Les Églises suisses s’élèvent face aux incendies de Moria
Mercredi 9 septembre, un incendie s’est déclaré dans le camp de réfugiés de Moria, sur l’île de Lesbos, en Grèce. Selon le rapport des secouristes, il a détruit une grande partie du camp. «Environ un tiers de Moria a brûlé et la partie centrale est détruite», écrit le directeur général de l'organisation d’aide Wadi, Thomas Osten Sacken, sur Facebook. Les photos qu'il a publiées le jour même montrent des abris d'urgence et des zones encore fumantes. C'était «un cauchemar pour lequel il n'y a presque pas de mots.»
Une cause non identifiée
«Nous avons vu comment le feu s'est propagé et a fait rage toute la nuit», rapporte Marco Sandrone, membre de l’association Médecins sans frontières, présent sur Lesbos. «Nous avons vu des gens qui fuyaient un enfer brûlant.» L’endroit a été dévoré par les flammes. Les enfants sont profondément effrayés et les parents en état de choc.
Selon l'agence de presse grecque Athens News Agency (ANA), l'incendie a éclaté vers deux heures du matin, avec apparemment plusieurs foyers. Le camp était complètement surpeuplé. Selon l'organisation, des milliers de personnes ont fui les flammes pour se mettre à l'abri et errent maintenant sur l'île. Aucun rapport de blessures ou de décès n’a été fait. Les causes de l’incendie restent pour l’heure inconnues.
«Le dernier toit perdu»
En Suisse, l’incendie a provoqué la consternation. «Les conditions sont catastrophiques. Jusqu'à présent, il y a un manque d'aide coordonnée», déclare Eliane Engeler, porte-parole de l'Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). Et d’ajouter: «Les plus de 12’000 personnes du camp ont perdu leur dernier toit. Pendant la nuit de l’incendie, des milliers d'entre elles ont fui vers les collines environnantes.»
L’OSAR et d'autres organisations avaient depuis longtemps demandé l'évacuation du camp surpeuplé, en raison des conditions de vie intenables. «Nous avons, par exemple, mis en garde contre le risque d'une propagation rapide du coronavirus. Si le camp avait été évacué à temps, cette catastrophe n'aurait pas eu lieu», poursuit la porte-parole de l’OSAR.
Selon Eliane Engeler, l’OSAR exige désormais que la Suisse accueille également des réfugiés de Moria. «La Suisse doit offrir un refuge aux personnes qui demandent une protection et leur accorder une procédure d'asile équitable. Il ne suffit pas d'accepter quelques dizaines de personnes qui ont des membres de leur famille déjà présents en Suisse.»
Les Églises doivent faire pression
Le théologien et activiste réformé Pierre Bühler s'engage pour l'accueil des réfugiés de Moria. «Il n'y a pas que la Suisse officielle qui doit défendre les réfugiés. Les Églises devraient également soutenir l'évacuation», affirme-t-il. En d’autres termes, elles doivent se déclarer prêtes à accepter des réfugiés dans leurs locaux, en coopération avec les autorités locales. Le Neuchâtelois exige que les dirigeants des Églises fassent pression sur le Conseil fédéral «pour qu'il ouvre généreusement ses portes.»
Plusieurs Églises ont déjà commenté le désastre de l'incendie. Parmi elles, l'Église réformée de Suisse (EERS): «La situation catastrophique du camp de Moria atteint un triste point culminant avec l'incendie d'aujourd'hui. Notre solidarité, nos pensées et nos prières vont aux réfugiés touchés par la catastrophe», peut-on lire sur le compte Twitter de l’institution.
De meilleures conditions de vie exigées
Peu avant l’incendie, des réfugiés avaient déjà protesté contre les infrastructures du camp inhumaines, ainsi qu’à l’égard des mesures inadéquates de protection contre le coronavirus. Depuis le premier cas officiel, advenu début septembre, 35 personnes ont été déclarées positives au Covid-19.
D’après l’Entraide protestante suisse (EPER), dénonce, quant à elle, un véritable manque de connaissance quant aux conditions de vie des réfugiés à Moria. Depuis longtemps déjà, l’EPER exige que la Suisse établisse des voies d'évacuation sûres et légales. «En coopération avec la communauté européenne, la Suisse est appelée à offrir protection et refuge à un nombre nettement plus élevé de personnes particulièrement vulnérables que par le passé», déclare Dieter Wüthrich, responsable de la communication au sein de l’organisation. Cela permettrait ainsi d'éviter que de telles conditions, comme celles qui prévalent à Lesbos et dans de nombreux camps de réfugiés, ne se perpétuent à l'avenir.
La situation du camp de Moria
Le camp de Moria, sur l'île de Lesbos, est le plus grand camp de réfugiés en Grèce, comptabilisant plus de 12 000 habitants. Ces dernières années, les protestations contre les conditions de vie dans des tentes surpeuplées ont donné lieu à plusieurs incendies. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a suspendu pendant deux ans sa coopération avec les autorités en ce qui concerne le transport des réfugiés secourus du port au camp de Moria. Ceci en raison du non-respect des normes minimales.
Depuis le début de la crise des réfugiés en 2015, Lesbos est la destination des bateaux qui partent au petit matin. À cause de la situation géographique de l’île, au large de la Turquie, les garde-côtes grecs auraient forcé, au cours des derniers mois, certains bateaux à entrer dans les eaux turques. Des organisations non gouvernementales ont ensuite accusé les autorités grecques de rejeter illégalement des réfugiés en mer.