Communautés : comment maintenir le lien à distance ?
1-Parlez du sujet
La situation actuelle, inédite, pose des questions personnelles, mais aussi philosophiques, théologiques inédites. Elle questionne l’organisation sociale mais aussi nos habitudes, nos convictions, nos croyances. Bref, nous sommes ébranlés dans ce qui nous fonde. Puisque la normalité disparaît, il est absolument normal, pour chacune et chacun d’avoir besoin d’échanger et donc de parler beaucoup du sujet, comme l’explique le professeur de psychologie sociale Dario Spini. Evidemment, cette situation exacerbe la question du sens, questionne, ou renforce nos croyances. Raison de plus pour adresser le sujet dès que possible. C’est ce qu’a fait par exemple le pasteur Marc Pernot, sur son site ‘Je cherche Dieu’.
2-Créez de nouvelles communautés !
Vous avez peut-être reçu une invitation pour rejoindre le groupe Whatsapp pour réaliser le parcours de méditation en 21 jours de Deepak Chopra. Ce message se répand comme une traînée de poudre. Cet auteur indo-américain, gourou de la méditation aux Etats-Unis promeut une approche qui rappelle la théologie de la prospérité - questionnable, par bien des aspects, notamment sa démarche virale et orientée marketing-. Cependant la méthodologie est intéressante. « L’outil Whatsapp est idéal parce que léger. Il permet de partager facilement avec ses contacts, de créer de nouveaux groupes partageant un centre d’intérêt, mais aussi de renvoyer le vers un contenu plus approfondi, comme un site web» remarque Jean-Christophe Emery, à la tête de l’institut Cèdres Formation. « De plus, les parcours d’une manière générale, sont intéressants car ils ont un début et une fin. Cette progression rappelle le principe d’un cours, ce qui permet aussi de devenir acteur », note Jean-Christophe Emery.
3-Misez sur les ressources en ligne
Vous n’avez jamais créé un groupe Whatsapp de votre vie ? Ni une chaîne YouTube ? Pas de panique, il existe une série de ressources en ligne, beaucoup de paroisses y réfléchissent. Sur Théologiquement vôtre, Philippe Golaz, pasteur de l’Eglise protestante de Genève à Meyrin, propose une série de conseils pour ‘faire Eglise sur internet’. Plutôt que de maintenir une forme classique de culte, il plaide plutôt pour la diffusion de prédications pré-enregistrées et surtout les cultes interactifs en streaming, qu’il pratique lui-même et pour lesquels ils propose tout un mode d’emploi technique (spoiler : un bon micro est essentiel !) La paroisse de Chêne met à disposition ses cultes en audio et des prédications à télécharger.
Par ailleurs, vous pouvez ‘virtualiser’ une petite communauté existante. « Dans notre paroisse, nous avons une quinzaine de groupes de maison, nous avons proposé de créer un groupe Whatsapp pour chacun, afin de garder un suivi », détaille Antoine Schluchter, pasteur dans la vallée de Joux.
4-Proposez des rendez-vous réguliers
L’Eglise protestante Suisse propose un verset quotidien, ou une parole par jour, superbement illustrée. La paroisse réformée de la Vallée de Joux publie sur son site une méditation quotidienne. L’équipe du secteur ‘Enfance et famille’ de l’Eglise réformée vaudoise propose un calendrier spirituel en ligne, avec des activités quotidiennes et simples, à faire en famille. Une manière de s’inventer de nouveaux rituels, dans un quotidien totalement déstructuré. Et de répondre très concrètement aux angoisses et à la panique qui peuvent toucher tout le monde, pas simplement les plus anxieux d’entre nous, au moment où la courbe de contaminations ne cesse de grimper. Pour Jean-Christophe Emery, l’idée de pratiquer des exercices de méditation quotidiens et de rechercher la bienveillance envers soi-même est pertinente, dans le contexte actuel.
5-Rappelez le cadre
Que vous soyez pasteure, aumônier ou simple paroissien, pratiquer l’écoute ou l’empathie à distance est compliqué. Mener un entretien pastoral au téléphone est évidemment frustrant. Pour la personne concernée, il est parfois difficile d’accepter qu’un membre ou un représentant de l’Eglise ne fasse pas le déplacement. D’autant plus s’il s’agit d’un deuil ou d’une situation douloureuse ou intime. « Je crois que c’est important de glisser, peut-être pas au début de la conversation mais à un moment opportun, qu’il s’agit d’une consigne ecclésiale, cantonale, fédérale. La discussion à distance est la seule possibilité compte tenu de la situation actuelle. Ce choix n’a rien de personnel. Il est dicté par la progression du virus », explique Antoine Schluchter. Qui par ailleurs souligne combien cette crise « révèle l’intérêt d’une structure ecclésiale forte » sur laquelle s’appuyer.
6-Pensez inclusivité !
« Il faut toujours se souvenir du ciblage : les téléconférences ne sont pas accessibles à toutes les personnes, les groupes Whatsapp excluent ceux qui n’ont pas de smartphone », rappelle Jean-Christophe Emery.
Qui dit digital doit donc dire solutions alternatives. « Dans ma paroisse, le groupe de visiteurs qui se rendait chez les personnes âgées ou isolées a tout simplement décidé de continuer ce travail par téléphone »
L'Eglise de Neuchâtel a listé une série de numéros à joindre sur son site web. Son site a d'ailleurs totalement été adapté pour cette période de crise, mis à jour régulièrement, il remplace durant un temps les newsletters hebdomadaires habituelles.
Chez Réformés, nous avons avons décidé de développer un serveur téléphonique vocal, pour les personnes non connectées, et de développer des articles en format audio pour les personnes âgées ou malvoyantes…ou qui n’ont tout simplement pas le temps de lire tranquillement (poke, les parents !)
7-Inventez de nouvelles solidarités
Pour poser un signe d’espérance commun au sein de cette crise, l’Eglise protestante de Suisse invite à poser une bougie chaque soir à 20h à sa fenêtre, afin de créer un ‘océan de lumière’. Mais bien entendu, libre à chacune et chacun d’imaginer d’autres manières de témoigner sa volonté de partage et de communion avec notre société. En cela, rappelons que chaque soir à 21h, rendez-vous est donné aux fenêtres et balcons pour applaudir les soignantes et soignants, particulièrement exposé.es et épuisé.es en ce moment !