«En première ligne face au défi écologique»
Que signifie le drame écologique pour l’être humain?
Je le perçois d’abord comme un signal d’alarme face aux conditions de la vie sur Terre qui sont réellement menacées aujourd’hui, ainsi que le démontre la littérature scientifique. Au travers de ce drame planétaire, le Christ nous visite en nous demandant de prendre conscience de l’oubli de notre responsabilité vis-à-vis de la Création. Cette visitation est un appel de Dieu à retrouver notre lien avec le Vivant, à mettre à jour notre conversion évangélique à la lumière de la conversion écologique.
En tant que chrétien ou paroisse, comment aborder la crise environnementale?
Tout chrétien devrait être en première ligne face au défi écologique qui, comme tel, nous dépasse. Etre chrétien, c’est prendre conscience que l’Evangile ne peut être vécu qu’ensemble, dans un élan fédératif et collectif. Une paroisse devrait être heureuse de cette posture qui nous est donnée et revoir la gestion de ses déchets, le compostage, les modes de transport, l’isolement des bâtiments d’Eglise, créer un jardin partagé, etc. Tout cela dans une dynamique œcuménique, sans oublier celle du dialogue interreligieux, car c’est ensemble que nous pourrons remédier aux crises planétaires dont l’humain est responsable.
Est-ce une nouvelle mission pour les chrétiens?
Au vu de la gravité de ce qui se passe, c’est vraiment une mission. L’important est de ne pas dériver vers un état de résignation qui serait une démission et une forme de défiance à l’appel de Dieu dont le dessein est de nous mobiliser. Chacun·e a des compétences à cultiver en soi pour discerner la posture qu’il ou elle peut assumer. Il s’agit de ne jamais baisser les bras, mais d’ouvrir son cœur au souffle de Dieu, de poser un acte de confiance et d’abandon. Et les choses iront sans préjuger de leur devenir. Car ce n’est pas moi ou ma paroisse qui allons sauver le monde, mais l’Esprit de Dieu à travers moi, ma paroisse et mon frère ouvert à d’autres paroisses, sans oublier la société civile.
Comment gérer la révolution numérique?
Toute éco-spiritualité ou éco-théologie doit être enseignante et promotrice d’une réelle distance critique face à l’expansion des moyens technologiques. Il faut être très prudent face à la récupération de l’attention que peut engendrer la culture numérique. Le génie de l’intelligence artificielle est certes prodigieux. Il peut être très utile pour réaliser des infographies ou collecter des données climatiques, mais il ne faut pas se laisser absorber par lui. Penser que l’intelligence artificielle va nous sauver est une grande illusion. Au fond de lui, l’humain est marqué par un désir d’infini que ne peut exaucer le génie technologique.
Quel espoir ou espérance pour demain?
L’espérance est réelle dans la mesure où elle est alliée à la lucidité. Elle transfigure toute peur par le courage d’un engagement constant, ouvert à la grâce. Le Vivant est très résilient lorsqu’on lui en donne les moyens. Les voies alternatives existent, déjà opérantes ici et là. Nous avons tout ce qu’il faut pour booster notre espérance. Le «plus» de la grâce qui nous anime en tant que chré- tiens est de croire à cette force de l’Esprit qui nous porte à ouvrir les chemins vers l’impossible au seul regard humain.
Effondrement ou révolution? Fin du monde ou fin d'un monde... Un appel au sursaut spirituel, William Clapier, éditions Le Passeur, 2020