Jésus se multiplie dans les salles obscures
À Vevey, mercredi dernier, une foule de tous âges faisait la file, devant le Cinéma Rex. À l’affiche, «Super-héros malgré lui», la comédie de Vincent Lacheau, ne fera toutefois pas salle comble. Un autre surhomme lui vole la vedette en la personne de Jésus, qui aura fait se lever et marcher jusqu’à lui près de 130 personnes. En effet, grâce à la diffusion des deux premiers épisodes de la série «The Chosen», le cinéma veveysan se voit bientôt inondé d’une lumière bienveillante et de sourires complices.
Organisée par le média évangélique Radio R, cette projection est la première d’une longue série qui, en partenariat avec Cinérive, verra projetés les huit épisodes de la première saison de «The Chosen», à Vevey, Aigle et Orbe, à raison de deux épisodes par soirée, et ce jusqu’au mois d’avril. En tout, la série américaine créée en 2017 compte deux saisons et 16 épisodes.
Séances chrétiennes
Ce n’est pas la première fois que des «séances chrétiennes» font le plein dans les succursales des cinémas estampillés Cinérive. Grâce à Laurence Gammuto, administratrice et responsable de la location des salles, «Les sept églises de l’Apocalypse», une autre série, suisse celle-ci, avait déjà bénéficié de projections en grande pompe fin 2020. Réalisée par le producteur et réalisateur Christophe Hanauer, à la tête de la maison de production de films chrétiens Millenium Production, cette série avait déjà drainé un nombre de spectateurs largement suffisant pour renouveler l’expérience.
«Les chrétiens ne vont pas forcément beaucoup au cinéma. Dès lors, la réflexion chrétienne ou éthique dans certains films les fait se déplacer», analyse Laurence Gammuto, qui confie avoir initié ce concept dès 2018, notamment avec les longs-métrages «Jésus l’enquête» ou «Dieu n’est pas mort», catégorisés comme des «films évangéliques» à cause de leur provenance étasunienne. Mais les évangéliques sont-ils les seuls chrétiens à se déplacer pour ces séances? «Absolument pas. Le bouche à oreille se diffuse tant chez les réformés que chez les catholiques, ce qui nous permet de réaliser ces très beaux succès auxquels Cinérive croit désormais dur comme fer.»
Œcuménisme
Mercredi soir, d’ailleurs, c’est une véritable carte postale de l’oecuménisme qui se dessine dans la salle et sur la scène, au Cinéma Rex de Vevey. Pour présenter «The Chosen», le pasteur réformé, théologien et auteur Shafique Keshavjee, à l’origine de l’événement, rappelle d’ailleurs que la série américaine est un véritable succès qui fait fi des obédiences, les deux premières saisons disponibles ayant déjà été visionnées selon lui par «plus de 350 millions de personnes de par le monde».
À ses côtés pour commenter ces deux premiers épisodes devant un public qui, comme les autres, s’est armée de popcorn et d’esquimaux, François-Xavier Amherdt, prêtre du diocèse de Sion et professeur de théologie à l’Université de Fribourg, ainsi que Luc Badoux, pasteur réformé de la paroisse de Corsier-Corseaux, se passent allègrement le micro. Tous deux tombent d’accord pour dire que le Christ de «The Chosen», qui laisse la place aux personnages ayant gravité autour de lui, est remarquablement croqué. Réalisée par Dallas Jenkins, la série présente en effet un Jésus environné par les autres, dont le destin, changé par la rencontre du Christ, constitue la vraie matière cinématographique.
Jésus-Veillon et ses «ploucs»
Cette projection, rendue possible par la maison de production cinématographique catholique Saje, sise à Paris, aurait toutefois pu rencontrer moins de succès à cause de la diffusion de la série par la chaîne française C8 pendant la période de Noël dernier. Majoritairement financée grâce à du crowdfunding (les producteurs annoncent 10 millions de francs levés), elle est de surcroit disponible sur une application éponyme et surtout gratuite.
Peut-être que ce succès aura aussi bénéficié d’une «actualité» romande dans la foulée de la diffusion par le service public de la série de Zep, «La Vie de JC». On y voit Vincent Veillon sous les traits d’un Jésus à l’humour un peu trop potache pour beaucoup. «C’était une stimulation supplémentaire, a d’ailleurs commenté Shafique Keshavjee. On a le droit de critiquer et de se rire de n’importe quelle figure. Mais dans la série de Zep, les personnes gravitant autour du Christ étaient tout simplement dépeintes comme des ploucs.»
La série de projections, en plus d’être une campagne d’évangélisation douce où pasteurs, curés, professeurs de théologie et journalistes interviendront, est également l’occasion de présenter un nouveau projet dont c’est ici le tout premier fait d’armes. En effet, la diffusion en salles de «The Chosen» est la première présentation au public d’un nouveau label, «Régénération». Un forum dont le projet est un renouvellement des médias d’inspiration chrétienne. Au casting: Radio R, le journal papier en gestation «Le Peuple», la revue évangélique «Christianisme aujourd’hui» et Millenium Production.
Tout le programme des projections ici.