Politiciens et pasteurs ne défendent pas tout à fait le même christianisme
«L’UDC se reconnaît dans le fondement occidental et chrétien de notre Etat», peut-on lire dans le programme du parti. Paradoxalement, si le premier parti de Suisse est celui qui met le plus en avant la défense des valeurs chrétiennes, c’est aussi celui qui est le plus contesté par les prises de positions des Eglises, en particulier en ce qui concerne l’accueil des migrants. Ce à quoi le programme du parti rétorque: «L’UDC rejette les prises de position unilatérales et gauchisantes des fonctionnaires ecclésiastiques.» Eglises et politiciens ne défendraient-ils pas le même christianisme?
«Notre société vit un important changement. La religion civile de l’aumônier militaire, équilibre entre catholiques et protestants se délite: la religion ne joue plus son rôle de plus petit dénominateur commun entre les citoyens et l’on se retrouve dans une société avec beaucoup de droits individuels et peu de valeurs collectives», analyse le sociologue des religions Philippe Gonzalez.
Ainsi l’identité religieuse redevient un débat politique. «En 2002, l’UDF Christian Waber a déposé une interpellation pour savoir si le préambule de la Constitution fédérale “Au nom de Dieu Tout-Puissant” est aussi valable pour les musulmans. Le Conseil fédéral répond que cette mention “a pour but de rappeler qu’il existe une puissance supérieure, au-dessus de l’Etat et de l’être humain. Mais cette puissance ne doit pas nécessairement être comprise dans une perspective chrétienne”», rappelle Philippe Gonzalez.
La population n’a plus d’engagement croyant, mais elle est questionnée par des minorités religieuses qui sont généralement davantage pratiquantes. L’identité chrétienne culturelle et exclusiviste défendue par l’UDF et l’UDC apparaît alors comme une réponse. «La Suisse a accouché d’une forme de chrétienté sécularisée que désormais seule une part réduite de la population peut appréhender», s’inquiète Philippe Gonzalez.