Le processus EREN 2023 se grippe, faute de garanties
«C’est simple: c’est soit moi, soit personne. J’en suis le premier désolé.» C’est avec ces mots que le conseiller synodal neuchâtelois Yves Bourquin a résumé la situation. Réunie virtuellement pour son Synode de printemps le 24 mars, l’Église réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN) devait en effet se choisir un nouveau président, en raison du départ à la retraite de Christian Miaz en août prochain. Or le pasteur de Bevaix s’est révélé être le seul candidat éligible en lice. Yves Bourquin a tenu cependant à rappeler la nécessité que tout un chacun vote selon ses convictions. «Si vous pensez que je ne suis pas le bon candidat, ne m’élisez pas. Car j’ai besoin de votre confiance.» Sans grande surprise, l’EREN a pu officialiser, quelques jours plus tard, le vote étant fait par correspondance, l’élection d’Yves Bourquin à la tête de son institution.
De la confiance, Yves Bourquin va encore avoir besoin d’en établir au sein des paroisses neuchâteloises face au processus de mutualisation baptisé «EREN2023», sur lequel le Conseil synodal (CS) a livré son rapport. «Il ne s’agit pas de subir ces mutualisations mais de les porter ensemble, et de les porter dans la joie», initiait alors Christian Miaz en ouvrant la discussion. Des paroles qui n’ont pas réussi à rassurer certaines paroisses, inquiètes de la perte d’autonomie que ces changements pourraient induire au niveau local. Julien von Allmen, délégué de la région des Hautes-Joux, exprime son impression d’une «mise sous tutelle des paroisses». Plusieurs délégués confient l’impression «d’un glissement», à l’instar de Johann Robert de la région Entre-deux-Lacs: «Certaines paroisses n’y arrivaient plus financièrement, on souhaitait trouver une solution, et aujourd’hui on a glissé vers une entreprise de mutualisation globale au sein de l’EREN.» «Cette mutualisation se profile comme une certaine cantonalisation», formule à son tour Hyonou Paik, délégué de la région La Côte.
Une mutualisation qui n’enchante guère
Mais qu’entend-on précisément par «mutualisation»? C’est la grande question. Des clarifications sur la terminologie employées sont en effet demandées à plusieurs reprises: «Que cache-t-on derrière ce terme de "mutualisation"?» «Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures», rétorque le conseiller synodal Yves Bourquin. «Cela signifie se mettre ensemble pour accomplir une tâche à plusieurs. À partir de là, tout peut être imaginable.» Et d’ajouter: «Le CS veut rester au mot "mutualisation" car il est plus englobant. Le terme "cantonalisation" est délicat car il y a eu des blessures par le passé, et ce terme donne l’idée d’un processus par le haut et ce n’est ici pas l’idée.»
«On a besoin de garanties», insiste Delphine Collaud, de la région Entre-deux-Lacs. Et de préciser: «Il nous faut l’assurance que ces mutualisations nous soient proposées et non pas imposées.» Pour le Conseil synodal, ces craintes n’ont pas lieu d’être. «La tutelle n’existe pas car c’est toujours le Synode qui décide», relève Christian Miaz. Oui, mais comme le relèvent plusieurs délégués, la majorité du Synode peut décider des choses qui ne sont pas souhaitées par telle ou telle paroisse. D’où les inquiétudes.
Des économies inévitables
«La situation ne peut continuer comme aujourd’hui», lâche encore Christian Miaz. «Il faut que l’on puisse dégager des ressources.» La situation de l’EREN est en effet toujours précaire, comme l’atteste le budget 2021, qui affiche un déficit de 980'000 francs. Celui-ci force donc l’institution cantonale à puiser encore une fois dans ses fonds propres. Une réalité qui préoccupe le conseiller synodal Jacques Péter: «Ne nous leurrons pas, seul le processus EREN2023 permettra à notre Église d’être encore présente cette prochaine décennie au sein de la population.» Malgré des échanges nourris sur le fond et la méthode, le Synode a accepté de s’engager dans le processus EREN 2023 sans modification du tableau des postes jusqu’en 2024. À suivre.