Les religions ont un rôle-clé dans la sortie de la pandémie
Vacciner 10% de la population mondiale d’ici fin septembre, 40% d’ici fin décembre et plus de 70% jusqu’à mi-2022, tel est le but fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour son directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus, cette avancée ne sera possible qu’avec une distribution équitable des doses de vaccins, une collaboration internationale renforcée et le soutien de tous les acteurs possibles, notamment celui des leaders religieux, qui sont une référence en matière de confiance.
Outils à disposition
«Avant la rencontre, un journaliste m’a posé une question simple: quand la pandémie va-t-elle arrêter? Je lui ai fait une réponse également toute simple: lorsque le monde l’aura décidé», a introduit Tedros Adhanom Ghebreyesus dans son discours. Pour le directeur général de l’OMS, nous avons les moyens de stopper le coronavirus: «Il n’existe pas de vaccins contre la maladie d’Alzheimer, ni de tests de dépistage rapide pour toutes les formes de tuberculose, alors que nous avons développé tous les outils nécessaires pour pouvoir endiguer cette pandémie.» Aujourd’hui, sur les 5 billions de doses de vaccins produites, 75% ont été distribuées dans seulement 10 pays, parmi les plus riches. Une injustice flagrante pour le directeur général de l’OMS, qui vise un traité international favorisant une distribution solidaire et équitable qui ne laisse pas les pays les plus pauvres en marge.
Au-delà d’une question épidémiologique, cette crise est avant tout un problème social et économique qui doit être portée par tous. Il en appelle également à lutter contre la désinformation et à prendre conscience que seule une vaccination généralisée permettra de résoudre la situation: «Là où il y a théorie du complot, le virus essaie… et gagne!» Pour lui, il est nécessaire d’accroître la confiance dans les programmes vaccinaux, un domaine dans lequel les religions ont un rôle-clé à jouer.
Soutien des Églises
Ce dossier est également une priorité pour le Conseil œcuménique des Églises (COE) qui mène, depuis ce printemps, des activités de sensibilisation afin d’augmenter la confiance du public dans les autorités sanitaires et les vaccins approuvés auprès de§ plus de 550 millions de membres.
Pour son secrétaire général ad interim Ioan Sauca, il est du devoir des Églises chrétiennes de remettre en question publiquement les mythes et rumeurs qui circulent en les confrontant aux faits et de plaider en faveur de ce qui est juste du point de vue médical, éthique et dans le respect des droits humains: «Le COE, par la voie de son Comité exécutif, condamne fermement les injustices et les inégalités mondiales dans le sillage de la pandémie. Il exhorte au partage et à la gestion des doses de vaccins, au partage des technologies, à la fin du scepticisme, et à la main tendue vers celles et ceux dont la vie et la santé ont été mises à mal par la pandémie.»
Bien que Ioan Sauca soit conscient que les avis envers la vaccination peuvent diverger au sein des représentants des Églises chrétiennes, il espère persuader de sa pertinence: «Les organisations religieuses sont particulièrement bien placées pour s'engager concrètement au niveau local sur les questions de soins de santé. Je suis convaincu que si une majorité de ministres à travers le monde peut influencer positivement en faveur de la vaccination, nous pouvons espérer arrêter cette pandémie.»
Pour lui, il en va d’un engagement en faveur de la dignité de la vie: «L’enseignement fondamental de cette pandémie a été notre vulnérabilité commune. Puisse-t-elle insuffler une nouvelle volonté de réelle transformation sociale et d’engagement en faveur de notre seule humanité dans ce seul monde.» Pour y parvenir, le secrétaire général ad interim prône une foi rassurante et calme en l’humanité accompagnée d’un espoir réaliste pour l’avenir et un amour indéfectible pleinement inclusif.
Mobilisation commune
Un discours partagé, en grande partie, par Muhammad Bin Abulkarim Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale. Dans son intervention, il a mis un accent particulier sur la question du passeport sanitaire qui est une priorité pour lui: «Je souhaite que les pays n’accordent plus l’accès sans un pass sanitaire reconnu par l’Organisation mondiale de la santé.» Un appel lancé au monde musulman pour sortir de la crise en se basant sur les fondements portés par la Ligue islamique mondiale basés sur le dialogue avec toutes les religions et cultures en faveur de la compréhension et de la paix.
L’importance d’actions au niveau local a été relevé par le secrétaire général de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge Jagan Chapagain. «Il est primordial de pouvoir répondre aux besoins spécifiques de chaque communauté, non pas en fonction de ce que nous pensons juste, mais en respectant ce qu’elles souhaitent et ce dont elles ont besoin.» Au-delà de la problématique du virus en elle-même, le secrétaire général a appuyé sur le fait que le coronavirus a contribué à souligner les inégalités déjà présentes auparavant.
Défis futurs
Initiée par la fondation Dialogue for Peace, cette rencontre sur «Le Covid-19 et ses conséquences pour une coopération multilatérale mondiale» voulait également réunir des acteurs qui auront un rôle à jouer dans les nombreux défis auxquels sera confronté notre monde à l’avenir. La fondation a déjà favorisé de nombreuses rencontres en lien avec les conflits au Proche-Orient, au Cachemire ou en Syrie et place actuellement le problème de l’Afghanistan dans ses priorités. Elle a récemment récompensé par le prix Bridge Builder Award les deux représentants religieux présents à la conférence, Ioan Sauca et Muhammad Bin Abulkarim Al-Issa, pour leurs travaux sur la coopération interreligieuse dans l’intérêt de la paix.
En clôture de la rencontre, le directeur de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus s’est dit très satisfait de ces échanges constructifs. «Cette crise a pour point positif qu’elle renforce nos actions communes. Avec le soutien de leaders de confiance, nous pouvons avancer sur un chemin qui nous donnera les moyens de mieux gérer une éventuelle future pandémie. Si nous n’arrivons pas à venir à bout du coronavirus, qu’en sera-t-il pour des problèmes encore plus graves. Il n’y a pas de vaccin contre la pauvreté ou encore la crise climatique!»