Le Rwanda définit des critères pour être ministre

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Le Rwanda définit des critères pour être ministre

Fredrick Nzwili
17 juillet 2018
Après avoir fermé plus de 700 Églises à cause des pratiques douteuses des ministres, le Rwanda établit des critères précis pour pouvoir prêcher dans les lieux de culte

Photo: © RNS/AP Photo/Ben Curtis

, Nairobi, Kenya, RNS/Protestinter

Après la fermeture de plus de 700 églises et de certaines mosquées en mars dernier, les responsables du gouvernement rwandais ont décidé d'établir des directives sur la façon dont les groupes religieux opèrent dans le pays. Judith Uwizeye, ministre dans le bureau du président Paul Kagame, a présenté au Parlement un projet de loi qui exigerait que les prêtres chrétiens et musulmans soient titulaires d’une formation universitaire pour pouvoir prêcher dans des églises ou des mosquées.

La loi exigerait des clercs d'avoir un baccalauréat ainsi qu’un certificat d’études religieuses. Elle empêcherait également les membres du clergé reconnus coupables de génocide, de discrimination ou d'autres pratiques sectaires de prêcher en public. «Je soutiens cette loi. Certains de nos groupes d'Église ont fonctionné de manière dangereuse», souligne Evaluter Mugabo, évêque de l'Église luthérienne du Rwanda.

Les églises et les mosquées seraient également tenues d'instituer un organe interne de résolution des différends. Une manière de compléter le travail effectué par leurs organisations faîtières et l'autorité de résolution des conflits du gouvernement, qui s’occupe des conflits impliquant différentes religions. La nouvelle loi, selon les responsables du gouvernement, mettra de l'ordre au sein des Églises, dont certaines sont soupçonnées de tromper les gens.

Des directives pour la création d'Eglise

«Actuellement, tout le monde peut fonder une Église. La création d'une organisation confessionnelle n'exige rien. Nous voulons améliorer la façon dont ces organisations fonctionnent», explique Judith Uwizeye. Le projet de loi a reçu un large soutien de la plupart des législateurs du Parlement rwandais. Il passera par le comité avant d’être renvoyé au Parlement pour approbation.

En 1994, le pays a été témoin d'un génocide qui a coûté la vie à environ 800’000 Tutsis et membres modérés de la tribu hutue. Des années plus tard, de hauts responsables de l'Église ont été accusés de tuer des citoyens et ont été traduits en justice devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha, dans la Tanzanie voisine.

Malgré son sombre passé, le Rwanda, comme beaucoup de pays africains, a connu une recrudescence des Églises dans les zones urbaines et rurales. En mars dernier, le gouvernement a pris une décision radicale en fermant des centaines d’Églises dans la capitale de Kigali. L'action s’est poursuivie dans d'autres villes, avec d’un côté le soutien de certains chefs religieux et parallèlement de nombreuses oppositions. Les autorités ont déclaré que les Églises manquaient d'infrastructures de base, de sécurité et d'hygiène et contribuaient à la pollution sonore.

Les pentecôtistes particulièrement touchés

Les petites Églises pentecôtistes ont été les plus touchées par cette mesure. Jean Bosco Nsabimana, fondateur de l'Église de Patmos, une congrégation pentecôtiste, ne comprend pas pourquoi les autorités gouvernementales n'ont pas ciblé les bars et les boîtes de nuit. Mais d'autres chefs religieux trouvent la décision du gouvernement particulièrement sage.

«Les Églises poussent trop vite et exploitent les pauvres. Si elles ne sont pas contrôlées, de plus en plus d’organisations verront le jour», prévient Innocent Maganya, chef du département de la mission et des études islamiques au Tangaza University College. «Elles se mettent en place dans le but de faire du profit, pas pour les fidèles. Un peu de bon sens est nécessaire.»

Innocent Maganya a souligné que d'autres pays exigeaient des pasteurs d'avoir un diplôme ou un certificat. «À première vue, je ne pense pas que cela interfère avec la liberté de culte, à moins qu'il y ait un motif caché.» Innocent Mugabo remarque toutefois que ces exigences de formation affecteront beaucoup de jeunes Églises comme l'Église luthérienne au Rwanda. L'Église catholique romaine a été dominante au Rwanda, et les institutions d'autres confessions sont peu nombreuses.

«La plupart des pasteurs ont des certificats d'écoles bibliques locales», ajoute-t-il. «Les missions mondiales doivent considérer cette situation comme une urgence.» Depuis l’annonce de la nouvelle loi, Innocent Mugabo négocie avec l'Université d'Iringa, basée en Tanzanie. L'institution appartient à l'Église évangélique luthérienne de Tanzanie. Il cherche à utiliser le programme de l'université pour enseigner à l'école biblique de son église. L'université attribuera également les certificats d'éducation des pasteurs.

«Nous avons élaboré ce plan parce que nous ne pouvons pas nous permettre d'envoyer de nombreux pasteurs à l'étranger pour y faire des études, pour l’instant. Nous n'avons pas assez de ressources, nous avons donc décidé d'adopter une formation de masse de l'intérieur».