Les geeks prêchent sur YouTube
Open Source Church en bref? Une communauté chrétienne créée par des geeks et pour les geeks. Fondée dans la paroisse réformée de Saint-François – Saint-Jacques, à Lausanne, elle tisse sa toile derrière les écrans. En octobre, Open Source Church lance sa propre chaîne YouTube avec le pari un peu fou de faire le lien entre la Bible et la culture geek. Les nouvelles vidéos paraîtront à un rythme hebdomadaire. La communauté n’en est pas à son coup d’essai. Depuis 2019, elle publie un blog, les podcasts «In Fabula Veritas», et organise des soirées «Jeudregeeks».
«Open Source Church, ce sont des gens passionnés par la culture geek et l’Évangile, qui pensent que ces deux mondes peuvent cohabiter et carrément bien s’entendre», présente Noémie Emery, animatrice spirituelle à l’origine des vidéos, dans le trailer de la chaîne. Pour elle, l’articulation proposée est relativement inédite.
L’articulation entre foi et culture geek
Avec la chaîne YouTube, les désormais vidéastes d’Open Source Church testent et explorent, amenant des thèmes diversifiés, tels que le Cantique des Cantique ou encore l’engagement écologique dans la foi. «Le principe de la chaîne d’Open Source Church est de produire des vidéos courtes, denses et avec du contenu théologique accessible», souligne Benoît Ischer, l’un des jeunes engagés dans le projet. Mais en quoi la culture geek est-elle un canal accessible pour transmettre l’Évangile?
«En partant de la culture geek, on peut parler de personnages qui nous interpellent, voire même évoquent le Christ. Aujourd’hui, un manga est souvent plus parlant que le Bible, mais les deux univers peuvent se superposer, donnant des clés de lecture de la foi chrétienne», explique Noémie Emery. Dans l’une des vidéos, Clément Estrabaud met d’ailleurs en lien l’élection du chrétien – une personne choisie pour grandir dans l’amour de Dieu – et celle d’un personnage de fiction, choisi pour faire régner la justice. Des vidéos dans la droite ligne des activités d’Open Source Church: «Nous avons aussi animé une soirée sur les "bad guys" (mauvais garçons, ndlr) dans les films, afin d’aborder la question du bien et du mal, puis d’apporter un éclairage théologique», témoigne Benoît Ischer.
«Tout le monde est un peu concerné.»
Selon Olivier Keshavjee, pasteur vaudois et initiateur de la communauté d’Open Source Church, la culture geek se définit en trois pôles: le jeu (vidéo, de rôle, de société), l’imaginaire (fantaisie, légende, fiction) et la technologie (sciences, informatique). Selon le pasteur, chacun des trois pôles est une clé pour appréhender la société: la science donne des explications objectives et les enfants apprennent par le jeu. Quant à la fiction, elle est une manière décalée de lire notre réalité. Olivier Keshavjee ajoute encore que, «dans la société actuelle, les gens passent énormément de temps derrière les écrans et qu’il serait dommage que l’Église n’en tienne pas compte.» Un constat partagé par Matthieu Pellet. Ce Maître d’Enseignement et de Recherche (MER) en histoire des religions à l’Université de Lausanne, également concepteur de jeux vidéo, affirme que ces derniers sont l’un des produits les plus prisés du monde de l’entertainment (du divertissement, ndlr), avec 93% de consommateurs à travers le monde. Noémie Emery constate elle aussi que la culture geek touche un public de plus en plus large: «À l’origine, la culture geek était marginale, désignant caricaturalement des personnes passionnées d’informatique et cachées dans leur cave. Aujourd’hui, tout le monde a accès à l’informatique. La culture geek se mélange à la culture pop et tout le monde est un peu concerné.»
Culture geek et foi: un duo de choc?
Passionné de culture japonaise et de "gaming", Matthieu Pellet comprend tout à fait que la culture geek soit aujourd’hui un vecteur de la foi chrétienne. Selon lui, le christianisme a une place de longue date dans les jeux-vidéos. «À partir du moment où un concepteur de jeux traite du Moyen-Âge, il est automatiquement immergé dans le christianisme.» Ce dernier a sa place jusque dans les productions japonaises. L’enseignant donne l’exemple de Samouraï Spirit, qui met en scène l’arrivée du christianisme au Japon, ou encore de Sakura Taisen, qui représente les chrétiens comme des "healers": des figures angéliques aux pouvoirs de soins. Matthieu Pellet note que de nombreux jeux vidéo contiennent des figures christiques qui se sacrifient pour les autres. «Même dans la série américaine Game of Thrones, le personnage de Jon Snow rappelle le Christ.»