Le facteur d’orgues tourne grâce à l’entretien
C’est à Farvagny (FR) que nous donne rendez-vous Jean-Daniel Ayer. Dans l’église catholique du gros village, avec son équipe, ce facteur d’orgues est en train de mettre les dernières touches à la rénovation des orgues du lieu. Silencieux depuis le début des années 2000, l’instrument date de la fin du XIXe siècle. Il a été construit dans le canton de Saint-Gall avant d’être déplacé ici.
Buffet (boiseries de façade) rénové par des artisans, nouveaux tuyaux, toutes les parties visibles ont été refaites dans les règles de l’art. Mais derrière se cachent de puissants haut-parleurs. «Les tuyaux que nous avons changés sont prêts à chanter, mais pour l’instant ce ne sera pas le cas», précise le facteur d’orgues. «La paroisse utilisait un petit positif, un orgue d’accompagnement, mais cela devient difficile de trouver des organistes lorsque l’on n’a pas d’instrument de qualité.» L’option de l’orgue numérique s’est imposée pour des questions budgétaires: un instrument de ce type vaut dans les 60'000 fr.
Au bas mot, dix fois moins qu’un orgue neuf. «Peut-être qu’un jour la paroisse fera un autre choix, mais elle dispose là d’un instrument aux qualités sonores exceptionnelles et qui procure aux organistes un toucher très proche de celui d’un orgue mécanique», explique Jean-Daniel Ayer, importateur en Suisse de la marque américaine Allen. Il se confie: «Quand je me suis mis à mon compte en 1985, il y avait trois à quatre ans de délai de livraison. Vers 1970 il y avait 10 apprentis pour chacune des quatre années d’apprentissage! Aujourd’hui, il n’en reste que dix pour l’ensemble des quatre ans.»
Ainsi, comme plusieurs de ses confrères nous l’ont confié: «Aujourd’hui nous vivons essentiellement de l’entretien. Un orgue, ça s’accorde tous les ans, et il faut faire une révision plus poussée tous les vingt ans. Mais il ne reste que peu d’entreprises qui fabriquent en Suisse. Il faut dire que toutes les grosses rénovations ou constructions qui ont été faites en Suisse romande ces dernières années ont été confiées à des entreprises françaises, allemandes, italiennes et espagnoles. Pour construire, il faudrait au moins pouvoir être dix. L’orgue, c’est des métiers différents, construire le buffet, les tuyaux, tout en pensant à leur sonorité…»
Un savoir-faire qui pourrait se perdre sur un marché où les facteurs suisses sont réputés pour la fiabilité de leur mécanique.