Dès ses débuts, le Service Réfugiés du CSP Genève, né en 1972, a associé une action de terrain concrète, juridique et sociale, avec un plaidoyer politique et une prise de parole publique et critique. Annuellement, il reçoit 500 personnes et en suit 850, avec une équipe de quatre juristes, une assistante sociale et un chargé d’information sur les questions d’asile, Raphaël Rey, qui revient sur cette histoire, racontée dans le livre Genève, terre d’asile? (Aldo Brina, éd. Labor et Fides)

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L’ouvrage explique que la politique d’asile suisse se mue avec le temps en exclusion…

Ce livre traite de la situation genevoise, car nous y sommes basés. Mais il est étroitement lié à la politique fédérale qui s’est centralisée et durcie au fil des ans. Un discours de plus en plus fort de chasse aux abus, une volonté de faire de la Suisse un pays dissuasif se déploient au cours des années. Au milieu de cela, Genève et le CSP défendent depuis l’origine une vraie politique d’asile, c’est-à-dire un accueil digne.

Ce durcissement apparaît en particulier envers les personnes non originaires de l’UE, pourquoi?

La politique d’asile s’est construite en complémentarité de la politique migratoire suisse, basée sur un modèle concentrique. Un régime politique et juridique s’applique aux ressortissants de pays européens et «industrialisés», un autre à ceux des pays extra-européens. L’accueil de ces derniers a été conditionné à des politiques utilitaristes: la chasse aux abus sociaux ou juridiques traverse la politique de l’asile, dès ses débuts. C’est une notion très forte dans les discours et le droit. Mais, dans les faits, elle ne correspond à aucune réalité, c’est très anecdotique.

Peut-on quand même parler de succès, en 50 ans?

Cette histoire montre en tout cas une Genève qui, par moments, a eu des valeurs fortes et a été capable de résister, voire de définir la politique fédérale. Des conseillers d’Etat s’y sont même opposés! Donc porter cette voix, gagner des batailles est possible. Et nécessaire.

La mort d’Alireza (jeune Afghan qui s’est suicidé en décembre 2022) pose la question de l’aide psychologique…

Une grande partie de personnes demandeuses d’asile montre des vulnérabilités importantes: elles ont vécu des traumas dans leurs pays d’origine et leurs parcours d’exil. Le besoin de soutien psychologique et d’accompagnement a toujours été là. Le drame d’Alireza montre surtout que ces questions doivent être véritablement tenues en compte dans les décisions d’asile prises par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et par le Tribunal administratif fédéral. Trop souvent, les autorités ne prennent pas suffisamment en considération les avis médicaux qui pointent la vulnérabilité des personnes concernées.

Quels sont les enjeux actuels?

On peut en nommer deux: l’imbrication progressive de la Suisse dans les politiques migratoires européennes, qui cherchent à externaliser les demandes d’asile le plus loin possible. Cela s’observe à travers une série d’instruments déjà en vigueur, qui contribuent à barricader encore plus l’accès à l’Europe. D’autre part, l’enjeu de la durabilité du système d’asile, qui a été restructuré en 2019 et qui est déjà sous extrême tension : les centres fédéraux sont pleins, l’accès à la santé, l’accueil des personnes mineures sont défaillants… L’histoire montre que l’asile est marqué par des fluctuations: elles ne cesseront pas.