Thalita koumi!
«Thalita koumi», ce qui veut dire en araméen « Jeune fille, lève-toi» (Marc 5,41), est l’une des paroles qui a saisi la pasteure Marie Cénec dans un moment difficile, comme une «parole surgissant du plus profond» d’elle-même. «Des saisissements, j’en ai eu à plusieurs reprises dans ma vie, comme s’il y avait toujours quelque chose qui me rattrapait lorsque je connaissais des vacillements.»
La première fois, elle était adolescente et fréquentait, avec ses parents, des mouvements évangéliques qui exerçaient une réelle emprise sur leurs fidèles. Elle ne se sentait pas à sa place «dans cette religion patriarcale qui n’aimait pas les femmes et où elle ne devait pas trop penser». Elle s’y trouvait «à l’étroit, même si tout n’était pas mauvais». Marie Cénec s’en affranchira lorsqu’elle quittera la maison familiale pour l’Université. Un long cheminement qu’elle choisit, aujourd’hui, de partager, même si se livrer lui coûte.
«C’était difficile, pour moi, d’oser une parole aussi personnelle. Lorsque l’on risque un dévoilement, on ne sait jamais comment cela peut être accueilli. Mon livre a pris cette forme alors que j’essayais de définir ce qu’est une parole libre au sein du religieux. J’ai donc risqué une telle parole. De plus, l’aspect du témoignage est ce qui peut donner de la crédibilité à mes propos», précise la pasteure. Elle espère que partager son vécu, dont elle témoigne avec une grande sincérité, pourra trouver une résonance chez des personnes qui vivent une expérience d’emprise religieuse. «En aider quelques-unes à se sentir moins seules, en leur proposant des pistes, serait déjà beaucoup.»
Après les Églises évangéliques, elle fréquentera quelque temps l’Église luthérienne puis, très vite, les Églises réformées. Car si elle a remis en question sa foi, cette dernière ne l’a jamais quittée. Durant les premières années, son engagement a plutôt été sur le seuil. «J’avais soif de choses vivantes et inspirantes.» Avant qu’elle choisisse d’en faire son métier. «Les pasteurs sont des êtres de passages qui peuvent aider à passer les grands seuils de la vie, c’est un privilège et aussi une responsabilité», écrit-elle.
Marie Cénec a toujours été attirée par l’art de la prédication et par le lien avec les gens, «la beauté de ce métier». C’est aussi tout son défi: «Vivre sa foi, qui est quelque chose de si intime et personnel, avec d’autres est difficile. La partager et la mettre en pratique au sein d’une vie communautaire est un exercice spirituel infini.» Son désir de se mettre au service des autres l’a récemment conduite dans un nouveau ministère, à Terre Nouvelle, qui est la «courroie de transmission entre l’Église protestante et les ONG protestantes. C’est l’aboutissement d’un chemin de plusieurs années».
Dans son livre, sa parole ose être insolente lorsqu’elle pose certaines questions, quelque peu taboues dans les milieux ecclésiaux. «Si je me livre à la polémique, c’est toujours avec beaucoup d’amour pour «ma famille dysfonctionnelle» qu’est l’Église. Les institutions sont en crise, ce n’est un secret pour personne. Quelquefois, il faut oser une parole neuve pour avancer ensemble», est persuadée Marie Cénec. Avec L’insolence de la parole, elle entend contribuer à cette réflexion.
Côté pratique
Après C’est tous les jours dimanche (2013) qui regroupait ses méditations bibliques et A contre-jour (2018) dans lequel elle partageait ses chroniques du quotidien, Marie Cénec publie L’insolence de la parole, dans la collection «J’y crois» de Bayard.