«L’idéologie de l’État islamique est toujours vivante»
L’État islamique vient de perdre son dernier bastion. Est-il pour autant vaincu?
Dire que l’État islamique a été vaincu serait une grosse erreur. Bien qu'il ait perdu ses territoires et la bataille, malheureusement son idéologie perdure. Les cellules sont dormantes et les combattants se sont réfugiés dans la clandestinité. C’est pourquoi il y a toujours des attaques en Irak.
Comment venir définitivement à bout de l’État islamique?
Le gouvernement irakien devrait prendre le problème plus au sérieux. Actuellement, il n'y a aucun débat sur les raisons qui permettraient à l’État islamique de prendre de l’ampleur. Quant aux victimes, les autorités leur disent d’oublier et d’aller de l’avant. Mais ce n'est pas si simple. Ce n'est que lorsque les musulmans, les yézidis, les chrétiens, les juifs et les mandéens apprendront à vivre en paix ensemble qu’un espoir de paix naîtra.
Que manque-t-il pour y parvenir?
Il est nécessaire que le pays intègre que, sous le même toit, dans un même État, vivent différentes communautés religieuses. Malheureusement, le gouvernement ne parvient pas à générer cette prise de conscience. Il y aurait pourtant tant de moyens d’y parvenir. On pourrait, par exemple, célébrer les fêtes des différentes communautés religieuses ou baptiser les écoles du nom de personnalités chrétiennes, yézidis ou musulmanes. Seuls ceux qui se connaissent peuvent se respecter.
Vous avez créé un programme chrétien d’aide en Irak, Christian Aid Program Northern Iraq (Capni). Quelle est sa mission?
Nous nous concentrons actuellement sur des projets qui faciliteront le retour des réfugiés dans la plaine de Ninive, au nord de l'Irak, entre autres. À ce jour, nous avons réparé 1200 maisons, construit 32 écoles et 7 églises. Nous restaurons également des magasins détruits pour donner aux gens un emploi, une perspective d’avenir et proposer des microcrédits.
On se souvient des massacres de Sinjar, perpétrés par l’État islamique contre les populations yézidis en août 2014, et qui ont fait des milliers de victimes. Comment avez-vous vécu cet épisode?
Nous avons été choqués et nous nous sommes demandé si nous vivions vraiment au XXIe siècle. Les créatures les plus innocentes du monde, les enfants, ont dû dormir dans la rue. C'était difficile à supporter. On dit toujours que le monde est devenu un village grâce à la mondialisation. Mais quand il s'agit des droits de l'homme, on se retrouve soudain bien seul. Néanmoins, à l'époque, nous avions principalement fourni une aide d'urgence. Nous avions distribué des rations d'urgence, des couvertures et des trousses d'hygiène et mis en place des cliniques mobiles.
Capni est une organisation d'aide chrétienne. Que signifie être chrétien en Irak?
La foi est très forte parce que nous devons porter le fardeau de la discrimination et de la souffrance. Mais en tant que chrétiens, nous sommes des bâtisseurs de ponts entre les parties en conflit. Cela nous rend heureux.
Après des décennies de conflits, pensez-vous qu’un avenir heureux soit possible en Irak?
Oui, la seule question est de savoir combien de temps il nous faudra avant de pouvoir vivre ensemble en paix. Les gens en ont assez de la guerre, ils ont assez souffert. J'ai beaucoup d’espoir pour la jeune génération. Les jeunes universitaires sont très ouverts. Ils veulent ouvrir un nouveau chapitre pacifique dans leur pays. - Andreas Bättig, Ref.ch/Protestinfo
Soutien de l'Église réformée de Zurich
Depuis 2009, l'Église réformée zurichoise soutient des projets en faveur des chrétiens menacés au Proche et au Moyen-Orient ainsi que des initiatives en faveur de la coexistence pacifique et respectueuse de personnes de différentes religions et visions du monde. Capni, une organisation caritative d'aide chrétienne cofondée par Emanuel Youkhana en 1993 qu’il dirige depuis 2014, a été dès le début un partenaire central du projet. L’Église réformée de Zurich soutient Capni à hauteur de 75’000 francs par année.