Accompagner les personnes sous psychotropes
Depuis le milieu des années 2000, les études concernant les usages thérapeutiques de certains psychotropes se multiplient aux Etats-Unis. «Les expériences psychédéliques, particulièrement lors d’administration de fortes doses, peuvent donner au consommateur l’impression de mourir», explique Sam Shonkoff, professeur assistant d’études juives au Graduate Theological Union, un consortium de séminaires à Berkeley, en Californie. «On peut avoir le sentiment d’une rupture existentielle. Et une personne qui a de l’expérience dans l’accompagnement des personnes mourantes pourrait vraiment voir certaines similarités si elle se retrouve face à une personne sous psychotropes.» «Etre avec des personnes en état de conscience altérée peut avoir certaines similarités avec ce qui se passe lors de moments pivots de la vie tels que le mariage, la naissance et la mort», confirme Moana Meadow, ancienne aumônière interreligieuse en hôpital, devenue responsable d’un projet d’étude autour des psychédéliques à l’Université de Californie à Berkeley.
Et alors que les premières publications mettent en avant les compétences des personnes formées dans l’accompagnement spirituel pour guider le travail psychédélique, plusieurs institutions académiques aux Etats-Unis lancent des formations permettant de devenir facilitateur d’expériences psychédéliques qualifié. Ouvrant peut-être la voie à une nouvelle forme d’aumônerie.
La révérende Caroline Peacock, pasteure épiscopalienne et aumônière au centre de soins Emory à Atlanta, s’apprête à collaborer, dans le cadre de son ministère, à une expérience clinique visant à déterminer si les psilocybines permettent de traiter les troubles d’anxiété, de dépression et les douleurs chroniques chez les personnes ayant surmonté un cancer. Dans le protocole auquel elle va participer, des aumôniers proposent un suivi spirituel, avant, durant et après la prise du psychotrope. «Certaines des questions que l’aumônerie psychédélique soulève sont parmi les plus anciennes de toutes», estime Sam Shonkoff, qui souligne que les chamans, les soigneuses traditionnelles et les anciens autochtones font ce travail depuis des siècles. Mais la présence d’un aumônier psychédélique dans ces équipes scientifiques est quelque chose de nouveau.
Plusieurs des institutions menant des recherches dans ce domaine rappellent les racines indigènes de nombreuses pratiques psychédéliques. Sam Shonkoff s’en réjouit: «Il y a eu une tendance dans ce domaine naissant de l’étude des psychédéliques à essayer de parler des soi-disant aspects mystiques des psychédéliques sans référence aux traditions culturelles et spirituelles particulières qui ont utilisé ces substances.»