A Cuba, des Églises isolées
A Cuba, le confinement et donc l’interruption des voies de communication ont eu une conséquence brutale: «Les villages ou communautés excentrés se sont retrouvés coupés de tout, en particulier pour les personnes sans accès à la téléphonie mobile», explique Anne Roulet, coordinatrice de programmes sur la plus grande île des Caraïbes pour l’association d’entraide DM, à Lausanne. Outre le fait que le réseau internet n’est pas très bon ni développé, l’achat de données y coûte très cher. Résultat: «L’action et la présence des Eglises et de nos institutions partenaires sur place, qui ont déjà un rôle social très important en temps ordinaire, ont été d’autant plus cruciales», ajoute Anne Roulet.
Les partenaires de DM sont présents à La Havane et dans les zones plus périphériques: Eglises baptise, réformée, presbytérienne, séminaire évangélique de théologie interconfessionnel… Nils Martinet, «animateur national» de DM dans l’île, collabore avec plusieurs d’entre elles, dont un centre pour les arts et le service social dans la province de Matanzas, à 100 kilomètres à l’est de la capitale La Havane. DM soutient en particulier des projets liés à l’enfance. Durant le premier confinement strict, l’enjeu était d’abord de faire parvenir des exercices pour les enfants, d’envoyer photos et documents, de s’assurer du suivi des activités proposées et de prendre des nouvelles des familles.
Crise à retardement
Désormais, l’enjeu est très différent. L’île de 11,2 millions d’habitants – qui a surmonté trois vagues de coronavirus sans trop de difficultés – a acté sa réouverture au tourisme tôt cet hiver, au moment même où le variant delta commençait sa propagation. Les contaminations ont donc grimpé en flèche, alors que les vaccins n’étaient pas encore disponibles. Le système de santé, jusque-là fierté du pays sous embargo américain depuis 1962, se retrouve aujourd’hui submergé. Là-dessus s’est ajouté un changement monétaire de taille: la fusion des deux monnaies cubaines, entraînant la disparition du peso cubain convertible en dollar, qui existait depuis vingt-six ans. Les prix ont été multipliés par cinq, «alors que les salaires des employés d’Etat, par exemple, ne l’ont été que par trois», indique Anne Roulet. Au quotidien, les files d’une nuit entière pour des denrées élémentaires (café, huile) sont devenues la norme. Le dollar s’échange au marché noir à trois fois sa valeur», raconte la coordinatrice, d’après les témoignages de Nils Martinet.
S’unir pour aider
Bien après le début de la pandémie, c’est donc aujourd’hui que Cuba se retrouve dans une crise sociale et sanitaire inédite. Avec seulement 30% de la population vaccinée et près de 8000 nouveaux cas par jour, la situation n’est pas près de s’améliorer: les aiguilles nécessaires pour les injections font aujourd’hui défaut. Et ce, alors que l’île dispose de deux vaccins, développés intégralement sur son sol… Soutenir les partenaires locaux dans cette crise aiguë n’est pas chose aisée. «En raison du blocus, aucune transaction financière ne peut être réalisée de manière directe: la seule solution est de se rendre sur place pour faire parvenir des fonds», témoigne Anne Roulet. Quant à l’envoi de matériel de première nécessité, il nécessiterait d’affréter un container spécifique. Or les taxes d’importation sont dissuasives. «Mais elles ont été levées par le gouvernement cubain sur certains produits et matériaux jusqu’à fin 2021», pointe Anne Roulet. DM est donc en discussion avec des partenaires privés et associatifs en Suisse pour un éventuel envoi de matériel en commun cet automne. Si aucune surprise administrative ne survient d’ici là.