Marie Cénec, nouvelle ambassadrice de l’écospiritualité
«Je suis en train de passer du côté vaudois de la force!» s’amuse Marie Cénec. La pasteure et théologienne, née en Alsace il y a une quarantaine d’années, habite pourtant toujours à Genève. «Je découvre avec curiosité la capitale et la campagne vaudoises», avoue dans un sourire celle qui, depuis janvier, foule plusieurs jours par semaine le seuil du siège de l’EERV, au chemin des Cèdres. Elle y allie deux mi-temps tournés vers l’écologie: la responsabilité de Terre nouvelle, une «courroie de transmission» entre les œuvres de mission et d’entraide et l’Église, et la coordination de la plateforme de Transition écologique et sociale (TES). «Depuis mon enfance, j’ai toujours vu Dieu dans la nature», assure cette maman qui voit son ado s’inquiéter de plus en plus du sort de la Terre, tout comme le reste de sa génération.
«Je me suis dit que ma fille me reprocherait de n’avoir rien fait, si je ne n’allais pas au-delà de la prise de conscience écologique», confie Marie Cénec, pour qui la naissance de son enfant est un des éléments déclencheurs de sa «conversion». «Qu’est-ce que je mange? Quel air ma fille va-t-elle respirer?» se demande alors celle qui, peu après ses 30 ans, «passe naturellement au bio». Mais avant de trouver son équilibre, Marie Cénec fait quelques erreurs de débutante. Opérant un grand tri dans ses affaires personnelles afin d’en éliminer le superflu, elle se dit qu’elle est peut-être allée trop loin quand, dans sa penderie, il ne reste soudain plus que deux pantalons... «C’est comme l’obsession du zéro déchet, on en revient», s’amuse la pasteure, qui enjoint à ne pas «voir des péchés écologiques partout».
Terreur spirituelle
Son virage vert, Marie Cénec l’opère définitivement en rencontrant Philippe Roch, ex-directeur du WWF Suisse puis de l’Office fédéral de l’environnement. À l’Espace Fusterie de Genève, où elle est titulaire pendant plus de cinq ans avec le pasteur Blaise Menu, elle profite d’organiser de nombreuses rencontres et conférences avec des intellectuels et des artistes. Grâce à cette opportunité, elle fait la connaissance de Michel Maxime Egger, écothéologien qui l’intègre dans le Laboratoire de transition intérieure, aujourd’hui porté par l’Entraide protestante suisse (EPER) et Action de Carême. «Créative, Marie est très attentive aux moyens de parvenir à l’intelligence collective. À contre-courant d’une tendance à s’exprimer de façon descendante, comme c’est parfois le cas dans les milieux d’Église, elle regarde plutôt à ce que chacun parle d’où il est.»
Il semblerait d’ailleurs que toute la vie de Marie Cénec soit affaire de transition. Car si elle est aujourd’hui plus que jamais implantée dans la foi réformée, dont elle aime «la pluralité et l’ouverture au dialogue», la théologienne se souvient d’une enfance où elle a pu ressentir «la terreur spirituelle» quand ses parents se tournent vers une communauté évangélique fondamentaliste, où des «gourous chrétiens» prêchent «leur vérité» jusqu’à la radicalité. Elle a d’ailleurs pris la plume – ce qu’elle aime infiniment – afin de raconter cette période de sa vie dans L’insolence de la Parole, court livre paru il y a deux ans. «Aujourd’hui, je suis sereine par rapport à cette expérience», assure-t-elle, ce témoignage lui ayant permis d’atténuer chez elle «une forme de honte» ressentie quand, il y a encore une quinzaine d’années, les témoignages à propos de «l’emprise religieuse» étaient rares et tabous. Pour Blaise Menu, «une telle expérience peut être reniée ou habitée autrement. Marie Cénec a choisi la deuxième option».
La mort en face
Ce n’est cependant pas pour s’éloigner de l’Alsace de son enfance que Marie Cénec atterrit, durant ses études commencées à Strasbourg, à la Faculté de théologie de l’Université de Genève. Si elle élit domicile dans la Cité de Calvin, c’est à la faveur d’une bourse
accordée par le Comité genevois pour le protestantisme français. Mais, bientôt pasteure, elle se rend compte que sa formation ne saurait être tout à fait complète sans une certaine expérience... «N’avoir jamais vraiment vu la mort en face, pour officier lors d’enterrements, aurait été un vrai manque.» Ainsi, pour son stage pastoral, elle choisit d’intervenir au Centre de soins continus (CESCO) de l’Hôpital de Bellerive (GE). «En réalité, j’ai pu constater que, quand on apporte un soutien spirituel dans un service de soins palliatifs où tout est fragile, on finit par remettre de la vie dans la fin de vie», explicite Marie Cénec.
Aujourd’hui, la «sauvegarde de la Création» chevillée au corps, Marie Cénec va désormais se consacrer, dans le cadre de son mandat pour l’EERV, à une autre forme de vulnérabilité: celle de la planète: «Même si c’est l’humanité qui est en danger. La Terre nous survivra!» Chargée d’accompagner les projets émergents de transition écologique au sein des paroisses, sa mission est de «soutenir et aider les initiatives locales». En pleins préparatifs de la journée annuelle de l’EERV, intitulée cette année «En transition avec vous» et prévue ce samedi 3 septembre à Saint-François, Marie Cénec souhaite sensibiliser à l’écospiritualité, soit les enjeux spirituels de l’écologie. Selon elle, la foi réformée n’est plus crédible sans «le partage de l’amour de la nature».
BIO EN DATES
1975 Naissance à Strasbourg en Alsace.
1996 Arrivée à Genève afin d’étudier à la Faculté de théologie.
2006 Naissance de sa fille.
2009 Prend la tête de l’Espace Fusterie, avec le pasteur Blaise Menu.
2013 Première publication en France, «C’est tous les jours dimanche», un recueil de méditations.
2022 Arrivée à l’EERV, mandat auprès de Terre nouvelle et de la plateforme Transition écologique et sociale (TES).
Journée de l'EERV «En transition avec vous», ouverte au public
8h30 Stands et animations sur la place du marché de Saint-François
10h Deux spectacles de la troupe du ZartiCirque suivi d’ateliers
14h30-16h15, «Café transition» avec l’agricultrice Esther Mottier au Café Romand
17h Consécration des nouveaux pasteurs et diacres à la Cathédrale de Lausanne