Jeûner pour écouter Dieu

Image d'illustration / © iStock/Simon Lehmann
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© iStock/Simon Lehmann

Jeûner pour écouter Dieu

12 septembre 2019
Arrêter ses activités pour laisser plus de place à Dieu, c’est la proposition lancée par le groupe Évangile en chemin, à toute l’Église réformée vaudoise pendant la semaine précédant le Jeûne fédéral. Mais trouver du temps n’est pas si facile.

«Non, je ne peux pas, j’ai rendez-vous avec Dieu.» C’est la réponse qu’Aude Gelin, pasteure à Lignerolle, dans le canton de Vaud, réservera aux demandes qui lui seront faites entre vendredi 13 et dimanche 15 septembre. Pendant trois jours, elle met ses activités pastorales en pause, clôturant ainsi une semaine de jeûne. Dans le canton, une centaine de personnes suivront elles aussi cette démarche pour se mettre à l’écoute de Dieu, se recentrer sur l’essentiel et sortir la tête du guidon. Mais ici, le jeûne ne concerne pas que la nourriture, chacun est libre de choisir l’objet du renoncement: chocolat, email, voiture, la liberté est totale.

L’idée émane du groupe Évangile en chemin, de l’Église réformée vaudoise (EERV), mais les membres sont très clairs: C’est un appel qui leur vient de Dieu et ils s’en font les porte-parole.» Des propos qui peuvent retenir certains, mais les intéressés tiennent bon. Ils sont même allés devant le Conseil synodal (Exécutif) de l’EERV pour proposer l’idée à toute l’Église vaudoise. L’Exécutif leur a fait bon accueil. «Comme le précédent Conseil synodal, nous soutenons le projet. Mais nous sommes en poste depuis le 1er septembre et faute de temps, nous n’avons pas pu nous investir ou communiquer autour de cette invitation. Mais nous nous réjouissons déjà de pouvoir le faire l’an prochain, si le projet est renouvelé», explique Marie-Claude Ischer, présidente du Conseil synodal. Dans les paroisses vaudoises, différents temps d’écoute et de prière en groupe sont proposés durant la semaine.

Plus facile à dire qu’à faire

Depuis trois ans, Évangile en chemin jeûne à la même date. Mais cette année, l’appel va plus loin. Chacun est invité à jeûner de ce qu’il souhaite pendant la semaine et surtout encouragé à arrêter les activités d’Église pendant trois jours. «Trois jours, ça peut paraître radical, parce que nous n’arrivons pas à nous arrêter. Il faut pourtant réussir à se désencombrer, même des belles choses, pour laisser Dieu se révéler à nous et lui laisser la première place. Osons nous demander ce qui est essentiel», lâche Hetty Overeem, pasteure d’Évangile en chemin.

Mais le temps manque. Les ministres n’échappent pas à la règle. Les cordonniers seraient-ils les plus mal chaussés? «Je dois assurer les activités du catéchisme. Je ne vais donc pas changer le programme de ma semaine, mais bloquer chaque matin une heure de prière et d’écoute. Habituellement, je prends deux heures par semaine», explique Christine Courvoisier, diacre dans la région de Morges-Aubonne. Même chose pour sa collègue Christine Girard, à Renens, qui participe à cette semaine de jeûne depuis trois ans: «Je jeûne un repas et j’ai des temps de prière. Mais je ne peux pas m’arrêter trois jours, la semaine est chargée, j’ai notamment un service funèbre.» Fraîchement débarquée dans la paroisse d’Orbe, la pasteure Aude Collaud se réjouit de participer aux temps d’écoute organisés dans  la région. C’est notamment une occasion de rencontrer les personnes avec qui elle va être amenée à travailler. «Il est difficile de s’arrêter, parce que ça n’est jamais le bon moment. On cherche toujours à combler les vides. Mais finalement, nous n’avons pas besoin d’un lieu, d’un moment ou d’une infrastructure particulières pour être à l’écoute de Dieu.» Le son de cloche est le même chez les autres ministres participants contactés: s’arrêter et redonner une place centrale à Dieu est nécessaire, sortir de sa routine et arrêter d’être dans le faire pour se poser la question du sens l’est tout autant. Mais cela reste plus facile à dire qu’à faire.

À Vufflens-la-Ville, le pasteur Laurent Bader mettra pourtant son vendredi en jachère. Seules les urgences seront traitées. «J’ai assez de souplesse dans mon ministère pour prendre un jour d’arrêt; trois jours, c’est plus difficile. Prendre un temps plus long que d’habitude permet des réflexions plus profondes et sur le long terme. C’est idéal pour notre paroisse qui vit un moment charnière et s’interroge sur la direction à prendre pour l’avenir.»

S'exercer au lâcher-prise

«Durant cette semaine, je jeûne des occupations incessantes. J’expérimente le lâcher-prise de la toute-puissance humaine», explique Aude Gelin. Le lâcher-prise, plusieurs ministres en font l’expérience pendant cette semaine de jeûne, peu en s’arrêtant pendant trois jours. Pourtant, l’employeur ne s’y est pas opposé. «Nous n’avons pas abordé ce point. Nous nous y attellerons l’an prochain. Nous laissons les personnes responsables de leurs choix et gérer leur temps. S’il est bon de s’arrêter, il l’est aussi d’avoir des lieux d’accueil d’urgence, pour que les gens en demande ne soient pas démunis. Mais cela demande de l’organisation», précise la présidente du Conseil synodal. Hetty Overeem aurait pourtant souhaité que l’arrêt des activités concerne aussi les services funèbres, dans la mesure du possible et en dialogue avec la famille. L’Exécutif précédent en a décidé autrement.