«Les jeunes recherchent une offre patchwork»
Pourquoi y a-t-il de moins en moins de jeunes dans les Eglises protestantes?
Les Eglises sont impactées par le contexte post-moderne, plus spécifiquement la société des loisirs et l’éclatement des familles, avec des parents – et donc des enfants – qui s’investissent autrement. La transmission familiale d'une culture ecclésiale se fait de moins en moins. La société de consommation qui est la nôtre fait de l’Eglise la dernière roue du carrosse. Le foot, le piano passent devant. La société se crée aussi d’autres rites de passage que ceux proposés par l’Eglise.
La répartition traditionnelle de l’enseignement religieux est-elle encore d’actualité, avec un enseignement séparé pour les 12-15 ans, les 15-17 ans (catéchisme) et les 17-19 ans (post-catéchisme) ?
Oui, pour une certaine partie de la jeunesse, celle qui se situe entre 12 et 17 ans. La répartition par tranche d'âge doit être maintenue pour eux ainsi que pour les catéchumènes dont les familles ont des attaches avec notre église. Cependant, il nous faut aussi penser les 17-45 ans ensemble. Dans cette tranche d’âge, nous accueillons des jeunes qui n’ont jamais eu de lien avec l’Eglise, ou qui sont en rupture avec elle. Cette jeunesse plurielle se retrouve plutôt par centre d'intérêt, selon leurs réseaux. L'enjeu pour nous consiste à agir et à accompagner en même temps ces différents parcours de jeunes. C'est ce qu'on appelle «l’économie mixte».
A partir de quand l’Eglise de Genève a-t-elle pris conscience du besoin d'adapter son offre ?
Cette prise de conscience existe depuis longtemps, avec des tentatives diverses pour se réadapter. Il y a eu, par exemple, la création « d’Espace », tel que l’Espace Fusterie, au milieu des années 2000. Mais essayer d'être de plus en plus dans une perspective d'économie mixte de l'Eglise auprès de la jeunesse date d'il y a trois ans environ. Car nous ne pouvons plus envisager de penser une seule une jeunesse protestante mais des jeunesses protestantes, protéiformes. Les jeunes ont de multiples engagements et sont à la recherche d’une offre patchwork. On peut être un jeune protestant engagé au sein de l'Eglise et en même temps aller à la prière de Taizé organisée par la pastorale catholique des jeunes; vivre une soirée de louange dans une église évangélique et être responsable scout. Surtout, les jeunes sont de plus en plus nombreux à n’avoir jamais eu de lien avec une Eglise.
Face à ce constat, quelles solutions sont proposées ?
L’Eglise change de posture vis-à-vis du jeune. Elle mise sur l’interaction et l’enrichissement mutuel, et développe des outils professionnels pour cela (Godly play, Formation Jack, création du Lab). Elle propose aussi des activités qui sont d’abord spirituelles avant d'être religieuses. Les jeunes y participent parce qu’on a répondu à l’un de leurs besoins spécifiques et qu’ils ont fait une expérience positive.
Quels projets ont le plus de succès?
Les « Fresh expressions of church », ces nouvelles manières d’être Eglise aujourd’hui, sont en augmentation. Les gens se fédèrent autour d’un projet et d’un besoin spécifique. A Genève, je pense par exemple aux jardins urbains, au groupe de méditation pleine conscience, aux ateliers de spiritualité chrétienne, au projet d’Eglise pour les enfants... Un des temps forts de la rentrée du Service Catéchèse Formation et Animation (SCFA) s'est fait au sein du Lab, grâce à l'antenne LGBTI (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenres, Intersexes), qui a offert une formation, en partenariat avec la Fédération des associations genevoises LGBTI, soutenue aussi par la Ville de Genève, sur les questions LGBTI liées à la jeunesse. L'antenne LGBTI du Lab offre aussi une hotline, une rencontre par mois, et de la médiation en lien avec l’association Le Refuge.
Combien êtes-vous à Genève à soutenir ces projets?
Une dizaine de pasteurs à temps partiel ont la responsabilité d’un ministère émergent dans notre église. Mais une grande partie du travail passe aussi par la prise de conscience collective – celle de nos paroissiens – d’une nécessaire économie mixte en Eglise. Le paroissien se pense de plus en plus et agit comme un témoin de sa foi auprès de tous.
Pensez-vous ces changements en lien avec l’Eglise catholique?
Oui, nous évoluons dans le même sens. A Genève, au sein du SCFA, nous avons fait le choix de nous enrichir mutuellement et d’utiliser régulièrement des outils communs.
Avec d'autres, vous êtes à l’initiative du Festival ReformAction. Comment est né ce projet ?
Beaucoup d’événements étaient en préparation pour le jubilé du 500e, mais il n’y avait pas de projets spécifiques pour la jeunesse. Quelques-uns d’entre nous se sont alors réunis pour imaginer un projet. Nous l’avons présenté à la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) et à la Conférence des Eglises romandes (CER), qui ont donné leur validation. L’initiative part des réformés mais elle se fait avec les évangéliques. Elle offre une ouverture œcuménique et sera marquée par plusieurs moments forts.
Quel est votre objectif ?
C’est la première fois qu’un festival de la jeunesse protestante existe, au niveau national, en Suisse. Notre souhait est que cette jeunesse se rencontre et comprenne que l’héritage et la force de la réforme résident dans le fait d’être un dans la diversité, une diversité à la fois théologique et géographique. Ce qui nous unit est plus grand que ce qui nous divise. Et l'accueil de la diversité ouvre à la tolérance, à la responsabilité et à la liberté.
Festival ReformAction
Du 3 au 5 novembre, à Genève
Vendredi 3, 21h Nuit des lumières avec Frère Alois de Taizé à la cathédrale St-Pierre et dans les églises du centre-ville. 22h15 Spectacle son et lumière au parc des Bastions
Samedi 4, 9h30 Rallye avec atelier en ville. 15h Grand rassemblement à l’Aréna de Genève : jeux, orateurs, musiciens, artistes et concerts. 20h30 Nuit des rencontres. Parmi plusieurs activités, Switchfoot en concert à l’Aréna et une Silent Party au temple de Plainpalais
Dimanche 5, 9h30 Culte de clôture des festivités à la cathédrale St-Pierre.
Plus d’informations sur le site ReformAction.