édition. Ils répondent aux critères de sélection fixés par le festival interreligieux.

«Les oeuvres sélectionnées sont liées à des thématiques religieuses au sens large. Elles doivent traiter des dimensions transcendantes de la vie qui posent des questions existentielles. La qualité esthétique et journalistique est également importante», précise Cyril Dépraz, président du comité du Prix Farel et producteur, pour les Eglises réformées, du magazine Faut pas croire de la Radio Télévision Suisse (RTS).

Définir le religieux

Les grandes questions actuelles figurent également dans la sélection: «Nous accordons une place particulière aux films qui parlent de dignité humaine, de justice restaurative, de protection de l’environnement et de la question des migrants», ajoute-t-il. Le producteur se dit très satisfait de la richesse et de la variété de la programmation de cette édition (voir l'article: "L'humain sacralisé sur la pellicule").

«Qu’est-ce qui est religieux et qu’est ce qui ne l’est pas? Ce débat réapparaît régulièrement depuis la création du festival en 1967», se remémore André Kolly, directeur du Centre catholique de radio et télévision (CCRT) de 1988 à 2009 et également cheville ouvrière du Prix Farel. «Des films qui témoignent d’une réalité sociale liée par exemple à la prison ou à la drogue ne sont pas du tout hors sujet», complète-t-il.

Des sujets «purement religieux» sont mis en avant dans la sélection. «Les films qui traitent spécifiquement de religion sont souvent assez critiques par rapport à l’institution ou à certains courants religieux», analyse Cyril Dépraz. Pour exemple, le lauréat de l’édition 2014 intitulé «Tuez-les tous !» traitait de la question de l’homosexualité en Ouganda. L’enquête détaille comment des Eglises évangéliques nord-américaines sont à l’origine de projets de loi persécutant les homosexuels. «Un documentaire traitant de la question du nationalisme bouddhiste en Birmanie figure cette année dans notre programmation», ajoute-t-il.

Favoriser la rencontre

Le festival a également pour objectif d’être un lieu de rencontre entre réalisateurs. Une somme importante est allouée aux frais de déplacement et d’hébergement. «Nous avons un budget global d’environ 80'000 francs ; un quart est destiné à accueillir les participants et le jury international», précise Cyril Dépraz. Un geste particulièrement prisé par les artisans de ce métier qui peinent parfois à joindre les deux bouts. «Aujourd’hui, c’est souvent une véritable galère de faire un film. Les réalisateurs se disent particulièrement heureux d’être accueillis dans de bonnes conditions pour pouvoir venir présenter leur travail et en parler avec le public et d’autres professionnels», ajoute le producteur.

« Les films qui traitent de religion sont assez critiques de l’institution »

En alternance avec le festival, les différents participants du Prix Farel étaient auparavant invités à un séminaire. Ce rendez-vous n’est toutefois plus à l’ordre du jour pour des questions de logistique et de finances. Le dernier a eu lieu en 2015 et s’intéressait au « storytelling», une technique qui consiste à faire émerger une ou plusieurs histoires à fort pouvoir de séduction et de conviction.

Parmi les rencontres les plus marquantes, André Kolly note celles qui traitent du passage de la pellicule à la vidéo dans les années nonante : «C’était une véritable révolution. Beaucoup de réalisateurs et de monteurs pensaient que cette nouvelle technique mettait en danger leur métier et leur art.» La multiplication des plates-formes de diffusion a aussi fait l’objet d’une rencontre à St-Maurice en 2005. «Le directeur de la RTS de l’époque, Gilles Marchand, avait fait une intervention prémonitoire expliquant que, bientôt, les contenus seraient disponibles à toute heure et sur n’importe quel support», ajoute André Kolly.

Carrefour culturel

La ville de Neuchâtel ne lésine pas sur les moyens pour soutenir le Prix Farel. Depuis de nombreuses années, le service de la culture assume le secrétariat administratif du festival. «L’événement enrichit l'offre culturelle de notre région. Il donne la possibilité à la population de voir gratuitement des films de grande qualité qui nous interrogent sur nos pratiques éthiques et religieuses», souligne Patrice Neuenschwander, délégué culturel de la Ville de Neuchâtel. «Il est important pour nous que cette manifestation demeure à Neuchâtel et ne parte pas dans une autre ville faute de soutien communal», ajoute-t-il.

Pour le délégué à la culture, le festival permet également de faire découvrir la ville et ses richesses à des «gens de médias» venus de Suisse, de France, de Belgique, du Canada et parfois d’Italie. Patrice Neuenschwander souligne que le Prix Farel est aussi un moyen de renforcer les liens avec les Eglises locales qui participent à l’organisation de la manifestation: «Nous avons déjà eu de nombreuses interactions avec les Eglises dans le passé. L’année dernière, nous avons eu une excellente collaboration avec l’Eglise réformée de Neuchâtel dans le cadre du jubilé des cinq cents ans de la Réforme.» Le fait que le festival honore la mémoire du réformateur Farel, figure importante de l’histoire neuchâteloise, est aussi un élément culturel important.

Des bonnes histoires

Obtenir une distinction au Prix Farel permet aux réalisateurs de gagner une véritable visibilité et de faire connaître leurs films pour de futures diffusions. Une motivation supplémentaire pour Cyril Dépraz: «Mon métier est de promouvoir de bonnes histoires bien racontées, de les faire connaître à un public plus large.» Pour le producteur, le festival permet de ne pas passer à côté de petits bijoux d’excellente qualité.

«Le mélange entre les différents acteurs impliqués que sont les Eglises, la RTS, la Ville de Neuchâtel, les réalisateurs et les producteurs crée un maelström très intéressant», analyse Cyril Dépraz. Les échanges de points de vue entre des personnes de différents pays ouvrent à la compréhension d’autres réalités. Un participant issu d’un pays ou d’une région à majorité catholique portera forcément un autre regard que celui qui trouve ses racines en terres protestantes.

Prix Farel Infos pratiques

Ve 26, sa 27 et di 28 octobre, cinéma Bio, faubourg du lac 27, Neuchâtel, entrée libre.

Détails, programme et sélection sous www.prixfarel.ch.

Prix Farel, affiche 2018