Les paroisses contrent la pandémie
«Annulé», «reporté», lit-on en grosses lettres sur l’annonce des nombreuses activités organisées dans les paroisses des Églises réformées romandes du mois de mars d’abord et maintenant du mois d’avril. Depuis plusieurs semaines, les mesures imposées par les autorités politiques et appliquées par les Églises semblent avoir eu raison de la vie paroissiale traditionnelle. En surface seulement. Chez eux, ministres et laïcs confinés passent leur journée derrière les écrans ou pendus au téléphone. Pour maintenir le lien avec la communauté, le web comme les réseaux sociaux s’imposent. Aux quatre coins de la Suisse romande, les initiatives prennent forme jour après jour. Cultes en streaming et interactifs, groupes de prière sur Zoom, parenthèse musicale sur YouTube, méditation via Whatsapp ou par mail, cascades de newsletters, les paroisses cherchent leurs marques.
Des offres traditionnelles
«Certains ministres sont mis devant la nécessité d’utiliser des outils dont ils ne voyaient que peu l’intérêt jusque-là. Alors on fait ce qu’on sait faire, mais avec un nouveau média», observe Jean-Christophe Émery, directeur de Cèdres Formation et mandaté depuis peu par l’Église réformée vaudoise pour coordonner les nouvelles offres d’Église à distance.
«Les contenus proposés ne sont pas novateurs. Mais ce n’est pas ce qu’on attend des Églises maintenant. Elles doivent continuer à faire ce qu’elles savent faire. Toutefois, pour certains, proposer un culte filmé est déjà nouveau», ajoute Nicolas Friedli, responsable web et réseaux sociaux de l’Église réformée évangélique du canton de Neuchâtel. Si les publications foisonnent, les gens sont-ils pour autant armés pour exploiter ces nouveaux outils? «Pour l’instant, si ce qui est proposé sur le web n’est pas vraiment structuré, cela n’a que peu d’importance. L’essentiel est d’être présent», complète Nicolas Friedli. Dans le canton de Vaud, rares sont les paroisses qui ne proposent pas au moins un bref texte méditatif du pasteur en Une de leur site internet. «Jusqu’ici, la présence sur le web servait à donner des informations au premier cercle sur un événement futur. La grande nouveauté actuellement, c’est que les milieux réformés romands publient de vrais contenus qui peuvent potentiellement toucher un public beaucoup plus large.»
La communauté derrière l’écran
Alors que les cultes ont été les premières activités supprimées des agendas des Églises, les réformés tiennent bon. Dimanche 29 mars à 17h15, ils étaient plus d’une centaine à suivre Z’Culte, le culte proposé par la paroisse vaudoise de La Sallaz – Les Croisettes sur l’application Zoom. L’office était allégé, mais traditionnel, et l’interactivité possible. «Ce moment était peut-être plus intense que vécu dans l’église. En montrant un peu de son chez-soi et en se faisant tous face, on se dévoile plus», commente le diacre Emmanuel Schmied, qui a coordonné le culte, célébré avec ses collègues de la paroisse. Et s’il visait à «réunir la communauté dans des lieux et des ambiances familières, en présence des ministres», des visages que l’on voit peu le dimanche matin étaient aussi de la partie.
Pour Jean-Christophe Émery, ce type d’événement fait évoluer notre rapport à la spiritualité. «La célébration à distance nous apprend à parler tour à tour, à nous regarder autrement et à nous concentrer sur l’information transmise.»
Un même contenu sous une autre forme, la pasteure Ariane Baehni l’applique à la méditation du jeudi matin, normalement organisée dans le temple de Vallorbe. Un groupe Whatsapp a pris le relais. La pasteure y envoie une prière audio, un texte biblique, une courte méditation et un lien vers une musique sur YouTube. «Il est important, lorsque nos rythmes sont bousculés, de pouvoir les garder là où c’est possible. Whatsapp reste le moyen le plus simple et le plus accessible.»
Allô?
À Vallorbe, un culte au format papier est adressé chaque dimanche aux paroissiens et des contacts téléphoniques avec les plus isolés ont remplacé les visites pastorales. À Chavornay, la pasteure Emmanuelle Jacquat s’y est aussi mise. «C’est nouveau pour moi. Habituellement, je rencontre les gens à l’église ou chez eux. Ces appels permettent l’expression des émotions, tout en gardant une intimité.» Elle propose aussi de partager un thé ou un café, le temps d’un appel vidéo.
Sortir de la paroisse
«La territorialité reste un élément important dans l’esprit des gens. Or, le web permet justement de casser cette logique et de s’ouvrir à un public beaucoup plus large», analyse Jean-Christophe Émery. «Tout ce qu’on a toujours fait sur le web était destiné au “club“, à ceux qui vont aux cultes, aux fêtes de paroisse, etc. Mais, tout ce qui est publié, maintenant, est objectivement disponible pour tout le monde», précise Nicolas Friedli.
L’expérience du confinement sera-t-elle assez longue et intense pour qu’elle génère l’utilisation du web au quotidien? Pour Nicolas Friedli, certaines choses vont être acquises, mais il estime que dès la fin de la crise, il y aura beaucoup moins de contenus. Quant à Jean-Christophe Émery, il insiste: «Un contact virtuel n’en est pas pour autant faux. L’expérience spirituelle est possible. Il s’agit de réinventer de nouvelles formes de convivialité. Nous pouvons trouver autant d’intensité dans une conférence Zoom que sur le parvis d’une église.»
En Suisse romande
Face au confinement, toutes les Églises réformées romandes se mettent sur le web. Avec des contenus plus ou moins traditionnels, l’objectif reste d’assurer une présence. Si les initiatives foisonnent, elles sont essentiellement développées par les paroisses plutôt que par les institutions cantonales.
Au bout du lac, Philippe Golaz, pasteur de l’Église protestante de Genève (EPG), célèbre le culte en direct sur Facebook chaque dimanche matin à 11h, depuis la paroisse de Meyrin (lien sur la page FB de la paroisse). Le pasteur fait également profiter de ces bons plans pour «faire Eglise sur internet» sur son blog Théologiquement vôtre, relayé sur le site de l’EPG. Il y livre par exemple des conseils techniques pour diffuser un culte ou une prédication sur le web. Pendant ce temps à la Maison bleu ciel, un espace de spiritualité chrétienne au Grand-Lancy, gérée par le pasteur Nils Phildius, diverses formes de méditations sont toujours proposées, mais cette fois-ci en ligne.
À Neuchâtel, les offres paroissiales sont mises en évidence sur la page d’accueil du site de l’Église cantonale et quotidiennement à jour. Les internautes peuvent ainsi découvrir des méditations en podcast ou filmées ainsi que des liens vers différents sites ou blogs, comme celui de Diane Friedli qui livre des conseils pour rester en lien avec les ados pendant le confinement.
Du côté de Fribourg, la paroisse de la Veveyse propose, par exemple, un culte clé en main pour célébrer un office dans son salon avec ses proches. Autre alternative au culte, la paroisse de Cordast adresse une lettre hebdomadaire spirituelle sous forme audio ou écrite.
En Valais, même scénario, à l’instar de la paroisse du Coude-du-Rhône qui a sa propre chaine YouTube. Parallèlement, l’union synodale Berne-Jura-Soleure est en train de rassembler les différentes offres paroissiales pour pouvoir les afficher sur son site, comme celle de la paroisse de Bienne.