Peut-on se déplacer de manière électrique et durable?
Pain sur le prochain (PPP) alerte régulièrement sur l’impact social et environnemental de la production de batteries. Le point noir régulièrement pointé par l’ONG, y compris dans son dernier rapport paru en 2020: l’extraction de matières premières.
En effet, aujourd’hui, le marché des batteries – qu’il s’agisse de fournir de l’énergie ou de faciliter la mobilité – est dominé par la technologie dite «lithiumion». Elle implique d’utiliser des matériaux «non pas rares, car ils existent en abondance, mais précieux», précise Andrea Vezzini, responsable du centre BFH stockage d’énergie pour la Haute école spécialisée bernoise. L’extraction de lithium au Chili, sur le plateau d’Atacama, demande par exemple de grandes quantités d’eau, même si «ses effets exacts n’ont pas encore fait l’objet de recherches complètes», reconnaît le chercheur. Une sorte de standard écologique et social est déjà en train d’apparaître chez les grands constructeurs automobiles comme VW ou BMW, pour tracer les conditions de production de leurs batteries.
Mais cela est-il suffisant? La mobilité électrique est en plein essor et s’avère irrésistible: «L’intérêt de l’électrique par rapport au pétrole est indéniable, en matière d’émissions carbone. La part de CO2 nécessaire à la construction d’un véhicule électrique a elle aussi beaucoup diminué. Aujourd’hui, au-delà de 20'000 kilomètres d’utilisation, un véhicule électrique est ‹rentable›, en ce qui concerne les coûts carbone», poursuit Andrea Vezzini. Le vrai problème, pour le chercheur, réside dans l’industrialisation de la mobilité électrique. «Le défi, c’est l’échelle industrielle: remplacer 80 millions de voitures thermiques chaque année par des voitures électriques induit un impact massif sur la logistique, l’extraction minière et l’environnement.»
Changement de consommation
Pour Andrea Vezzini, c’est véritablement la consommation de la population qui est à remettre en question. «Il faut réfléchir profondément à nos habitudes et à nos mobilités: penser à la mobilité partagée, réduire la mobilité de manière générale. Se demander s’il n’est pas plus pertinent de se réjouir de la durée d’une journée plutôt que la remplir avec deux heures de trajets. La pandémie nous a montré que cela fonctionne!»
Pour le moment, l’impact environnemental de la production électrique ne se reflète pas encore dans le coût de la mobilité électrique, relativement accessible compte tenu des dégâts irréversibles qu’elle peut causer à l’environnement. «Mais pour les combustibles fossiles, les coûts environnementaux sont bien pires… et ils ne sont pas non plus reflétés dans le prix aujourd’hui!», remarque Andrea Vezzini. De plus, le régulateur suisse ou européen devrait changer la donne sous peu, en imposant de nouvelles contraintes de recyclage des batteries. En attendant, prendre conscience de l’impact social et environnemental de la mobilité électrique permet d’en faire une utilisation consciente et responsable.
Quelques conseils
- Privilégier le vélo électrique à la voiture: «C’est tout de même moins énergivore pour déplacer 70 kilos», glisse Andrea Vezzini. Si l’on investit dans un vélo électrique, veiller à l’utiliser au minimum « trois fois par semaine ».
- Prendre soin de sa batterie: «Eviter de la décharger totalement, ne pas la charger en dessous de zéro degré, la charger à 80% seulement en cas d’une utilisation quotidienne, à 100% en cas de trajets plus longs.»
- Recycler: les vendeurs de vélos ont une obligation légale de reprendre toutes les batteries cyclistes qui leur sont rapportées. Les possesseurs, eux, doivent ramener ces accumulateurs à un point de collecte, à un fabricant ou à un détaillant.
- Upcycler: plusieurs start-ups se sont lancées dans la réutilisation de batteries électriques: libattion.ch ou sun2wheel.ch sont parmi les pionnières suisses du secteur.