«La migration, c’est la vie»
Pour actualiser une phrase célèbre: «des migrants, vous en aurez toujours avec vous»2.
La migration – comme on la nomme aujourd’hui – n’est pas près de se tarir. Tant que les bombes pleuvront, tant que les tyrans régneront, tant que les inégalités seront criantes, au sens propre, et feront pousser des cris de détresse, tant que l’injustice persistera, les humains se déplaceront pour aller ailleurs. Ce n’est donc pas près de s’arrêter, et cela d’autant plus que l’injustice, c’est le Nord qui l’a créée au Sud.
La question n’est donc pas là. La vraie question est comment allons-nous gérer la migration, en cessant d’être des apprentis sorciers submergés par ce qu’ils ont délibérément provoqué.
Car actuellement, nous gérons la migration de façon de plus en plus dysfonctionnelle et absurde:
1. Nous avons besoin de bras (et de mains, et de pieds, et de tête). Bref, nous avons besoin de personnes tout entières pour faire tourner notre économie. Notre fameuse richesse. Au début de l’année 2023, il nous manquait déjà 130'000 personnes, et d’ici quatre ans, il en manquera 350'000.3
2. Aujourd’hui, il est totalement impossible pour une personne hors Union européenne d’obtenir en Suisse un permis de travail, un permis B pour travailler comme main-d’œuvre peu ou pas qualifiée. Mais les autres pays d’Europe sont eux aussi en manque de main-d’œuvre.
3. La seule porte d’entrée pour migrer en Suisse est donc de demander l’asile. Même si l’on ne remplit pas les conditions.
4. Si les conditions ne sont pas remplies, la Confédération, par l’entremise du Secrétariat d’Etat à la Migration, ordonne de renvoyer les personnes, soit selon les accords de Dublin si elles ont transité par un autre pays (expliquez-moi comment on vient en Suisse sans transiter par un autre pays?!), soit vers leur pays d’origine.
5. Résultat: il reste toujours 130'000 places de travail qui ne sont pas repourvues, et plus encore dans les années qui viennent.
Il va donc falloir changer de paradigme et penser autrement. Il va falloir voir l’étranger autrement. Le voir comme quelqu’un qui va nous aider à rester riches, et non pas comme quelqu’un qui vient nous prendre nos richesses. Riches de notre économie peut-être, mais surtout riches de la différence, riches de l’altérité, riches de la diversité: riches de la pluralité des langues, des cultures, des religions. Car c’est au contact de l’autre que l’on apprend qui l’on est.
Il va falloir non plus assimiler l’autre mais apprendre à se métisser, c’est-à-dire à nous transformer au contact de l’autre comme eux se transformeront à notre contact.
Est-ce si grave de devenir plus riches, plus riches d’expériences, et de devenir meilleurs, parce que nous aurons su voir en l’autre un être humain?