«Les Eglises doivent retrouver leur lien à la société»

Pierre Gisel, professeur honoraire de la Faculté de théologie et de sciences des religions (UNIL). / ©DR
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Pierre Gisel, professeur honoraire de la Faculté de théologie et de sciences des religions (UNIL).
©DR

«Les Eglises doivent retrouver leur lien à la société»

Pierre Gisel
L’élection de l’ancien conseiller d’Etat PLR Philippe Leuba au sein de l’exécutif de l’Eglise réformée vaudoise fait office de sortie de crise pour l’institution. Mais pour le théologien Pierre Gisel, les difficultés rencontrées par cette Eglise ne se résoudront que par des projets innovants.

L’élection d’un homme politique à la tête de l’EERV permet-elle de résoudre une crise institutionnelle?

L’arrivée de Philippe Leuba est un signal fort et heureux, mais ne va pas résoudre à elle seule toutes les difficultés, qui sont de fond. Cela dit, cette élection renoue avec une tradition des Eglises protestantes: la présence dans leurs exécutifs de personnalités ayant des liens forts avec la société civile. Profs d’uni, présidents d’institutions, figures politiques… Pensons à Daniel Schmutz à l’EERV ou à Guy-Olivier Segond à l’Eglise protestante de Genève. L’horizon du christianisme, c’est le monde et l’humain. Et l’Eglise doit y proposer des choses renouvelantes et productives, sur les questions humaines et sociales, et renouer ses liens à la société. Ce qui s’est perdu aujourd’hui en Suisse romande, sauf sur les questions écologiques.

Pourquoi?

On peut évoquer des choix théologiques au cours du XXe siècle, qui ont détaché les Eglises de leurs liens à la société et à la culture. Elles ont mis d’abord en avant la diaconie, ont été séduites par la tentation d’organiser la société selon les valeurs de l’Evangile et ont privilégié leur rôle de dénonciation, oubliant leurs fonctions rituelles ou d’apport de sagesse. Parmi d’autres raisons: une société qui s’homogénéise, marginalise les traditions culturelles et religieuses, qui sont pourtant les lieux où se nouent nos identités. Ou encore une tendance à l’individualisme et au repli, identitaire ou autre.

Quelles solutions?

Réduire les difficultés que traversent les Eglises protestantes à des questions de gouvernance est erroné. La question prioritaire, c’est: quel projet d’Eglise pour la société? L’enjeu des moyens disponibles et de l’organisation lui est subordonné. Et rappelons qu’une Eglise, ce sont des paroisses, mais aussi des réseaux spirituels, des centres de réflexion, une histoire, des lieux de partage culturel… Les besoins spirituels de nos sociétés prennent diverses formes, y compris hors christianisme. L’Eglise doit honorer ces quêtes. Mais pour cela il faut vouloir et savoir les déchiffrer.