«Le Liban est devenu une grande prison»
Depuis le mois février, le Liban qui affiche un faible nombre de personnes touchées par le Covid-19, a déclaré le confinement pour sa population. Si la pandémie semble épargner pour l’instant le pays des Cèdres, la situation économique devient de plus en plus tendue impactant de front la vie des Libanais et des 1,5 million de réfugiés syriens dans les camps. Responsable de formations sur les droits des migrants pour Caritas Liban, Noha Roukoss, qui travaille également au syndicat des travailleurs sociaux libanais, exprime ses craintes face à la situation.
Quelles difficultés génèrent le confinement?
Cette situation rend la vie de plus en plus compliquée. Suite à la révolution du 17 octobre 2019 qui a engendré des changements au gouvernement et face à une lourde dette internationale, les avoirs d’une partie des banques ont été gelés. La population n’a désormais plus accès à son argent. Elle n’a donc pas pu faire de réserves lorsque le confinement a été décrété en février, un confinement qui devrait se prolonger jusqu’à la fin du ramadan, le 23 mai. Une assistance a été mise en place, notamment avec des colis alimentaires et chaque famille s’organise pour prendre soin des siens.
Et pour les réfugiés dans les camps?
Ils perçoivent comme d’habitude un revenu du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), mais actuellement quand ils arrivent à la banque, parfois il n’y a plus d’argent au distributeur. On voit des centaines de personnes qui attendent, sans protection sanitaire, et qui finalement doivent rentrer chez elle sans rien. Ils craignent pour leur santé, mais ils ont besoin de l’argent.
Est-ce que des mesures contre l’épidémie sont mises en place dans les camps?
Des kits hygiéniques pour la prévention du Covid-19 sont distribués. Des plans d’action sont prévus par les ONG. Par exemple, l’organisation de communications sur la santé reproductrice pour prendre plus de précautions ou prévenir la violence contre les femmes. Suite au confinement et au stress économique, nous constatons une hausse de la violence. Face à ce problème, le procureur général a mis en place des mesures demandant à la police de rédiger des rapports immédiatement dans tous les cas de violence domestique afin de faciliter l’accès à la justice pour les victimes.
Vous êtes sur le terrain, comment les réfugiés réagissent-ils à cette situation?
La situation est très anxiogène. Les camps au Liban ne sont pas fermés, mais avec le confinement, les habitants ne peuvent plus vraiment en sortir. Et même s’ils voulaient retourner en Syrie, ils ne pourraient pas, car les aéroports et les frontières sont fermés. Le Liban est devenu une grande prison pour tout le monde. Et nous craignons que le mois prochain soit encore plus dur.
Comment voyez-vous l’avenir?
On essaie de rester positif, mais on ne sait pas jusqu’à quand on va y arriver. Des tensions surviennent notamment entre les Libanais qui n’ont désormais plus accès à leur argent et les migrants qui continuent de recevoir l’aide du UNHCR. Les personnes en dessous du seuil de pauvreté ne font qu’augmenter. La population libanaise en a marre de l’assistance gouvernementale. Et d’ailleurs, plus que le gouvernement, ce sont les gens qui s’entraident vraiment les uns les autres. Les guerres que nous avons vécues nous ont fait développer cette résilience qui nous permet de supporter la situation et nous donne malgré tout un espoir pour la suite.