Prendre un temple pour église

L'église Saint-François, un temple protestant (tableau de 1840, d'auteur inconnu, exposé au Musée historique de Lausanne) / ©Domaine public, Wikimedia Commons
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L'église Saint-François, un temple protestant (tableau de 1840, d'auteur inconnu, exposé au Musée historique de Lausanne)
©Domaine public, Wikimedia Commons

Prendre un temple pour église

Malentendu
Les protestants parlent de leur lieu de culte comme d’un «temple». Au point qu’un guide, montrant Lausanne à des visiteurs, n’hésitera pas à expliquer que «l’église Saint-François est un temple protestant»…

Comme d’ailleurs la cathédrale Saint-Pierre, à Genève. Pourquoi ne pas recourir simplement au terme d’«église»?

L’usage remonte à Calvin. La Bible ne qualifiant aucun édifice d’«église», le réformateur avait fait le choix du mot «temple». A sa suite, les réformés, grands lecteurs de l’Ancien Testament, mettent en avant le lien avec le temple de Jérusalem, référence fondatrice antérieure à la messe catholique, dont ils tiennent à se démarquer.

Sacrifice ou communion?

Pourtant, traditionnellement, le temple est le lieu du sacrifice. Symbolique que la Réforme a précisément choisi d’abolir dans la célébration de la sainte cène. Au profit de l’image de la communion: en protestantisme, on ne parle plus d’autel, mais de «table de communion».

Or n’est-ce pas justement à cette réalité communionnelle que renvoie l’«église»? Le vocable découle du grec ekklesia, qui signifie assemblée, rassemblement ou communauté. Et, souligne le pasteur strasbourgeois Philippe Eber, «ce qui fait l’église, c’est l’assemblée, réunie autour de la Parole et des sacrements. Ce qui donne l’identité à un bâtiment, c’est sa fonction».

La fonction du temple? Au sens de l’histoire des religions, c’est un bâtiment sacré où se tient la divinité, où on vient la rencontrer. Mais en protestantisme, «Dieu ne réside pas dans un lieu particulier, dans un espace sacré, il est libre», clame le pasteur Christian Baccuet. Parler de «temple» ne serait-il dès lors pas un malentendu? Le ministre parisien n’hésite pas: c’est un «sacré malentendu… un malentendu à propos du sacré».