Une exposition interroge la mission protestante en Afrique
Des hommes et des femmes quittent la Suisse romande avec la foi bien accrochée, la certitude de porter vérité et connaissance à des peuples lointains. La thématique est au coeur de l’exposition Derrière les cases de la mission, l’entreprise missionnaire suisse romande en Afrique australe (1870-1975). Exposée d’abord à l’Espace Arlaud à Lausanne, elle est visible au Musée d’ethnographie de Neuchâtel (MEN) dès le 13 septembre.
Le paillasson et la lanterne
«Cette exposition était déjà dans le chaudron il y a une dizaine d’années! explique Stefano Boroni, dessinateur à l’origine du projet. Avec le scénariste Yann Karlen, nous avons réalisé une bande dessinée – Capitão (Capitaine, en portugais) – à partir d’une thèse que je n’ai jamais finie. Puis nous avons voulu faire une exposition qui a coïncidé avec le legs de l’intégralité des objets que possédait DM-échange et mission*, en faveur de différents fonds romands. C’était une occasion rare. ». Ainsi découvre-t-on une partie de cette collection et une sélection d’objets provenant de diverses autres institutions. Objet a priori sans intérêt : un paillasson en raphia. Pourtant, derrière l’objet, se dessine l’ambivalence de l’action missionnaire. Inutilisés par les Mozambicains, ils étaient confectionnés par eux sous l’égide des missionnaires pour être vendus en Suisse afin de financer la mission. Une lanterne magique aussi: «On comprend comment des missionnaires protestants, qui ne parlaient pas la langue du pays, et a priori réfractaires à toute forme de représentation, ont dû se servir de l’image pour convertir. Ils projetaient même des diapositives de la crucifixion!» explique Stefano Boroni.
Un regard critique
«Beaucoup de missionnaires étaient aussi médecins. Ils voulaient ‹soigner les corps et gagner les âmes!›. Mais tout comme ils classaient des papillons et des coléoptères, ils ont aussi classé les groupes humains» souligne Grégoire Mayor, co-directeur du MEN. De fait, nombre de photos et de films visibles dans l’exposition montrent que les missionnaires proposaient une vision helvétique idéalisée face à une Afrique stéréotypée, qui a forgé la perception de ces peuples par les Suisses. A l’heure des manifestations contre le racisme, cette exposition offre l’occasion de revenir sur les conceptions souvent erronées qui se sont construites au cours des siècles.
Décoloniser les collections
Le Musée d’ethnographie de Genève souhaite « décoloniser » ses collections. Un changement parmi d’autres (écologie, numérique…). Quelques pistes explorées pour 2023 : une réappropriation des objets par leurs descendants, la mention de l’origine, la création dans une dynamique positive.
L’exposition Exotic?
Le Palais de Rumine à Lausanne propose une exposition pour interroger la manière dont l’Ailleurs s’est construit dans l’imaginaire suisse. Plus de 150 objets, peintures et ouvrages. Du 24 septembre 2020 au 28 février 2021.
Infos pratiques
• Derrière les cases de la mission, Musée d’ethnographie de Neuchâtel, du 13 septembre 2020 au 8 février 2021.
• Capitão, de Stefano Boroni et Yann Karlen, Editions Antipodes, août 2019, 113 pages. En vente dans toutes les librairies.