Un pasteur explore l'art de la prédication en cédant la chaire aux passants
On considère souvent que la chaire est un lieu sacré et exclusif. La plupart des religions permettent seulement aux personnes consacrées de parler à l'assemblée depuis cet endroit. Les voix ordinaires ont rarement accès à la chaire. Le pasteur Steve Norman souhaite changer tout cela. «Mon objectif est de remettre en question l’idée qu'il faut être accrédité ou avoir été approuvé dans sa doctrine pour pouvoir s’exprimer», explique le pasteur enseignant à la Central Wesleyan Church à Holland, dans le Michigan.
«Toutefois, je veux être prudent parce que je sais que dans les Églises actuelles avec un cadre liturgique formel, il revient aux responsables de filtrer et encadrer ces prises de parole. Mais ne devrait-on pas avoir d'autres espaces où les gens qui ne correspondent pas aux critères requis puissent faire entendre leur voix?», s’interroge-t-il.
Steve Norman a créé ce genre d’espace avec «The Preachers» (les prédicateurs): une sorte de pièce d'art-performance où il encourage les passants à monter en chaire et prêcher pendant cinq minutes. L'oeuvre figure cette année à ArtPrize, un concours existant depuis 10 ans, qui réunit des milliers de personnes venues contempler des tableaux, sculptures et installations exposées aux alentours de Grand Rapids. L'exposition internationale a remis 4,1 millions de dollars à des artistes depuis 2009.
Une forme d’art
Le pasteur a inscrit «The Preachers» à ArtPrize dans la catégorie temporelle, qui comprend des oeuvres basées sur des expériences et interactives. L'année dernière, le prix a été remis à un concept de repas communautaire qui a rassemblé près de 250 personnes à une table de plus de 90 mètres de long. Steve Norman, qui assistait à ArtPrize pour la première fois, a été inspiré par la manière dont l'exposition présentait des moments de dialogue informel comme une forme d'art.
«L'art est plus large que j'ai tendance à le penser. Je ne suis pas un artiste visuel, mais en même temps, la prédication - l'usage des mots - est une forme d'art», explique Norman. Toutefois, avec «The Preachers», Steve Norman ne prend pas la parole en chaire. Il reste assis sur un banc face au pupitre en bois installé devant le centre culturel YMCA de Greater Grand Rapids pour écouter les «prédicateurs» d’un jour.
L'inspiration pour créer «The Preachers» lui est venue alors qu’il assistait à un culte dans une autre église et qu’il s'est trouvé à critiquer la façon de prêcher du pasteur. «J'avais simplement le sentiment que cela faisait si longtemps que je parlais et que je pensais aux différents angles et styles de prêches que j'avais arrêté de vraiment écouter», confie Steve Norman.
Améliorer sa capacité d’écoute
«The Preachers» donne au pasteur l’occasion de corriger ses propres habitudes d'écoute. Il s'est fixé la règle selon laquelle il ne pouvait seulement répondre aux prédications par des «merci» et «amen». C'est n’est qu’avant ou après les sermons improvisés qu'il aborde plus profondément leurs idées.
Steve Norman a aussi été motivé à s’engager à travers le silence. Un des risques de ce concept était que personne ne vient. «Mais un de mes amis qui est artiste m’a affirmé qu’il y a quand même quelque chose qui se passait, même dans le silence», raconte le pasteur. Steve Norman estime que c’est en fonction du confort ressenti que les personnes s’approchent de la chaire ou pas. Certains participants lui ont dit qu'ils ne se sentaient pas à l'aise et le pasteur cherche à savoir pourquoi.
«Qu’est-ce que cela signifie que les gens ne se sentent pas à l'aise ou intimidés? Est-ce que cela veut dire que nous ne les avons pas encouragés à faire entendre leur voix, ou que la forme leur est si étrangère qu’ils ne pensent pas à prendre cette place?», s'interroge SteveNorman. «D'autres personnes me disent, 'Je ne suis pas qualifié' ou 'Je n'ai rien à dire’.»
«C'est amusant de jouer avec ces deux paradigmes et de constater qu'un bon prédicateur peut venir de n'importe où», ajoute-t-il. Oui, mais est-ce que c'est de l'art? Pendant que Steve Norman cède la chaire, il parle de son expérience dans des termes indubitablement artistiques. «Certains aspects de cet art sont purificateurs, comme cet homme qui fêtait ses 23 ans de sobriété. D'autres aspects valorisants, comme cette personne venue de l'Ohio pour interpréter sa pièce devant tous les publics. Pour moi, cela a été un cadeau et je peux dire sans équivoque que cela en valait la peine.»
Kayleigh Fongers, Grand Rapids, Michigan, RNS/Protestinter